Résumés
Résumé
Des aspects socioculturels (socialisation familiale, perception dominante du corps féminin, espaces genrés) contribuent à l’explication du faible taux de pratique sportive des femmes marocaines, notamment dans certains sports considérés comme « masculins ». À partir d’une enquête qualitative réalisée auprès d’un groupe de jeunes footballeuses âgées de 14 à 20 ans, de leurs proches et des responsables d’associations sportives, cet article analyse les modes de socialisation, les perceptions du corps et la construction des dispositions « masculines » dans deux quartiers populaires défavorisés dans la périphérie de Rabat. Dans ces quartiers, le football féminin est fréquemment considéré comme une pratique qui va à l’encontre des normes dominantes risquant de modifier l’hexis corporelle des filles. En parallèle, l’apparence masculine de certaines footballeuses est interprétée parfois comme une « perte de féminité » et interroge la binarité du genre tant dans les quartiers étudiés qu’au sein de la société. Par conséquent, l’engagement sportif de ces jeunes footballeuses se négocie en marge des conventions dominantes de genre.
Mots-clés :
- Benkorti,
- socialisation,
- genre,
- football féminin,
- apparence masculine,
- quartiers populaires
Abstract
Social and cultural aspects (family socialization, dominant perception of the female body, gendered spaces) contribute to the explanation of the low rate of sports practice among Moroccan women, particularly in certain sports considered “masculine”. Based on a qualitative survey of a group of young female footballers aged between 14 and 20, their relatives and the leaders of sports associations, this article will analyze the modes of socialization, perceptions of the body and the construction of ‘masculine’ dispositions in two disadvantaged working-class neighbourhoods on the outskirts of Rabat. In these neighbourhoods, women’s football is frequently considered as a practice that goes against the dominant norms that risk modifying the girls’ body hexis. At the same time, the masculine appearance of some female footballers is sometimes interpreted as a “loss of femininity” and questions the binarity of gender both in the neighbourhoods studied and within society. Consequently, the sporting commitment of these young female footballers is negotiated on the margins of dominant gender conventions.
Keywords:
- Benkorti,
- socialization,
- gender,
- women’s football,
- masculine appearance,
- working-class neighbourhoods
Resumen
Los aspectos socioculturales (socialización familiar, percepción dominante del cuerpo femenino, espacios de género) contribuyen a explicar la escasa participación deportiva de las mujeres marroquíes, en particular en ciertos deportes considerados “masculinos”. A partir de una encuesta cualitativa realizada con un grupo de jóvenes futbolistas entre 14 y 20 años, con sus familiares y con los responsables de asociaciones deportivas, este artículo analiza los modos de socialización, las percepciones del cuerpo y la construcción de disposiciones “masculinas” en dos barrios populares desfavorecidos de la periferia de Rabat. En estos barrios, el fútbol femenino se considera con frecuencia una práctica contraria a las normas dominantes que corre el riesgo de modificar la hexis corporal de las niñas. Al mismo tiempo, el aspecto masculino de algunas futbolistas se interpreta a veces como una “pérdida de feminidad” y cuestiona la binaridad del género, tanto en los barrios estudiados como en el conjunto de la sociedad. En consecuencia, el compromiso deportivo de estas jóvenes futbolistas se negocia al margen de las convenciones de género dominantes.
Palabras clave:
- Benkorti,
- socialización,
- género,
- fútbol femenino,
- apariencia masculina,
- barrios obreros
Corps de l’article
Introduction
Comme pour d’autres champs sociaux (le travail, l’école, etc.), le champ sportif est un lieu où les relations sociales sont (re)produites, entretenues et auxquelles on résiste (Caudwell 2007). Étant donné que la culture sportive (comme pratique, institution, spectacle, lieu de sociabilité) soutient, historiquement et socialement, la construction de la masculinité (Anderson 2008 ; Louveau 2006), le sport est ainsi un véritable analyseur des formes de masculinité et de féminité ainsi que de leurs manifestations (Lachheb 2013).
Les travaux traitant la question du sexe, du genre et de la sexualité dans le sport, en l’occurrence dans des sports dits « masculins », illustrent comment l’engagement des femmes/filles dans l’apprentissage de techniques corporelles historiquement et symboliquement « masculines » transgresse les représentations dominantes de la femme sportive et de la féminité hégémonique (Ahmad 2011 ; Caudwell 2011). Certaines pratiquantes investies dans ces sports se retrouvent confrontées à une « double contrainte » (Mennesson 2004 ; Mennesson et Clément 2009). Elles doivent, d’une part, maîtriser une gestualité sportive « masculine » et, d’autre part, démontrer leur appartenance à la catégorie « femme » (Lachheb 2008, 2013). C’est une façon de contourner les processus de stigmatisation (ibid.). D’autres, en revanche, tentent de résister à l’ordre normatif prédominant : femme-féminité-hétérosexualité (Caudwell 2007 ; Sablik et Mennesson 2008).
