Ce collectif rassemble 41 contributions. L’un des objectifs de Naked Fieldnotes. A Rough Guide to Ethnographic Writing est d’illustrer que les sensibilités des chercheurs et de la spécificité de leur projet de recherche marquent la rédaction des journaux de terrain (p. xi). L’ouvrage s’adresse prioritairement aux étudiants (p. x) et souhaite s’inscrire en critique aux manuels méthodologiques, qui ancreraient, affirme-t-on, la prise de notes ethnographiques dans une tradition de recherche objectivante et positiviste (p. xi). En ce sens, nous espérions un manuel critique, offrant des outils pluriels et réflexifs, peut-être même collaboratifs, de rédaction de notes ethnographiques, et ce, dans un langage clair et à la portée des étudiants préparant leurs premiers terrains. L’organisation éditoriale de l’ouvrage fut notre première déception. Suivant les trois chapitres introductifs, les 38 contributions sont classées par ordre alphabétique des noms des auteurs et leurs titres réfèrent au contexte du terrain ethnographique et non pas à une spécificité de leurs approches et méthodes rédactionnelles. Les directeurs, Denielle Elliot et Matthew J. Wolf-Meyer, offrent certes quelques orientations de lectures — par continents, par thèmes de recherche ou par méthodologies d’observation et d’entrevues (p. xiv-xlvii). Or, ce que recherche avant tout le lecteur dans un ouvrage méthodologique, et encore plus un lecteur étudiant, ce sont des approches, des méthodes, ainsi que leurs apports et leurs limites, afin d’en entrevoir l’utilisation pour leurs propres travaux. Sans classification de ces approches et méthodes rédactionnelles, le lecteur doit parcourir les 38 contributions pour y retrouver, au hasard, comment prendre note des gestes de tisserandes (Alvarez Astacio, chapitre 2) ou de ceux des producteurs d’olives (Gutkowski, chapitre 18), comment utiliser des documents en support de prise de notes, et ce, du feuillet touristique (Criado, chapitre 9) aux cartes maritimes (Gendron, chapitre 16), comment décrire un repas entre amis (Bonanno, chapitre 6) ou une discussion entre membres de l’industrie pétrolifère gérant un incendie majeur (Olson, chapitre 28), etc. Le format vignette est également problématique. Chaque contribution résume rapidement, en environ deux pages, une expérience vécue lors d’un terrain ethnographique, et s’ensuit une courte reproduction de quelques notes, schémas, dessins ou retranscriptions de discussions issus du journal de terrain. Ces vignettes se terminent par une référence à une publication des résultats de recherche. Bien que le fait d’illustrer la prise de notes, la schématisation, la retranscription et en montrer les apports dans la construction des savoirs soit pertinent pédagogiquement, l’approche critique annoncée en introduction transparaît peu dans ces vignettes. En quoi ces méthodes rédactionnelles peuvent-elles être moins objectivantes que par le passé ? En quoi leurs usages sont-ils, aujourd’hui, plus critiques et expérientiels ? Ces réflexions méthodologiques et épistémologiques ne peuvent se tenir dans de si courtes vignettes. De plus, le format vignettes ne permet pas de saisir la durée de l’expérience qu’est la rédaction — et la relecture — d’un journal de terrain. Bien que le chapitre 7 de Boudreault-Fournier invoque la durée de la rédaction d’un journal de terrain par une photographie de ses 18 cahiers de notes remplis en 14 ans de terrain, une photographie en dit très peu de cette expérience d’écriture : de ses longueurs, de ses répétitions, de ses ratures, etc. Rien n’est dit non plus sur l’expérience de relecture d’un journal de terrain qui fait revivre les émotions, revisiter les lieux et revoir les visages. Comment notre compréhension se crée-t-elle et se transforme-t-elle par ces relectures ? Ici, nous semble-t-il, il y aurait eu place à une réflexion sur la singularité des expériences de rédaction — et de relecture — de nos journaux de terrain. Que peut-on conclure de ce collectif ? Aux étudiants préparant leurs …
Elliott Denielle et Matthew J. Wolf-Meyer, 2023, Naked Fieldnotes. A Rough Guide to Ethnographic Writing. Minneapolis, University of Minnesota Press, 384 p.
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Karine St-Denis
École nationale des pompiers du Québec, Laval (Québec), Canada
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