Comptes rendusBook ReviewsReseñas

Dufoix Stéphane, 2023, Décolonial. Paris, Anamosa, coll. « Le mot est faible », 102 p.

  • Marck Pépin

…plus d’informations

  • Marck Pépin
    Département d’anthropologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de Le genre à l’épreuve du sport, Volume 48, numéro 2, 2024, p. 11-218, Anthropologie et Sociétés

Dans la continuité de ses travaux, le professeur de l’Université Paris Nanterre, Stéphane Dufoix, signe un livre éponyme de son parcours académique. Décolonial n’est pas un pamphlet subversif ; il sert plutôt d’outil pour démêler les imbroglios qui s’immiscent autour de la question de la décolonisation et révèle les insuffisances des termes qui en découlent sur la scène sociétale et politique. Toutefois, c’est surtout en tant qu’académicien que l’auteur se positionne, dénonçant un système intellectuel colonial mondialisé tout en éclairant le lecteur sur les besoins et les possibilités d’un renouveau épistémique. La première partie du livre décortique la sémantique de son titre et des termes populaires qui lui sont affiliés. L’auteur s’intéresse particulièrement aux conceptions de ces derniers et aux critiques qui leur sont adressées dans les médias français ainsi que dans les discours publics. En effet, les premiers chapitres alertent sur les notions d’« islamo-gauchisme », de « wokisme », d’« indigénisme », ou bien de « radicalisme féministe », en les situant dans le contexte politique desquelles elles sont utilisées. Selon l’auteur, ces expressions sont des élaborations fantasmagoriques, forgées de toutes pièces pour dévaloriser et discréditer les études décoloniales. Il constate avec évidence une discordance entre l’usage de ces termes et leur définition originelle. Ainsi, au niveau national, le terme décolonial porte en lui un débat aux accents séparatistes : il y aurait d’un côté les partisans des luttes décolonialistes, et de l’autre, les pourfendeurs des théories décoloniales, les mêmes qui s’efforcent à promouvoir lesdites notions. En remarquant l’absence de nuances notables dans les médias concernant chacune des deux parties, en tant qu’universitaire travaillant sur les questions coloniales, l’auteur estime être catégorisé soit de sociologue progressiste, soit d’islamo-gauchiste. Les critiques formulées à l’encontre des théories décoloniales, celles qui aboutissent à la seconde catégorisation, sont ensuite reprises par l’auteur. L’essentialisme, l’antirépublicanisme, le manque de scientificité, l’idéologie politique au détriment de la rigueur académique, l’étatsunisation des savoirs et la prolifération du modèle multiculturaliste sont dès lors passés en revue. Aussitôt contestés par l’auteur, ces reproches faits aux théories décoloniales sont objectés avec diplomatie au moyen d’une rhétorique convaincante. Simultanément, il mène une enquête historique et contemporaine, cherchant à situer l’émergence de ces termes aux emplois divergents dans les discours et les écrits publics, médiatiques et académiques. Il établit ainsi leur usage en fonction des époques et analyse leur expansion. Contrairement aux autres termes, celui de décolonial, qu’il retient pour le titre de son livre, est plutôt récent. Ni trop confus ni trop significatif, il trouve particulièrement sa place dans la sphère académique. C’est pourquoi, dans le but d’élucider les véritables enjeux sous-jacents de la décolonisation, l’auteur semble l’avoir choisi. Se décrivant lui-même comme un académicien engagé, Stéphane Dufoix lance ici un appel vibrant aux universités et aux étudiants en faveur d’une décolonisation épistémique. Bien que son domaine de prédilection soit la sociologie, l’auteur insiste sur le fait que sa thèse concerne les sciences sociales au sens large, englobant des disciplines telles que l’anthropologie, la géographie, les sciences politiques, et les relations internationales. En illustrant son propos par le décrié projet scientifique Camelot, tout en s’appuyant sur le collectif Modernité/Colonialité et sur des chercheuses et des chercheurs qui le composent, le sociologue soutient que les savoirs des pays extra-occidentaux sont réduits au silence, demeurent invisibilisés et se subordonnent aux épistémologies euro-coloniales. Il dénonce ainsi un colonialisme scientifique, duquel émerge un levier « épistémopolitique » (p. 70) que les sciences sociales ont la possibilité d’activer. Tout en citant d’innombrables auteures et auteurs extra-occidentaux en exemple, notamment le sociologue brésilien Alberto Guerreiro Ramos, Stéphane Dufoix propose des directions à suivre pour susciter …