En conséquence, l’apparence masculine (Halberstam 1998) de certaines pratiquantes sportives perturbe les représentations dominantes de la féminité. La concentration sur les corps des pratiquantes des sports dits « masculins » démontre comment le corps sexué est socialement construit pour informer le genre et la sexualité (Caudwell 2003). Dans des études sur le football[1] féminin au Royaume-Uni, les termes tomboys (garçon manqué), geezer-bird (oiseau de nuit), et notamment celui de butch[2] sont utilisés pour désigner les footballeuses, et en particulier les footballeuses à l’apparence masculine (Caudwell 2003). Le corps de ces footballeuses subit ainsi un « procès de virilisation » (Louveau 2002 : 57). Il indique la non-conformité entre leur sexe assigné et leur genre (Lachheb 2013). Dans cette perspective, les formes de masculinité chez les footballeuses (longueur des cheveux, corpulence, style vestimentaire) sont souvent associées au lesbianisme (Caudwell 2003 ; Kavasoğlu 2021 ; Ndijo 2022). Cependant, Jake Halberstam (1998) illustre bien que la masculinité n’est pas la propriété du corps masculin et que, bien que certaines femmes aient une apparence masculine, elles ne sont pas nécessairement lesbiennes. Cette association des formes de masculinité chez les femmes au lesbianisme est une reproduction du système hétérosexuel, générant un schéma stéréotypé du couple lesbien butch/femme (ibid.).
L’apparence masculine de certaines sportives, en l’occurrence des footballeuses, résulte souvent des expériences socialisatrices différentes et transférables d’un domaine de pratique à un autre (Lachheb 2013 ; Lahire 2004 ; Mennesson 2005). Ainsi, la socialisation sportive et la participation au groupe des pairs masculins jouent un rôle central dans ce processus (Guérandel et Mardon 2022). Cette socialisation genrée « inversée » (Mennesson 2005), souvent en contact avec l’univers masculin, favorise la construction des dispositions « masculines », ce qui contribue à l’ajustement de l’« hexis corporelle[3] » des filles et produit parfois une forme de « masculinité féminine » différente de la masculinité et de la féminité hégémoniques.
Le présent article s’inscrit dans les études sur le football féminin. Il s’agira d’interroger le genre comme une construction sociale dans la société marocaine, notamment dans les quartiers populaires. L’objectif est de montrer, d’une part, comment l’apparence masculine de certaines footballeuses constitue une transgression aux normes binaires et d’illustrer, d’autre part, les processus de négociation et de dissimulation engagés par les différents acteurs.
La première partie de l’article vise ainsi à donner un aperçu des représentations sociales de la féminité hégémonique au sein de la société marocaine (Cheikh 2020), en particulier dans les familles étudiées. Dans la même partie, nous analyserons les modes de socialisation footballistiques des filles contribuant à la construction des dispositions sociales « masculines ». La seconde partie sera consacrée à la question de la non-normativité du corps des femmes dans le football féminin. Le but est de mettre en lumière les attitudes des responsables sportifs associatifs et de comprendre le vécu de certaines « footballeuses masculines[4] » souvent étiquetées comme lesbiennes par leurs entraîneurs et responsables associatifs.
Une enquête qualitative
Ce travail s’appuie sur une enquête qualitative menée entre 2017 et 2019 dans le cadre d’une thèse de doctorat portant sur l’engagement sportif dans deux quartiers populaires défavorisés situés en périphérie de Rabat. Nous avons ciblé des filles et des garçons âgés de 14 à 20 ans engagés dans une pratique sportive associative et souhaitant embrasser une carrière sportive. Les entretiens compréhensifs (Kaufmann 2004 [1996]) et les groupes de discussion réalisés avec de jeunes footballeuses (9 au total), les proches de certaines d’entre elles (6 au total) ainsi que des entraîneurs de football (4 au total) permettent d’illustrer les processus de socialisation genrée, les « tensions » liées à la non-conformité entre les attentes sociétales chez les jeunes femmes et l’apparence masculine de certaines footballeuses. Ils montrent aussi les formes de résistance et de négociations existant entre les différents acteurs pour faciliter la pratique du sport malgré les expressions de genre non binaires.
Les entretiens ont été réalisés en arabe dialectal marocain et se sont déroulés dans divers endroits (lieux d’entraînement, quartier, maison ou café) à l’aide d’une grille d’entretien établie en amont. Nous avons essayé, autant que faire se peut, de garder le même langage et la façon de s’exprimer de chacune des personnes interrogées. L’analyse thématique a permis de classifier le corpus en fonction des ressemblances et des dissemblances pour comparer les discours des jeunes avec ceux de leurs proches et des responsables associatifs.
