La lutte pour le libre accès à l’avortement et à la contraception demeure, à ce jour, l’un des combats les plus emblématiques du mouvement des femmes. Louise Desmarais, qui a été activement impliquée dans cette bataille de longue haleine, livre un ouvrage complet qui retrace plusieurs décennies de mobilisations pour gagner le droit aux interruptions de grossesse. Pour constituer cette chronique, l’auteure s’appuie sur un important corpus composé d’archives de groupes féministes, d’articles de quotidiens nationaux francophones et d’entrevues avec des militantes du mouvement des femmes. Sans négliger les aspects juridiques du droit à l’avortement, Desmarais remet de l’avant l’importance des actions des militantes féministes, « trop souvent réduites par les médias au rôle de cheerleader du Dr Henry Morgentaler, figure de proue de ce conflit durant 40 ans » (p. 13). Les six chapitres traitent, dans un ordre chronologique, des principales étapes ayant mené à la décriminalisation de l’avortement, puis aux luttes pour en maintenir ou en améliorer l’accès. Chaque chapitre est composé d’un texte introductif, puis d’une chronologie qui présente de courts récits relatifs au mouvement féministe, au mouvement anti-choix, à la législation et au système juridique, à la politique provinciale et fédérale, à la presse et aux mobilisations internationales pour ou contre le droit à l’avortement. Le premier chapitre (1869-1969) dresse un portrait général des événements qui ont conduit le gouvernement fédéral à amender le Code criminel en 1969 pour permettre, dans un premier temps, les interruptions de grossesse pour des raisons médicales. Ces interruptions doivent au préalable être approuvées par un comité d’avortement thérapeutique composé de médecins, limitant considérablement l’accès à ce service. Le deuxième chapitre (1970-1976) retrace les débuts de la lutte du mouvement des femmes en faveur du droit à l’avortement, dans le contexte d’émergence d’un « néoféminisme ». De nouveaux collectifs féministes se mobilisent et revendiquent l’accès à l’avortement libre et gratuit, alors que se mettent en place des réseaux d’avortement illégaux. C’est également le point de départ d’un long combat juridique impliquant le Dr Morgentaler, arrêté pour une première fois en 1970. Les mobilisations du mouvement féministe se poursuivent avec la mise en place de la Coordination nationale pour le droit à l’avortement libre et gratuit, présentée dans le troisième chapitre (1977-1982). En plus d’exiger le retrait de l’avortement du Code criminel, les militantes font maintenant pression sur le gouvernement provincial afin de mettre en place des services d’avortement sécuritaires, gratuits et accessibles dans tout le Québec. Dès 1979, plusieurs centres de femmes et CLSC, surtout dans les centres urbains, commencent à pratiquer des avortements en défiant la loi. Après avoir joui d’une certaine tolérance de la part du gouvernement provincial, la période 1983-1987 est marquée par un repli défensif du mouvement des femmes, exposé dans le quatrième chapitre. Le discours se transforme : plutôt que de parler de droit politique à l’avortement, les militantes parlent du droit individuel de chaque femme à choisir d’interrompre ou non sa grossesse. Louise Desmarais lie ce changement de stratégie à la vague néolibérale qui met de l’avant la primauté de l’individu plutôt que les enjeux collectifs, provoquant un certain repli des mouvements sociaux. Le cinquième chapitre (1988-1999) retrace quelques-unes des victoires importantes pour le mouvement des femmes pour le droit à l’avortement. En janvier 1988, la Cour suprême du Canada invalide les dispositions du Code criminel concernant l’avortement, dans un jugement face au Dr Morgentaler. L’année suivante éclate l’affaire Chantal Daigle, relative au droit du géniteur sur le foetus, qui …
Louise Desmarais, La bataille de l’avortement. Chronique québécoise, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 2016, 548 p.[Notice]
…plus d’informations
Camille Robert
Candidate au doctorat en histoire, UQAM