Dossier : Les cent ans de la CSN : éléments d’histoireIdées

De la négociation en rang dispersé à la création des quatre Fronts communs intersyndicaux CSN-FTQ-CEQ[Notice]

  • Yvan Perrier

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  • Yvan Perrier
    Professeur, sciences sociales, Cégep du Vieux Montréal
    Chargé de cours, relations industrielles, UQO

Dans le texte qui suit, il sera question des négociations dans les secteurs public et parapublic au Québec, de l’adoption du Code du travail en 1964 et de la Loi de la fonction publique en 1965 jusqu’à la ronde de négociation de 1982-1983. Nous identifierons les demandes syndicales, les offres de l’État-employeur et le résultat obtenu lors de ces six premiers rendez-vous en face-à-face entre le gouvernement et les grandes organisations syndicales présentes dans les secteurs public et parapublic (la CSN, la CEQ et la FTQ). Il s’agit donc, pour l’essentiel, d’un rapport de recherche à caractère panoramique et largement factuel. À la fin du texte, nous nous permettons d’aller de l’avant avec une ouverture de portée un peu plus théorique concernant le concept de « rapport de force » lors de ces négociations entre l’État-employeur (qui est également l’État législateur) et les organisations qui représentent les salarié.e.s syndiqué.e.s de ces deux importants secteurs de notre vie collective. Mais avant, quelques remarques préliminaires s’imposent sur les droits des salarié.e.s des secteurs public et parapublic au Québec avant l’adoption de nouvelles lois du travail lors de la Révolution tranquille. À la fin des années cinquante et au début des années soixante, les droits des employé.e.s des secteurs public et parapublic au Québec étaient fort limités. Les fonctionnaires et les professionnel.le.s à l’emploi du gouvernement n’avaient pas le droit de se syndiquer, ni celui de négocier collectivement leurs conditions de travail et de rémunération ni le droit de faire la grève. La Loi du service civil (adoptée en 1868) prévoyait (à partir de 1943) que les conditions de travail étaient déterminées unilatéralement par la Commission du service civil. Les enseignant.e.s laïcs avaient le droit d’association, mais sans le droit de grève correspondant. En cas d’échec des négociations, il y avait l’arbitrage à décision exécutoire (sauf pour les commissions scolaires rurales). Les salarié.e.s des hôpitaux avaient le droit d’association ; les différends se réglaient par arbitrage, mais le droit de grève leur échappait. S’ajoute à cet encadrement juridique restrictif l’antisyndicalisme notoire du premier ministre de l’époque Maurice Duplessis. Voilà ce qui explique pourquoi, en grande partie, avant les années 1960, les grèves dans les secteurs de la santé et de l’éducation sont rarissimes. Deux arrêts de travail méritent d’être mentionnés : d’abord la grève de reconnaissance syndicale de six jours des membres de l’Alliance des professeurs de Montréal, en 1949 ; et ensuite, la grève des infirmières de l’hôpital général de Hull en 1958 qui portait sur les salaires. Les infirmières obtiendront d’ailleurs gain de cause. Au début des années soixante, dans la fonction publique, l’organisation syndicale se poursuit. Fait important à souligner toutefois, lors du congrès de la CSN de 1962, les délégué.e.s adoptent la proposition suivante : Fortement opposé à cette campagne de syndicalisation, le premier ministre Lesage dira aux fonctionnaires : « La Reine ne négocie pas avec ses sujets ». En 1963, les infirmières de l’Hôpital Sainte-Justine font la grève. Elles dénoncent la charge de travail et par ricochet la qualité des soins aux malades. En 1964, ce sera au tour des employés de soutien des hôpitaux de Saint-Hyacinthe, Granby, Sorel, Saint-Joseph de Lachine, Saint-Jean de Dieu et Hôtel-Dieu de Valleyfield d’exercer des moyens de pression. Les arrêts de travail dans le secteur de l’éducation sont nombreux (Lac-Saint-Jean, région de Québec, Estrie, Saint-Maurice, etc.) et portent principalement sur la rémunération. Il est à souligner que toutes ces grèves sont illégales et débouchent sur des gains syndicaux. Mentionnons aussi que durant la période identifiée à la Révolution tranquille (sous le règne de Jean Lesage de 1960 …

Parties annexes