À l’exception d’une jeune footballeuse (Nabila[5], 16 ans) qui est en abandon scolaire, toutes les autres suivent leurs études. Bien qu’elles vivent toutes dans des quartiers populaires défavorisés, les conditions de vie varient d’une configuration familiale à l’autre. Certaines familles vivent dans une situation de précarité, notamment la famille d’Imane (15 ans) et celle de Hind (14 ans). À la suite du décès du père de la première famille et de l’invalidité du père de la seconde (maladie mentale), seules les deux mamans travaillent en tant que femmes de ménage pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Les six autres mères des jeunes footballeuses sont des femmes au foyer. Quant à la maman de Nabila (16 ans), elle est marchande de fruits et légumes au marché informel du quartier. Les pères, eux, exercent les métiers suivants : petit commerçant de fruits et des légumes ou de produits d’hygiène, carreleur artisanal, tapissier, maçon, ouvrier. Le niveau d’études des parents des jeunes footballeuses ne dépasse pas le niveau collégial.
Ce corpus a été complété par un carnet de bord notant les circonstances des entretiens et les observations recueillies lors des séances d’entraînement, des matchs et sur les lieux de sociabilité du quartier. Cela nous a permis de nous rendre compte des « espaces genrés » (Raibaud 2012 : 46) contribuant à la construction des normes binaires du genre. Certains lieux sont surtout masculins : café, mosquée, salles de jeux et terrains de football. Les femmes, à défaut des jardins publics (Gillot 1999), s’installent à la terrasse de la mosquée ou sur les trottoirs à l’entrée du quartier. Ces deux endroits sont les plus fréquentés durant les périodes les plus chaudes.
Il existe également une association civile pour les oeuvres sociales ainsi qu’un centre de formation professionnelle féminin. Ces deux entités permettent de favoriser une certaine sociabilité féminine en proposant des ateliers et des formations pour apprendre la couture, la pâtisserie ou la coiffure. D’autres lieux peuvent être considérés comme des espaces de sociabilité mixtes. Ainsi en est-il de la joutia (marché informel), des associations sportives pour les jeunes et des écoles.
D’autre part, l’observation des séances d’entraînement et des matchs de football féminin nous a permis de constater la diversité de genre au sein des équipes (footballeuses plus « féminines », d’autres, plus « masculines ») et de saisir comment les exigences de la pratique peuvent contribuer à la construction d’une forme de masculinité chez les jeunes footballeuses.
Une socialisation culturelle genrée et binaire des enfants au sein des familles populaires
Football féminin et perception dominante du corps
L’accélération du changement social au Maroc (accroissement du taux de scolarisation, réforme de la Moudawana, présence croissante des femmes sur le marché du travail, effets de la mondialisation et influence médiatique) a permis d’améliorer le statut social et économique des femmes et d’ajuster les relations familiales (Bourqia 2010, 2015 ; El Harras 2006 ; Grousset 2002 : 256-259 ; Murgue 2011 ; Rachik 2005 : 19). Cependant, la socialisation genrée (Lahire 2001 ; Mennesson 2011) et les représentations sociales renforcées par la publicité télévisée (Ouachene 2020) maintiennent des frontières physiques et symboliques (hudud) (Mernissi 1996) et des rôles traditionnels différenciés et hiérarchisés (Bourqia 2015 ; Chikhaoui 2007 ; Kilani 2018 ; Mernissi 1991, 1996 ; Ouachene 2020 ; Tlili 2002). Les enfants intériorisent ainsi ces rôles. Les filles de 7 à 14 ans réservant 3 à 4 fois plus de temps au travail domestique que les garçons (HCP 2014). Par conséquent, les jeunes footballeuses doivent s’y conformer pour pouvoir s’investir dans leur sport :
Je ne te dis pas, elle range parfaitement la maison pour aller s’entraîner [rire].
Mère de Nabila, 14 septembre 2019
— Tu fais les tâches ménagères avant de venir t’entraîner ?
— Oui, c’est obligatoire. Sinon, je ne sors pas [rire].
— C’est ta mère qui te le demande ?
— Avant même qu’elle me le demande, quand j’ai entraînement, je range la maison pour trouver une excuse [rire]. Je lui dis : voilà, je t’ai rangé la maison, laisse-moi partir.
Rim, 15 septembre 2019
Cette hiérarchisation du genre se constate également sur le plan des pratiques sportives. Les parents ont tendance à encourager plus les garçons que les filles à pratiquer des sports (Tlili 2002 ; Zerzouri 2012). Cela peut entraver l’accès et l’engagement des filles dans des sports considérés comme « masculins » (Guibert et Arab 2016 ; Lachheb 2013).
