Résumés
Résumé
Cet article s’appuie sur des témoignages et des documents collectés dans les centres de documentation pour mettre en exergue la contribution des rites de résolution des conflits dans la contention de la violence et la lutte contre-insurrectionnelle au Cameroun entre 1958 et 1970. La rémanence de l’insurrection, malgré les revers militaires enregistrés par les formations paramilitaires de l’Union des populations du Cameroun (UPC), obligea les autorités coloniales françaises et par la suite, postcoloniales, à déporter et à intensifier la guerre sur le front symbolique et anthropologique. Les rituels du Tug Gwet (réconciliation) et du Cadi chien noir mobilisés dans cette dynamique sont guidés par deux enjeux. Le premier vise à obliger la population à mettre à la disposition des autorités les informations dont elle dispose sur l’organisation insurgée, à dénoncer et à jeter l’opprobre sur ceux qui continuent et soutiennent la lutte au maquis. Le second consiste à s’appuyer sur ces instruments ancestraux de résolution des conflits pour matérialiser la paix restaurée, solder les antagonismes/rancoeurs engendrés par la guerre et sceller la réconciliation. L’engagement des populations à rompre tous les liens avec les insurgés et les informations récoltées sur ces derniers lors des rituels permirent le démantèlement des maquis et l’obtention de leur reddition.
Mots-clés :
- Kouékam,
- Cameroun,
- rites de résolution de conflits,
- insurrection,
- contre-insurrection,
- UPC,
- Tug Gwet,
- Cadi chien noir
Abstract
This article is based on testimonies and documents collected in documentation centers to highlight the contribution of conflict resolution rites in the containment of violence and the fight against the insurgency in Cameroon between 1958 and 1970. Persistence of the insurrection, despite numerous setbacks recorded on the military level by the paramilitary formations of the Union of the populations of Cameroon (UPC), obliged the authorities to deport and to intensify the fight on the psychological, cultural, symbolic and anthropological front. The ritual of Tug Gwet (reconciliation) and the ceremony of Cadi chien noir mobilized in this dynamic are guided by two main issues. The first aim to oblige the population to make available to the authorities all the information they hold on the insurgent organization as well as its accomplices, but also to denounce and cast shame on those who continue and support the struggle in the maquis. The second challenge consists in relying on these ancestral instruments of conflict resolution to materialize the unity and rediscovered peace, seal reconciliation and settle the antagonisms generated by the war. The commitment of the population to break all ties with the insurgents and the information gathered on them during the rituals allowed the dismantling of the maquis and their surrender.
Keywords:
- Kouékam,
- Cameroon,
- conflicts resolution rites,
- insurgency,
- counterinsurgency,
- UPC,
- Tug Gwet,
- Cadi chien noir
Resumen
Este artículo se basa en los testimonios y documentos recogidos en los centros de documentación con el fin de subrayar la contribución de los ritos de resolución de conflictos en la contención de la violencia y la lucha contra insurreccional en Camerún entre 1958 y 1970. La persistencia de la insurrección, a pesar de los reveses militares sufridos por las formaciones paramilitares de la Unión de los pueblos de Camerún (UPC), obligó a las autoridades francesas y ulteriormente postcoloniales a deportar e intensificar la guerra sobre el frente simbólico y antropológico. Los rituales del Tug Gwet (reconciliación) y del Cadi chien noir activados en esta dinámica fueron guiados por dos retos. El primero buscaba obligar a la población a poner a disposición de las autoridades las informaciones de las que disponían sobre la organización insurgente, a denunciar y arrojar el oprobio sobre quienes continuaban y sostenían la lucha guerrillera. El segundo consistió en apoyarse en los instrumentos ancestrales de resolución de conflictos con el fin de materializar la paz restaurada, liquidar los antagonismos/rencores engendrados por la guerra y sellar la reconciliación. El compromiso de las poblaciones de cortar toda relación con los insurgentes y las informaciones recogidas sobre estos últimos durante los rituales permitieron el desmantelamiento de la guerrilla y su rendición.
Palabras clave:
- Kouékam,
- Camerún,
- ritos de resolución de conflictos,
- insurrección,
- contra insurrección,
- UPC,
- Tug Gwet,
- Cadi chien noir
Parties annexes
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- Djuendji Anne, soumise à l’épreuve du Cadi, 85 ans, Douala, 23 octobre 2016.
- Leukeu Tapia, ménagère, réfugiée au maquis de 1956 à 1963, 90 ans, Bandja, 14 septembre 2016.
- Mahou Samuel, chef du village de Bioumoul, 53 ans, Bioumoul, 16 mai 2023.
- Manigoué Agrippine, soumise à l’épreuve du Cadi, 78 ans, Kékem, 8 septembre 2016.
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