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Millet Audrey, 2022, Les dessous du maillot de bain. Une autre histoire du corps. Paris, Éditions Les Pérégrines, 262 p.[Notice]

  • Emeline Retournard

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  • Emeline Retournard
    Centre d’Histoire « Espaces et Cultures », Université Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand, France

Le titre, Les dessous du maillot de bain. Une autre histoire du corps, et l’image de couverture (un maillot de bain féminin une pièce) peuvent être légèrement trompeurs. En effet, l’ouvrage est bien plus qu’une publication sur l’histoire de ce vêtement à travers le temps. Ici, Audrey Millet, docteure en histoire et chercheuse à l’Université d’Oslo, invite le lectorat à explorer le corps et la place des femmes, ainsi que des hommes par extension, par le biais de cet objet et des thèmes qui lui sont liés, tels que l’eau et la baignade, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours. Comme le dit l’auteure dans son introduction : Cet ouvrage est donc une ode à l’émancipation des femmes vis-à-vis du patriarcat et de la misogynie, à travers le rapport à l’eau et à la peau dénudée/cachée. Le livre est découpé en trois parties chronologiques : de l’Antiquité jusqu’au XVIe siècle, du XVIe siècle jusqu’au début du XXe siècle et de la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Ces sections sont elles-mêmes subdivisées en trois chapitres. La bibliographie est répertoriée par chapitre à la fin de l’ouvrage. D’un point de vue méthodologique, l’auteure traite principalement de la question pour la zone occidentale chrétienne (Europe et Amérique du Nord), mais propose également des comparaisons avec les civilisations juives et musulmanes. La présence du vêtement de bain évolue au fil des chapitres, au fur et à mesure que les femmes s’affranchissent des carcans imposés par les hommes, la morale et les religions. Ainsi, la première section du livre, de l’Antiquité jusqu’au XVIe siècle, porte essentiellement sur la présence des femmes dans l’espace public, la misogynie, l’invisibilisation du corps féminin, la question de la baignade et sur la perception de l’eau, de la période gréco-romaine à l’ère moderne. Il est très peu question de l’habit de bain dans cette section en raison des peurs attribuées à l’eau par les sociétés du passé et à leur vision négative de la baignade féminine, perçue comme une source de tentations pour le genre masculin et comme un acte indécent dû au dévoilement du corps au travers du vêtement mouillé. La deuxième partie du livre, s’étendant du XVIe jusqu’au début du XXe siècle, permet de voir que la baignade et le costume de bain commencent à être mieux acceptés. Cela est notamment lié au changement des mentalités concernant l’eau. Celle-ci n’est plus aussi effrayante qu’auparavant, en particulier grâce à la prise de conscience de ses vertus médicinales, au rôle notable du courant hygiéniste du XIXe siècle ainsi qu’au développement de la pratique du bain de loisir. Cependant, les femmes et leur corps sont encore contraints (socialement et physiquement) dans le processus de baignade, à la fois par le patriarcat et par leurs vêtements. L’avènement du maillot de bain arrive après la Première Guerre mondiale, avec l’appropriation de cet objet et de ses accessoires par le monde de la mode, qui les rend « tendance », et par les industriels textiles, qui les produisent en masse. Parallèlement, le maillot de bain féminin continue de déclencher des controverses au fur et à mesure de son raccourcissement (ou de son allongement dans le cas du burkini). Par ailleurs, le corps semi-dénudé doit être convenable (mince et musclé) aux yeux de la société de consommation, du capitalisme et du patriarcat pour être montré. L’image du corps féminin idéal devient ainsi standardisée, déformée (parfois même jusqu’à l’extrême minceur) et hypersexualisée. Enfin, de nouvelles problématiques apparaissent avec le consumérisme : les maladies liées à la surexposition solaire de la peau et la pollution …