D’après les données présentées par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en 2019 concernant la politique sportive au Maroc, les femmes ne représentent que 19 % du total des licences sportives[6]. La répartition des licenciés par sexe varie fortement d’une fédération à l’autre : 61 % de femmes en gymnastique contre seulement 2 % en football (Djedji et Pomé 2020). Le football reste ainsi un sport exclusivement masculin au Maroc, au même titre que le culturisme (bodybuilding). Ce faible taux de pratiques sportives des Marocaines est souvent lié à des facteurs socioculturels, notamment ceux qui ont un impact sur les rapports au corps (Guibert et Arab 2016).
Néanmoins, certaines pratiques sportives sont plus féminisées que d’autres. La médiatisation des résultats et des exploits sportifs de certaines sportives marocaines telles que Nawal El Moutawakel[7] et Nezha Bidouane en athlétisme, Mouna Ben Abdrassoul en taekwondo et en sports de combat en général, ainsi que Sara El Bakri en natation, a contribué à la diffusion du sport féminin au Maroc et à une « acceptation sociale » de la présence des femmes dans certains sports.
Quant au football féminin au Maroc, bien que la première équipe nationale féminine ait été créée en 1997, le premier championnat n’a vu le jour que durant la saison 2001-2002. Cependant, ce n’est qu’en novembre 2019 que cette discipline connaîtra un tournant dans le Royaume, avec la création de la Ligue nationale de football féminin (LNFF). Cela a été suivi par la signature d’un « contrat-objectifs », le 6 août 2020, entre la Fédération royale marocaine de football (FRMF), la Ligue nationale de football féminin, la Direction technique nationale et les Ligues régionales pour la professionnalisation du Championnat national féminin et le développement de la pratique footballistique féminine au Maroc. Ces initiatives résultent, en particulier, de la stratégie de la Fédération internationale de football association (FIFA) visant le développement du football féminin dans le monde. La création de la Ligue nationale de football féminin (LNFF) a offert aux femmes marocaines une opportunité d’accéder à des postes de pouvoir[8] au sein de la Fédération royale marocaine de football, qui était auparavant difficile à atteindre (Lotfy et Bennani Bennis 2022). À l’instar du football masculin, il existe également une focalisation sur le haut niveau afin de marquer la présence du Maroc au niveau continental et international. Cela s’est traduit par l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations féminine de football en 2022, l’arrivée de l’équipe féminine marocaine à la finale et sa qualification à la Coupe du monde féminine de football en 2023, notamment en s’appuyant sur des footballeuses binationales. La couverture médiatique a permis un grand suivi de cet événement, avec des cafés et des stades bondés. Cela contribuera sans doute à attirer plus de jeunes filles vers ce sport à l’avenir.
D’après les communiqués de la Fédération royale marocaine de football concernant la saison sportive 2022-2023, le football féminin est désormais structuré en trois divisions : la première division, composée de 14 équipes, la deuxième division, composée de 28 équipes réparties sur deux groupes (Nord et Sud) de 14 équipes selon la proximité géographique des villes des clubs, et les ligues régionales, dont les équipes gagnantes des championnats régionaux composés au minimum de 8 équipes disputeront des matchs de barrage pour déterminer lesquelles des quatre équipes accéderont à la deuxième division. Le salaire minimum pour une joueuse de l’équipe séniore est de 3500 DH (environ 350 €) en première division et de 2600 DH (environ 260 €) en deuxième division.
Le fait que le football féminin soit une nouvelle pratique dans les quartiers étudiés et qu’il soit souvent considéré comme « un jeu d’hommes » (Héas, Bodin, Amossé, et Kerespar 2004) explique la réticence des parents rencontrés des jeunes footballeuses :
Au début, je ne l’ai pas autorisée. Aucune fille de notre famille ne joue au foot. Ça me paraissait bizarre. Mais quand E [l’entraîneur] m’a parlé, j’ai accepté. Je suis habituée maintenant. Ça fait longtemps qu’elle est avec E. Et je ne m’inquiète pas quand elle est avec lui.
Mère de Nabila, 14 septembre 2019
Ce nouvel espace de sociabilité est fort critiqué dans ces types de quartier où le voisinage intervient également dans l’éducation des enfants. Le quartier se transforme parfois en une « grande famille ». Contrairement au sens commun, ce sont parfois les femmes qui freinent l’accès des filles au sport (Vieille Marchiset et al. 2018 ; Zerzouri 2012 : 182), en l’occurrence au football. Cela est lié surtout à la crainte d’une modification de l’hexis corporelle (Bourdieu 1977) causant une « perte de féminité » :
— [La mère] Les voisines m’ont gonflé la tête. Elles me disent : « La fille ne doit pas jouer au foot. » Et c’est la même chose pour la mère d’A. Ses voisines lui disent aussi que : « Les filles ne doivent pas jouer au foot. Elles doivent être entre l’école et la maison, c’est tout. » Il faut l’enterrer [rire].
— [Imane] Elles nous disent : « Ne jouez pas au foot, vous êtes des filles. » Plusieurs femmes m’ont dit ça. Une femme m’a dit que le foot allait jouer sur ma morphologie. Et que j’allais perdre ma féminité.
