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Vallet Guillaume, 2022, La fabrique du muscle. Paris, L’échappée, coll. « Pour en finir avec », 265 p.

  • Jérôme Beauchez

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  • Jérôme Beauchez
    Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles, Université de Strasbourg, Strasbourg, France

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Couverture de Le genre à l’épreuve du sport, Volume 48, numéro 2, 2024, p. 11-218, Anthropologie et Sociétés

Économiste et sociologue, Guillaume Vallet nous invite à entrer dans la « fabrique du muscle ». La locution désigne ces lieux de production du corps par l’effort — gymnases et salles de sport — qui ont inscrit la culture physique et le travail des apparences au coeur, sinon au corps de l’individualisme occidental. Le regard porté sur le bodybuilding et les différentes formes de musculation n’est toutefois pas celui de l’ethnographe venu observer ces cultures physiques en action. Bien que lui-même bodybuilder et adepte des sports de combat, Vallet laisse les expériences vécues — les siennes comme celles qu’il a observées dans trois salles — en arrière-plan d’une réflexion dont la principale ambition est d’articuler la « fabrique du muscle » aux logiques de production et de consommation du « capitalisme hypermoderne ». L’idée renvoie à la pénétration des logiques marchandes dans toutes les sphères de l’existence et jusqu’au coeur des intimités (p. 44 et suivantes). La marchandisation du corps et des apparences apparaît dès lors comme l’un des aspects de la constitution de l’individu occidental en perpétuel « entrepreneur de soi » (p. 71 et suivantes). Ce que Vallet apporte à ce débat est l’idée d’un « capitalisme des vulnérabilités » dont les crises — économiques, sociales, sanitaires, environnementales — marqueraient les individus hypermodernes jusque dans leur chair. L’exercice physique donnerait ainsi l’impression d’une certaine maîtrise de soi, assurée par cette prise tangible sur un monde aussi anxiogène qu’incertain. La palpation quotidienne d’une force construite au contact de la fonte qu’on soulève et de la sueur qu’on verse entre dès lors dans une tension dialectique avec toutes les faiblesses et les manques qu’il s’agit de conjurer par le culte apotropaïque d’une musculature érigée en armure. Dans une telle perspective, la « fabrique du muscle », avec ses codes et ses rites, constitue une manufacture de soi intimement connectée aux logiques hypermodernes du marché (p. 125 et suivantes), comme aux angoisses d’un individualisme contemporain que l’auteur choisit de conjuguer au masculin. Quant aux fabricantes du muscle, elles n’apparaissent qu’en filigrane dans les pages du livre, où les corps manufacturés par les hommes dans les espaces du gymnase focalisent les attentions. Ils font dès lors l’objet d’une réflexion sur les formes de masculinité hégémonique liées à la production du muscle en tant qu’attribut d’une virilité dont les capitaux physiques et le symbolisme sont interrogés (p. 203 et suivantes). Mais quid de l’intersection des variables de « genre », de « classe » et de « race » dans ce travail musculaire des apparences qui semble être effectué par des hommes majoritairement blancs et — pour les bodybuilders — issus des classes populaires ? D’autres points sont laissés en suspens dans cet essai, dont la perspective critique et les matériaux peuvent être interrogés. La « fabrique du muscle » subsume des pratiques et des réalités parfois très différentes : celles du bodybuilding et des sports de combat (évoqués dans le livre) sont-elles réellement comparables et assimilables à l’idée d’une production musculaire destinée aux marchés du corps, dont l’individu hypermoderne serait à la fois le consommateur et l’entrepreneur ? Souvent généralisant, le ton de l’ouvrage laisse supposer plus qu’il n’indique précisément les éléments de l’enquête qui fondent les arguments. L’ethnographe pourra d’ailleurs s’étonner de certaines réflexions qui ravalent l’expérience de terrain au rang d’anecdote placée en dehors du périmètre de la scientificité (p. 30). L’économiste restera peut-être sur sa faim quant à l’analyse d’un marché de la culture physique dont les segments — et les clientèles visées — ne sont pas réellement étudiés ; pas plus que ne sont discutés les travaux qui, …

Parties annexes