Hors-dossierRecensions

Ken Setterington, Marqués du triangle rose, Québec, Septentrion, 2018, 163 p.[Notice]

  • Guillaume Marceau

…plus d’informations

  • Guillaume Marceau
    Université du Québec à Montréal

Ken Setterington est conteur, auteur, bibliothécaire et critique de livre pour enfants. Lui-même homosexuel et voulant partager son désarroi face à la condition de persécution vécue par les homosexuels dans le monde, à cette époque comme aujourd’hui, l’auteur écrit avec une émotion certaine et un profond respect envers les survivants et leur mémoire. Ouvrage introductif simple sans être simpliste, Setterington parvient à nous offrir un petit livre nécessaire sur cet épisode historique. Souvent perçu comme secondaire dans la grande littérature érudite sur le nazisme, cet épisode traduit au contraire parfaitement bien la nature criminelle du régime incarné par Hitler et ses sbires. L’auteur ne défend pas une problématique complexe et ne cherche pas à se perdre dans un argumentaire et la défense d’une hypothèse historique. Son but est tout autre ici, celui de faire connaître avec justesse et humanité la difficile réalité de la vie sous le Troisième Reich pour la communauté homosexuelle en insistant sur les parcours personnalisés de survivants. En à peine 163 pages, une préface, dix petits chapitres et une conclusion, Ken Setterington relate le parcours des homosexuels en Allemagne surtout, mais aussi en Europe de 1871 à nos jours. Pour lui, les conditions de vie des homosexuels, toutes proportions gardées, étaient enviables avant l’arrivée au pouvoir des nazis. Il explique l’origine du paragraphe 175 condamnant les pratiques homosexuelles, article de loi introduit dans la constitution de l’Empire allemand en 1871. Cependant, avant l’avènement des nazis en 1933, il était peu ou pas mis en application par les autorités. Il va même plus loin et parle d’un âge d’or à Berlin pendant la période des années 1920 pour la communauté homosexuelle masculine et féminine. Après ce premier chapitre de mise en contexte, les chapitres 2 à 7 traitent directement de la persécution nazie en démontrant combien l’avènement d’Hitler au pouvoir a modifié leur situation. Setterington démontre très bien que ce sont les hommes homosexuels qui sont la cible principale du pouvoir nazi, alors que les lesbiennes sont perçues comme asociales et donc « récupérables ». Les hommes homosexuels sont systématiquement traqués avant la guerre et jetés à la fois en prison puis en camp de concentration. Leur sort dans les camps est très spécifique en raison de la décision nazie de leur imposer une couleur particulière, le rose, pour les « marquer » face aux autres prisonniers. L’auteur utilise beaucoup de témoignages de survivants pour expliquer comment ce marquage a été une horreur, les estimations en faisant la population carcérale la plus touchée avec les Juifs avec près de 60 % de morts (p. 83). Cependant, Setterington explique aussi que cette « condition » a permis à plusieurs concentrationnaires de survivre, au prix d’humiliations sexuelles et de dépendances extrêmes face aux kapos qui les « protégeaient ». Loin d’être uniquement une série de faits décrivant les atrocités, les derniers chapitres visent aussi à montrer que leur condition a évolué depuis la guerre, malgré une période difficile de 1945 à 1969, et que la cause homosexuelle, au début des années 2000, est en voie d’obtenir sa place à la fois dans la cité, mais aussi dans la mémoire historique. L’approche du sujet par l’auteur demeure chronologique, les chapitres se succédant pour établir une trame narrative qui va de la fin du 19e siècle jusqu’à 2012, au moment de la mort du dernier survivant homosexuel des camps de concentration. La conclusion, dont le titre est « Ça ira mieux », traduit l’espoir que Setterington laisse entrevoir sur le devoir de mémoire des survivants et sur la reconnaissance actuelle des gouvernements sur le …

Parties annexes