— [La mère] Elles lui disent : « Tes pieds vont devenir musclés. Ils vont devenir comme les pieds d’un homme » [rire].
Groupe de discussion avec la famille d’Imane, 9 septembre 2019
Le football féminin devient ainsi un enjeu dans les rapports de genre. Il fait basculer la perception dominante de la féminité dans les quartiers populaires étudiés. Certains entraîneurs refusent également de créer une équipe féminine à cause de la tenue et/ou de l’hexis corporelle jugée « trop masculine » de certaines footballeuses. En participant à une formation des animateurs et éducateurs de football des quartiers, nous avons demandé à l’un d’entre eux, lors d’une discussion informelle, s’il envisageait la création d’une équipe féminine. Il nous a répondu qu’il n’en avait pas eu l’idée pour le moment. Ensuite, il a tenu ces propos :
Regarde, [en nous montrant une fille avec une coupe courte et un style « vestimentaire masculin »], on ne sait pas si c’est une fille ou un garçon. Elles ont perdu leur féminité. Et si je décide de faire une équipe féminine, ça sera avec une tenue respectueuse. C’est comme l’équipe de football iranienne.
Note d’enquête de terrain, le 22 septembre 2019
Néanmoins, les socialisations footballistiques contribuent également à l’incorporation des dispositions sociales « masculines » (Lachheb 2013 ; Mennesson 2004).
Socialisations footballistiques et construction des dispositions « masculines »
La socialisation sportive chez les filles interviewées se développe d’abord au sein de la famille. Ces filles pratiquent souvent le même sport déjà exercé par un membre de leur famille. C’est une forme de socialisation « par entraînement ou pratique directe » (Lahire 2001 : 21) en contact récurrent avec les aînés de la fratrie. Certaines d’entre elles jouent au même poste de jeu que leurs frères aînés, comme c’est le cas de Fatima, gardienne de but :
Il [mon frère aîné] est aussi gardien de foot. Quand j’étais petite, je m’entraînais avec lui.
Fatima, 7 septembre 2019
La socialisation des filles par leurs frères leur permet de se familiariser et d’apprendre les caractéristiques techniques du football (Mennesson 2004). Cette socialisation se double et se renforce par une socialisation au sein du groupe de pairs masculin (Lachheb 2013). Les interactions avec les pairs masculins par la pratique et les confrontations, voire les bagarres, forgent le corps des filles et contribuent à l’incorporation des dispositions « masculines ». C’est le cas d’Ilham, qui jouait durant son enfance avec les garçons du quartier avant de rejoindre une association sportive de football féminin :
Il y avait des bagarres. Ils cherchaient à me frapper. Et ils me disent des choses que je n’accepte pas. Au début, je ne savais pas jouer au foot, ils me disent : tu es handicapée de tes pieds. Tu ne sais pas jouer. Ils me l’ont dit souvent.
Ilham, 9 septembre 2019
Cependant, les familles tolèrent que les filles jouent au football de rue avec les garçons, à un certain âge uniquement. « Dès la fin de la période de l’enfance et à partir du moment où le corps de la jeune fille pubère donne les signes d’une femme » (Tlili 2002 : 64), tout un ensemble d’interdits et de contrôles de leurs comportements est instauré (ibid.). L’interdiction émane tantôt des pères et des frères aînés, tantôt des mères :
À l’âge de 10 ans, je jouais beaucoup au foot avec les garçons de mon quartier. Au début, mon père m’interdisait de jouer avec les garçons et je lui disais que c’étaient des garçons de mon quartier, qu’ils étaient comme mes frères. […]. Parfois, il me fait rentrer à la maison et il m’enferme pour que je ne sorte pas, mais j’arrive à m’enfuir et je sors quand même [rire]. Maintenant, même s’il me voit jouer avec les garçons, il ne me dit rien, il m’encourage même, surtout que je joue maintenant avec X [une grande équipe connue de la capitale Rabat].
Aicha, 18 juillet 2019
On se prenait beaucoup la tête avec son père à cause de ça, je lui disais : « Pourquoi ta fille joue au foot avec les garçons dehors ? » Je lui disais que je ne veux pas qu’elle joue au foot avec les garçons. […] Je me sentais mal à l’aise quand les voisines me disaient : « Ta fille joue avec les garçons au foot. »
Mère d’Ilham, 9 septembre 2019
L’interdiction vise, en grande partie, à faire respecter les hudud (Mernissi 1996). Certaines familles ne souhaitent pas que leurs filles soient étiquetées comme azri douar[9]. Elles considèrent ainsi les associations sportives de football comme des endroits où leurs filles peuvent pratiquer leur sport préféré tout en s’éloignant de jouer au football de rue avec les garçons. Dans ce contexte, la relation de confiance entre les parents et les entraîneurs apparaît primordiale. Certains parents considèrent leurs filles comme amâna[10] entre les mains des entraîneurs. Ces derniers sont alors considérés comme des garanties de sécurité pour leurs filles :
— Est-ce que tu surveilles les sorties de Hind ?
