Hors-dossierRecensions

Félix Mathieu, Dave Guénette et Alain-G. Gagnon (dir.), Cinquante déclinaisons de fédéralisme. Théorie, enjeux et études de cas, Québec, Presses de l’Université du Québec, coll. Politeia, 2020, 714 p.[Notice]

  • Samuel Lemire

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  • Samuel Lemire
    Candidat au doctorat en droit constitutionnel, Trinity College, Dublin

Dans la vie intellectuelle, il importe d’accepter que les concepts qui façonnent le plus tangiblement la vie en société soient substantivement complexes et équivoques. Or, cette acceptation ne devrait jamais justifier que ces concepts ne soient pas définis ou qu’ils le soient avec imprécision ou relativisme. Il importe alors de conceptualiser d’une manière simple sans être simpliste, simultanément intelligente et intelligible et nuancée sans être floue. C’est dans cet esprit que, afin d’apprécier pleinement la richesse des études constitutionnelles, le fédéralisme peut et doit être conceptualisé. En rassemblant 50 contributions qui tentent de décrypter le sens d’une idée fédérale façonnée par de multiples déclinaisons tant théoriques que pratiques, Félix Mathieu, Dave Guénette et Alain-G. Gagnon ont dirigé la rédaction d’un ouvrage aussi pertinent qu’éminemment utile. Certes, sa lecture engendre davantage de questionnements que de réponses définitives sur la substance du fédéralisme. Or, cet ouvrage prend résolument et justement la mesure de la nature intrinsèquement complexe et diversifiée de ce concept. De là, en s’appuyant sur l’étude des nuances déjà identifiées et étudiées dans cet ouvrage, il devient possible de discerner celles qui caractérisent en pratique l’idée fédérale, notamment au Canada et au Québec. À l’instar d’autres ouvrages collectifs, il s’avère fort difficile d’identifier une thèse qui transcenderait le contenu de chaque contribution individuelle. En effet, la diversité des origines et des expertises des auteurs ainsi que celle des thèmes abordés valorisent, au lieu de la nier, l’existence de divergences profondes relatives à la conceptualisation du fédéralisme. Cette conceptualisation ne peut pas être faite correctement et précisément d’une manière absolue et uniforme. Il va sans dire que le lecteur qui désire obtenir une définition synthétique et unique du fédéralisme ne la trouvera pas en lisant cet ouvrage. Toutefois, la pluralité des perspectives et des thèses contenues dans cet ouvrage ne fait pas de celui-ci un recueil syncrétique et dépourvu d’une compréhension globale de l’idée fédérale. En fait, il présente le développement de cinquante thèses au lieu de proposer qu’une seule thèse transcendant toute particularité nationale parvienne à émerger. Il sous-tend alors, dès les premiers chapitres, que l’idée fédérale s’avère étrangère à tout absolu, tant théorique et pratique. Cela s’avère éminemment cohérent avec la nature même du fédéralisme, dont les principes ne peuvent être mis en oeuvre qu’avec souplesse et déférence aux réalités sociales afin d’être pleinement pertinents. En effet, la première partie, qui permet d’étudier les fondements théoriques du fédéralisme, donne lieu à d’importants débats mobilisant des concepts tant politiques que juridiques, sociologiques ou historiques. Un véritable choc des idées survient, sans pour autant que ne jaillisse une lumière qui éclaircirait ce que le fédéralisme devrait être impérativement tant en théorie qu’en pratique. Certes, il apparaît clairement qu’un État fédéral doit répartir l’exercice de sa souveraineté entre plusieurs entités dont l’existence et les pouvoirs ne doivent pas dépendre de la simple bonne volonté d’une entité centrale. L’idée fédérale s’avère alors antagoniste à toute velléité unitaire permettant à un groupe de faire main basse sur l’État et de détenir le monopole de sa souveraineté. Cependant, il ne saurait exister une gamme de moyens permettant de mettre en oeuvre les principes fédéraux, pas plus que ces derniers ne sauraient être exclusivement définis abstraitement. Par exemple, s’il est affirmé qu’une fédération est un État qui constitue des principes dits fédéraux au moyen de certains mécanismes et institutions, il n’est pas inéluctable qu’un État fédéral soit une fédération. Par exemple, le fédéralisme n’est pas réductible à l’existence, entre autres, d’une « deuxième chambre », de mécanismes de péréquation ou d’un partage symétrique des compétences au sein d’un cadre constitutionnel. L’idée fédérale constitue une réalité aux …