Les ateliers de l'éthique
The Ethics Forum
Volume 3, numéro 1, printemps 2008
Sommaire (8 articles)
Dossier : Amitiés et partialité en éthique / Friendships and Partiality in Ethics
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Sous la direction de Christine Tappolet
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Introduction
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La schizophrénie des théories éthiques contemporaines
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L’aliénation, le conséquentialisme et les exigences de la morale
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La partialité par les projets
Sarah Stroud
p. 41–51
RésuméFR :
Cet article examine la question de savoir comment nous pourrions défendre de la manière la plus efficace la thèse selon laquelle la partialité envers certaines personnes, mais pas envers d’autres, est moralement permise. Les philosophes qui insistentsur le fait que la morale doit faire une place à la partialité n’ont pas rendu explicite leurs raisons pour cette conclusion ; le présent article propose une évaluation comparative d’une variété de stratégies argumentatives qui pourraient être déployées à cette fin. Une stratégie prometteuse fait appel à l’efficacité reconnue de l’argument du « point de vue personnel », qui est ici interprété comme faisant spécifiquement référence aux projets de l’agent. Si les exigences morales doivent être atténuées face à l’importance particulière que l’agent attache à ses propres projets, alors peut-être les attachements partiaux d’un agent à d’autres personnes devraient-ils également bénéficier d’une certaine protection à l’égard des exigences morales impartiales. Nous pouvons renforcer cet argument en relevant l’omniprésence de l’agence plurielle ou collective dans le contexte des relations personnelles : souvent deux agents (ou plus) entrenant de telles relations s’engagent dans des projets communs et peuvent même en venir à constituer un agent pluriel. Cette approche parvient à justifier un traitement moral particulier de nos co-agents, bien qu’elle ne se conforme pas à tous les aspects de notre conception initiale de la partialité.
EN :
This paper investigates how we can most effectively argue that partiality toward certain people and not others is morally permissible. Philosophers who strongly insist that morality must leave room for partiality have not made explicit their basis for this conclusion; the present paper comparatively assesses a variety of possible argument strategies which could be deployed in this regard. One promising strategy exploits the acknowledged force of the argument from “the personal point of view,” here interpreted as referring specifically to an agent’s projects. If moral demands must be tempered in light of the special significance to an agent of his own projects, then perhaps the agent’s partial attachments to other people should also receive a measure of protection from impartial moral claims. The case is bolstered by noting the ubiquity of plural or collective agency in contexts of close personal relations: often the two (or more) agents in such relationships together pursue joint projects and even constitute a plural agent. This approach does justify special moral treatment of one’s co-agents, although it does not match our initial conception of partiality in all respects.
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The Psychology of Exclusivity
Troy Jollimore
p. 52–60
RésuméEN :
Friendship and romantic love are, by their very nature, exclusive relationships. This paper suggests that we can better understand the nature of the exclusivity in question by understanding what is wrong with the view of practical reasoning I call the Comprehensive Surveyor View. The CSV claims that practical reasoning, in order to be rational, must be a process of choosing the best available alternative from a perspective that is as detached and objective as possible. But this view, while it means to be neutral between various value-bearers, in fact incorporates a bias against those value-bearers that can only be appreciated from a perspective that is not detached—that can only be appreciated, for instance, by agents who bear long-term commitments to the values in question. In the realm of personal relationships, such commitments tend to give rise to the sort of exclusivity that characterizes friendship and romantic love; they prevent the agent from being impartial between her beloved’s needs, interests, etc., and those of other persons. In such contexts, I suggest, needs and claims of other persons may be silenced in much the way that, as John McDowell has suggested, the temptations of immorality are silenced for the virtuous agent.
FR :
L’amitié et l’amour romantique sont, de par leur nature, des relations exclusives. Cet article suggère que l’on peut mieux comprendre la nature de l’exclusivité dont il est question en comprenant l’erreur au coeur de la vision du raisonnement pratique que je nomme « le point de vue englobant ». Selon le PVE, pour que le raisonnement pratique soit rationnel, il doit s’agir d’un processus ayant pour but de choisir la meilleure alternative possible à partir d’une perspective qui est aussi détachée et objective que possible. Quoique cette vision cherche à être neutre à l’égard des porteurs de valeurs, elle incorpore en fait un biais contre les porteurs de valeurs qui ne peuvent être appréciés qu’à partir d’une perspective qui n’est pas détachée - qui ne peuvent être appréciés, par exemple, que par les agents qui sont engagés à long terme envers les valeurs en question. Dans le contexte des relations personnelles, de tels engagements tendent à donner naissance à la sorte d’exclusivité qui caractérise l’amitié et l’amour romantique ; ils empêchent l’agent d’être impartial entre les besoins, les intérêts, etc. de la personne qui lui est chère, d’une part, et ceux des autres, d’autre part. Je suggère que dans de tels contextes les besoins et les revendications des autres personnes peuvent être réduites au silence, de la même manière que, comme le suggère John McDowell, les tentations de l’immoralité sont, pour l’agent vertueux, réduites au silence.