— Non, pas du tout, je fais confiance à mon fils, celui-là [elle fait référence à l’entraîneur présent lors de la séance du groupe de discussion]. Elle est [sa fille] amâna chez lui […].
Mère de Hind, 11 septembre 2019
L’orientation des filles vers le football dans les quartiers étudiés est liée également à l’offre sportive que l’on y retrouve, qui se limite principalement à des associations de football et d’arts martiaux. Certaines associations sportives de football proposent aux filles de s’entraîner gratuitement en raison de leur nombre limité. La présence des filles dans ces associations encourage leurs amies et d’autres filles du quartier à s’inscrire :
— Sortais-tu jouer au foot dehors quand tu étais enfant ?
— Non, je sortais avec les filles, mais je ne jouais pas au ballon. Je détestais le foot. […] Quand je suis entrée à l’association, j’ai aimé l’ambiance.
Rim, 15 septembre 2019
— [Imane] Au début, je ne pensais pas au sport, j’étais concentrée sur les études. C’est S. [son amie] qui m’a dit : « Je me sens bien au foot. » Je lui ai dit que j’allais demander à ma mère.
— [La Mère] Ce sont les filles des voisins qui l’ont encouragée. Elles sont venues me supplier pour la laisser jouer avec elles. […] Elles m’ont suppliée pendant une semaine.
Groupe de discussion avec la famille d’Imane, 9 septembre 2019
L’engagement footballistique n’est pas forcément délibéré et conscient dès le début. Il est le produit de multiples effets, et se développe progressivement (Koebel 2014). La plupart des filles débutent le football pour s’amuser, être avec leurs amies et sortir du quartier pour découvrir d’autres endroits. Cependant, il devient progressivement une affaire sérieuse en raison de la vision compétitive des associations sportives et des difficultés scolaires rencontrées de certaines footballeuses, qui voient dans le football une autre possibilité pour se motiver et se réaliser. Les associations sportives contribuent alors à façonner le corps des footballeuses par l’exigence de la pratique. En effet, à l’instar du contexte tunisien (Lachheb 2013), l’encadrement des équipes féminines de football est souvent assuré par des hommes. Le modèle de jeu des hommes est adopté dans la formation des footballeuses. Il s’agit d’un modèle qui favorise les qualités physiques, telles que la force, la puissance et la vitesse. L’agressivité est également encouragée afin d’affronter les adversaires (ibid.) :
Tu fais quoi toute la journée si tu ne t’entraînes pas ? Tu as des occasions et il faut les saisir. Il faut mourir sur le terrain, il faut tout donner. Il faut bien manger et s’entraîner à la maison. L’équipe veut signer avec toi et les autres filles, car vous êtes des apprenties de l’équipe. Il ne faut pas avoir peur […].
Un entraîneur très exigeant envers une jeune footballeusedurant un groupe de discussion, 14 septembre 2019
— Si tu devais choisir un jour entre le foot et l’école, que ferais-tu ?
— Je choisirais le foot.
Fatima, 7 septembre 2019
De ce fait, les footballeuses incorporent des usages corporels « masculins » qui forgent leur corps et leur façon d’être (Lachheb 2008, 2013 ; Mennesson et Clément 2009). Certaines arrivent toutefois à osciller entre les exigences masculines de la pratique et la féminité hégémonique, notamment dans la vie quotidienne, en laissant les cheveux longs, en portant des vêtements « féminins » et en se maquillant. D’autres, en revanche, transgressent la présentation dominante de la féminité, même dans la vie quotidienne. De ce fait, leur hexis corporelle, perçue comme masculine (cheveux très courts et style vestimentaire « masculin »), remet en question les perceptions traditionnelles du genre ainsi que leur identité sexuelle.
Procès de masculinisation
Représentations sociales autour de l’apparence masculine des footballeuses
La masculinité hégémonique se pose comme référence et considère toute autre forme de masculinité comme une déviance (Connell 2005 [1995] ; Halberstam 1998). L’apparence masculine de certaines footballeuses est perçue comme une forme de lesbianisme liée à la binarité du genre qui structure certaines sociétés, dont celle du Maroc. La différence des sexes est ainsi conçue comme fondatrice de l’identité individuelle et de l’ordre social et symbolique (Connell 1987 [1985]). Le modèle hétérosexuel est considéré comme une bipartition naturelle et sociale du sexe. Cela explique les ressentis des entraîneurs et responsables sportifs rencontrés concernant la non-normativité du genre chez certaines footballeuses. Ils relient systématiquement l’apparence masculine au lesbianisme dans leurs discours. Certains semblent surpris de cette diversité du genre, réaction qui est sans doute liée au fait que le football féminin reste une pratique récente dans les quartiers étudiés et que la plupart des entraîneurs rencontrés avaient uniquement une équipe masculine auparavant :
L’homosexualité est très répandue. Elle est omniprésente d’une manière inimaginable.
