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Gondran Valérie et Véronique Dassié, 2023, Les objets de mon père. Paris, Éditions d’une rive à l’autre, 84 p.

  • Francisco Rivera

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  • Francisco Rivera
    The Archaeology Centre, University of Toronto, Toronto, Ontario, Canada
    Instituto de Investigaciones Arqueológicas y Museo, Universidad Católica del Norte, San Pedro de Atacama, Chile

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Couverture de Restes inquiets, Volume 48, numéro 3, 2024, p. 11-242, Anthropologie et Sociétés

L’étude de la culture matérielle a connu, dans les dernières années, une explosion académique imbriquant différentes approches théoriques des sciences sociales et humaines. À côté des recherches sur les collections et les inventaires, nous avons des histoires du goût et de l’esthétique, des études sur le magasinage et des discussions sur les possessions et les héritages dans la construction des identités sociales, familiales et de genre. Dans ce cadre, l’ouvrage de Valérie Gondran et Véronique Dassié, Les objets de mon père, s’insère dans cette vague d’approches sur l’agentivité de la culture matérielle et les relations complexes entre les humains et les « choses ». Cet ouvrage est un essai photographique divisé en deux parties. Il s’ouvre sur une collection de 19 photographies prises par Valérie Gondran et ayant pour sujet des objets qui ont appartenu à son père, avec de courtes références à leur lieu de découverte ou de rangement. La photographie est directe, élégante, avec des objets posés sur fond blanc telle une collection muséographique, même si une échelle manque pour que l’image remplisse son rôle scientifique. Hélas, pour les comprendre, nous n’avons aucune information contextuelle, si ce n’est que le titre de l’ouvrage. Dans une deuxième partie, Véronique Dassié reprend les images avec un essai synthétique sur les approches anthropologiques qui ont abordé l’étude de la culture matérielle. Dans les mots de Gondran qui accompagnent les photographies, l’omniprésence des mots dans et sur renvoie à ce que Dassié situe dans une « topographie des objets d’affection domestiques » (p. 65) qui occupe à la fois un espace physique et mnémonique, réel et symbolique, aussi familier qu’étrange. Sur la base de son expertise à ce sujet (Dassié 2010), l’auteure nous emmène à travers un voyage ethnologique et historique de ces objets d’affection tels les reliques, les fétiches, les collections et le sumbolum. Dassié met ici l’accent sur le rôle de la matérialité pour étudier les sociétés contemporaines, en privilégiant le biographique et l’intime associé aux objets et en insistant sur l’un de leurs aspects les plus puissants : que nous ne les remarquons que quelquefois. C’est ce que Daniel Miller (2009) appelle « l’humilité des objets », leur capacité d’influencer notre comportement tout en conservant un statut négligeable, invisible ou sans importance. Dans son ensemble, bien que le texte et la photographie montrent deux formes narratives différentes s’adressant à des publics différents, tous les deux offrent, dans leur sobriété, un exercice de réflexion nécessaire à propos des deux registres d’analyse. Tel que souligné par Dassié, il y a, à la croisée de l’histoire et de l’anthropologie, un champ fertile proposant un regard critique sur les héritages familiaux ; ces objets comme médiateurs du passé et du présent qui constituent des noeuds de vastes réseaux de relations sociales. Pourtant, les qualités matérielles du monde limitent toujours les interprétations qui peuvent être faites de ces choses. La question qui se pose n’est pas de savoir si les préoccupations de Marx concernant les marchandises, et celles de Mauss concernant les dons gardent ou ont perdu de leur relevance. La question ici est plutôt la suivante : comment la collecte des objets et leur mise en valeur par la photographie présupposent-elles une évaluation morale de leur valeur esthétique, commerciale ou scientifique et, donc, d’un système de valeurs donné ? Les photographies de Gondran invitent à une exploration de la subjectivité, de l’affection, des émotions et des relations filiales que nous établissons avec les choses. Loin d’être des canaux inertes du passé, les objets sont puissants précisément parce qu’ils sont vivants. Cette vitalité est un acte de pure magie qui se révèle …

Parties annexes