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Friendship and the Grounds of Reasons
Diane Jeske
p. 61–69
RésuméEN :
Friendship and other intimate relationships have created difficulties for moral philosophers. While morality seems to require us to remain impartial between persons, friendship seems to generate demands or obligations of partiality toward our intimates. But the difficulty can be removed once we cease to focus on categorizing reasons as moral or non-moral. This tendency to divide reasons into categories of moral vs. non-moral leads us to give those that we label ‘moral’ pride of place and to assume that the category must be uniform. If we abandon these assumptions, then reasons of intimacy or friendship will no longer be so puzzling. We will then be able to see that all reasons, in the end, are importantly egocentric, and that deliberation must always proceed from an egocentric perspective.
FR :
L’amitié de même que d’autres relations intimes ont créé des difficultés pour les philosophes moraux. Bien que la morale semble exiger que nous demeurions impartiaux, l’amitié semble donner naissance à des obligations de partialité envers nos proches. Mais cette difficulté peut disparaître une fois que l’on cesse de se concentrer sur la catégorisation des raisons en tant que morales ou non morales. Cette tendance à classer les raisons comme morales vs. non morales nous mène à accorder la place d’honneur à l’étiquette « moral » et à supposer que cette catégorie est uniforme. Si nous abandonnons ces suppositions, alors les raisons données par nos proches ou nos amis ne nous sembleront plus problématiques. Il sera alors possible de voir que toutes les raisons sont, en bout de ligne, egocentriques d’une importante façon, et que la délibération doit toujours provenir d’une perspective egocentrique.
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Does Friendship Give Us Non-Derivative Partial Reasons?
Andrew Reisner
p. 70–78
RésuméEN :
One way to approach the question of whether there are non-derivative partial reasons of any kind is to give an account of what partial reasons are, and then to consider whether there are such reasons. If there are, then it is at least possible that there are partial reasons of friendship. It is this approach that will be taken here, and it produces several interesting results. The first is a point about the structure of partial reasons. It is at least a necessary condition of a reason’s being partial that it has an explicit relational component. This component, technically, is a relatum in the reason relation that itself is a relation between the person to whom the reason applies and the person whom the action for which there is a reason concerns. The second conclusion of the paper is that this relational component is also required for a number of types of putatively impartial reasons. In order to avoid trivialising the distinction between partial and impartial reasons, some further sufficient condition must be applied. Finally, there is some prospect for a way of distinguishing between impartial reasons that contain a relational component and partial reasons, but that this approach suggests that the question of whether ethics is partial or impartial will be settled at the level of normative ethical discourse, or at least not at the level of discourse about the nature of reasons for action.
FR :
Une des façons d’approcher la question de l’existence de raisons partiales non-dérivatives d’une quelconque sorte consiste à expliquer ce que sont les raisons partiales et ensuite à chercher à savoir s’il y a des raisons de cette sorte. Si de telles raisons existent, alors il est au moins possible qu’il y ait des raisons partiales d’amitié. C’est cette approche que j’adopterai ici, et elle produit des résultats intéressants. Le premier a trait à la structure des raisons partiales. C’est au moins une condition nécessaire pour qu’une raison soit partiale qu’elle aie une composante relationnelle explicite. Cette composante, techniquement parlant, est un relatum dans la relation d’être une raison qui elle-même est une relation entre la personne à qui la raison s’applique et la personne concernée par l’action pour laquelle il y a une raison. La deuxième conclusion de ce texte est que cette composante relationnelle est aussi requise dans de nombreuses sortes de raisons admises comme impartiales. Afin d’éviter de banaliser la distinction entre raisons partiales et impartiales nous devons appliquer une condition suffisante additionnelle. Finalement, bien qu’il pourrait s’avérer possible de distinguer les raisons impartiales ayant une composante relationnelle des raisons partiales, cette approche suggère que la question de savoir si l’éthique est partiale ou impartiale devra se régler au niveau de l’éthique normative, ou à tout le moins, qu’elle ne pourra se régler au niveau du discours sur la nature des raisons d’agir.
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Self-Other Asymmetry
Ruwen Ogien
p. 79–89
RésuméEN :
In this paper, I present a non standard objection to moral impartialism. My idea is that moral impartialism is questionable when it is committed to a principle we have reasons to reject: the principle of self-other symmetry. According to the utilitarian version of the principle, the benefits and harms to the agent are exactly as relevant to the global evaluation of the goodness of his action as the benefits and harms to any other agent. But this view sits badly with the “Harm principle” which stresses the difference between harm to others and harm to the self. According to the deontological version, we have moral duties to ourselves which are exactly symmetrical to our duties to others. But there are reasons to believe that the idea of a duty to the self is not coherent.
FR :
Dans cet article, je présente une objection non standard à l’impartialisme moral. Ma thèse est que l’impartialisme est douteux lorsqu’il admet un principe que nous avons des raisons de rejeter : le principe de la symétrie soi-autre. Selon la version utilitariste de ce principe, les bienfaits et les torts faits à l’agent sont d’exactement la même importance à l’évaluation globale du bien d’une action que les bienfaits ou les torts faits à tout autre agent. Mais cette théorie s’harmonise mal avec le « principe de non-nuisance » qui insiste sur la différence entre un tort fait à autrui et à soi-même. Selon la version déontologique, nous avons des devoirs moraux envers nousmêmes exactement symétriques à nos devoirs envers autrui. Mais il y a des raisons de croire que l’idée d’un devoir envers soi-même n’est pas cohérente.