Président d’un club de football, 22 octobre 2019
Maintenant, une fille se met en couple avec une autre fille. […] Je suis en contact avec une fille. Elle me disait : « J’ai déjà été avec cette fille, avec celle-là aussi. Elle est comme un garçon. »
Entraîneur 1, 21 septembre 2019
Le grand problème dont souffre le football féminin est celui du lesbianisme. […] Moi-même, c’est ma deuxième année en football féminin. Avant, j’avais que des garçons. Dans ces deux ans, j’étais surpris, j’étais choqué quand j’ai vu ces choses.
Entraîneur 3, 30 septembre 2019
Pour ces acteurs sportifs, le lesbianisme et/ou l’apparence masculine de certaines footballeuses sont surtout liés soit à l’ignorance et à l’éloignement de la religion, soit à des problèmes psychiques relatifs aux conditions de vie difficiles. Ces pratiques sont également parfois considérées comme une imitation aveugle de l’Occident. De cela découle donc une nécessité de trouver des solutions afin de développer le football féminin au Maroc :
Le problème quand tu interroges les filles sur l’aspect religieux, c’est qu’elles ne savent pas. C’est une imitation aveugle de l’Occident. […] La chose que je peux te dire est que le football féminin est difficile. Je ne sais pas si cela existe en Europe aussi, c’est une question psychique. Les problèmes que nous avons trouvés chez les filles ne sont pas chez les garçons. Il y a un grand problème chez les filles. La plupart des filles talentueuses ont des problèmes à la maison. Soit la fille ne connaît pas son père et sa mère, soit ses parents sont séparés, soit ses parents sont décédés, soit elle vit avec une famille et elle se rend compte à la fin que ce ne sont pas ses parents biologiques.
Président d’un club de football, 22 octobre 2019
Le lesbianisme et l’apparence masculine des footballeuses sont tolérés dans les associations sportives enquêtées, mais sous contrôle. Les responsables sportifs veillent aux intérêts de leurs clubs et tolèrent la non-conformité du genre en raison du nombre limité de footballeuses touchées par cette réalité, surtout si celles-ci sont talentueuses[11]. Cependant, cette non-conformité du genre au modèle féminin traditionnel peut être utilisée pour refuser certaines joueuses ou pour leur demander de quitter le club. Le lesbianisme en particulier est considéré comme une « déviance », ce qui pousse certains acteurs sportifs à le cacher, en imposant la discrétion et le silence (Hamdi, Lachheb et Anderson 2016 ; Martin 2022 ; Ndijo 2022). Interdire toute forme d’homosexualité dans le club ou éviter d’en parler reste une manière de nier ou de dissimuler l’existence d’une sous-culture lesbienne. Pourtant, d’autres tentent la stratégie d’accompagnement pour convaincre certaines filles de changer leur apparence masculine ou de renoncer à l’homosexualité. Cela est lié au fait que les footballeuses à l’apparence masculine sont les plus soupçonnées d’être des lesbiennes. Certains entraîneurs deviennent ainsi de véritables entrepreneurs de morale (Sablik et Mennesson 2008) :
J’insiste sur la façon de faire, par exemple, je sais qu’il y a une lesbienne dans mon équipe. J’essaie avec elle. Maintenant, elle a commencé à laisser pousser ses cheveux par exemple. Je fais une sorte d’accompagnement, de suivi via le téléphone. J’essaie d’être là même pour les choses sociales ou financières parce que si je ne l’aide pas, elle ne va pas m’écouter. Il faut qu’elle me considère comme son père avant de jouer au football avec moi. Et si j’ai réussi, par exemple, à ce qu’elle laisse pousser ses cheveux, je vais réussir à la convaincre pour laisser d’autres choses de côté. C’est comme ça que l’accompagnement devrait être.
Entraîneur 3, 30 septembre 2019
Les attitudes des responsables sportifs autour du lesbianisme et de l’apparence masculine de certaines footballeuses peuvent s’expliquer par deux raisons. Premièrement, l’article 489 du Code pénal marocain punit les actes « impudiques ou contre nature », dont les relations sexuelles entre individus du même sexe. Deuxièmement, l’apparence masculine de certaines footballeuses renvoie aux « femmes masculines » (mustarjilat) qui sont maudites par le Prophète pour avoir intégré des attitudes du sexe opposé (Hamdi, Lachheb et Anderson 2016). De ce fait, la discrétion devient, dans certaines mesures, une manière pour s’accommoder ou pour transgresser les normes de la société. C’est une forme de réponse à un système normatif (Dankwa 2009). Cette injonction au silence et à la discrétion structure presque toute la société marocaine. Les discours des responsables associatifs reflètent ainsi la stratégie de l’État et des autorités : faites ce que vous voulez, mais faites-le discrètement (Slimani 2021). Dans ce contexte, « la ruse, individuelle ou collective, devient un moyen nécessaire pour vivre et contrer les interdits sociaux » (Gouyon 2013 : 223).
