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Parti pris et les débats sur l’éducation : accepter les réformes ou rechercher la révolution ?[Notice]

  • Simon Rainville

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  • Simon Rainville
    Doctorant en histoire, Université du Québec à Montréal

Revue phare de la Révolution tranquille, Parti pris eut une existence vive mais éphémère de 1963 à 1968, soit au moment du rapport Parent. Cette concordance n’a pas attiré l’attention des chercheurs, même si les partipristes sont de jeunes intellectuels ayant pratiquement tous étudié (ou étudient encore) à l’Université de Montréal et s’intéressent vivement à l’éducation. Parti pris est pourtant une revue abondamment étudiée, comme en témoignent la tenue d’un colloque international à la BAnQ et l’importante activité d’édition commémorant son demi-centenaire en 2013 : publication d’une anthologie des textes les plus représentatifs de l’esprit de la revue, réédition de trois ouvrages des années 1970 et parution d’un numéro spécial de Spirale. Cet engouement s’ajoute à un corpus scientifique important. Les collaborateurs principaux de la revue ont donné leur point de vue et expliqué leur parcours avant et après Parti pris. De nombreuses études ont analysé le pôle littéraire de la revue par l’étude de « l’invention » d’une esthétique révolutionnaire, de l’utilisation du joual et des aspects romanesques des titres publiés par la maison d’édition du même nom. D’autres se sont intéressées à son versant international. Stéphanie Angers et Gérard Fabre ont montré l’impact de la revue française Esprit sur plusieurs revues québécoises, dont Parti pris, notamment par des échanges épistoliers faits de « confluences » et de « diffluences » plutôt que « d’influences ». Fabre a par ailleurs mis en lumière les liens entre la maison d’édition Parti pris et sa consoeur française, Maspero. Michel Nareau a quant à lui étudié la vision qu’ont développée les partipristes de leur appartenance au continent américain alors qu’ils cherchaient à s’identifier au combat décolonisateur de l’Amérique latine contre l’impérialisme américain. Force est cependant de constater que l’impact de la revue fut si grand et la diversité de ses écrits si imposante que la revue semble toujours méconnue : « Outre sa Sainte Trinité (laïcité, indépendance et socialisme), son intérêt pour le joual et les noms de ses principaux animateurs (Chamberland, Major, Godin, Maheu et Piotte), demandait Jonathan Livernois en 2014, que sait-on vraiment de Parti pris ? » En ce sens, des pans entiers de la revue ont été à peine effleurés, notamment sa vision de l’éducation. L’éducation, si elle n’est pas une priorité absolue de la revue, représente un axe de réflexion important. Le système éducatif sert souvent de catalyseur et de terrain d’essai pour la révolution socialiste souhaitée par les partipristes puisqu’il leur apparaît symptomatique de l’état du Québec : un système clérical, capitaliste, fédéraliste et colonial. Martin Roy a récemment montré que la revue a prôné une laïcité séparatiste « qui expulse radicalement le religieux de la sphère publique » en faisant « table rase d’une bonne partie de l’héritage canadien-français » au nom d’un idéal républicain. Ainsi, les collaborateurs souhaitaient que le clergé n’intervienne plus dans les débats de société et soit exclu de ses rôles traditionnels, dont l’enseignement. Il n’en demeure pas moins que l’analyse de leur perception du système scolaire et du rôle de l’éducation mérite attention, surtout lorsque l’on sait l’importance de la réforme qui se produit dans les années 1960. Nous partageons l’interprétation, notamment défendue par Jean- Philippe Warren, qui remet en cause le côté révolutionnaire de Parti pris en argumentant que la revue, bien que croyant rompre drastiquement avec le passé canadien-français, « ne faisait, en grande partie, que porter plus loin des tendances déjà fortement à l’oeuvre dans la société québécoise ». Qui plus est, s’intéressant aux discours de la revue sur la sexualité, Warren a montré que la revue prolongeait des stéréotypes masculinistes des décennies précédentes, notamment …

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