Recueillir, dans ce contexte, les ressentis d’une « footballeuse masculine » qui s’identifie en tant que lesbienne apparaît nécessaire pour comprendre et donner un aperçu du vécu de cette catégorie de la population dont l’expression du genre est non conforme aux modèles normatifs.
Footballeuses masculines et lesbianisme : affranchir les hudud
Le silence qui structure les sociétés musulmanes autour de l’homosexualité rend difficile le travail sur cette question, notamment l’homosexualité féminine, qui est moins visible. Le travail de Nassim Hamdi, Monia Lachheb et Éric Anderson (2016) illustre bien la difficulté de rencontrer et d’interviewer des lesbiennes sportives en Tunisie.
Après avoir illustré le point de vue de certains responsables sportifs dans les quartiers populaires marocains, l’entretien réalisé avec une footballeuse à l’apparence masculine — une lesbienne selon ses propres déclarations — nous permet de rendre compte du point de vue de cette catégorie de la population étiquetée comme « déviante » (Becker 1985). Nous avons rencontré Ikram (18 ans, étudiante en première année à l’université) durant notre enquête de terrain exploratoire au cours de l’été 2017 par l’intermédiaire de son entraîneur. Le football féminin associatif était encore considéré comme une nouvelle pratique sportive dans le quartier. Durant cette rencontre, elle était, dans son expression de genre, comme toutes les autres filles du quartier. Rien n’avait attiré notre attention dans sa façon d’être. Deux ans plus tard, nous sommes retournés sur le terrain de recherche pour compléter notre enquête. Cette fois-ci, Ikram se distinguait particulièrement des autres avec son apparence masculine : ses cheveux très courts, son style vestimentaire « masculin », sa façon de parler et de s’exprimer bien affirmée qui peut renvoyer à une forme de « virilité ». Pourtant, lors de la première rencontre, nous étions devant une fille qui incarnait la perception dominante de la féminité à travers la hachma (honte pudique, timidité, pudeur) : voix basse, regard vers le sol, cheveux longs.
À l’âge de 17 ans, elle a découvert qu’elle ne vivait pas avec sa famille biologique, ce qui expliquerait, selon certains membres de son club, son apparence masculine et son lesbianisme. Comme nous l’avons déjà souligné, certains acteurs sportifs associent le lesbianisme et l’apparence masculine à des problèmes psychiques. Ikram rapporte par ailleurs que bien qu’elle ait souvent essayé de se conformer à la représentation sociale dominante des femmes, elle s’est toujours sentie attirée par les femmes :
Ce n’est pas depuis que j’ai commencé le foot. C’est depuis l’enfance, je te jure. Le fait que je jouais avec les garçons, je suis devenue comme eux aussi. Je jouais uniquement avec des garçons et je mettais des vêtements de garçons. En plus, ce sont les filles qui me plaisaient. J’ai essayé plusieurs fois avec des garçons, mais je n’y suis pas arrivée. […] J’essayais d’être discrète. Et j’ai essayé de ressembler aux autres filles, d’être plus féminine, de mettre des vêtements de filles, mais je n’ai pas réussi. Donc, j’ai décidé de montrer ma vraie nature.
En parallèle, si certains acteurs associatifs considèrent le lesbianisme (et l’homosexualité d’une manière générale) comme une forme de « déviance » liée surtout à une méconnaissance de la religion, Ikram estime qu’il s’agit d’une orientation et d’une liberté individuelle tout en connaissant le point de vue religieux :
L’homosexualité existe dans tous les clubs. Les présidents et les entraîneurs le savent. C’est une affaire privée. Ils n’ont pas le droit de se mêler de la vie sexuelle des filles. Ils peuvent intervenir si la fille essaie de convaincre ou oblige d’autres filles de l’équipe à être lesbiennes. Là, je suis d’accord, les responsables peuvent l’exclure du club. Mais si une fille est en couple avec une autre loin du club ou même dans le même club, mais qu’elles sont discrètes, c’est leur vie. Il ne faut pas s’en mêler. […] Oui je sais que c’est haram [interdit dans la religion], mais qu’est-ce qu’on va faire ? Je ne suis pas à l’aise avec un garçon, qu’est-ce que je dois faire ? Rester toute seule ? Ce n’est pas possible [rire].
Cette liberté individuelle est toutefois limitée par les normes sociales. Elle est ainsi soumise à la norme de discrétion. Celle-ci se transforme en méfiance entre les footballeuses lesbiennes qui cherchent parfois à dissimuler (Goffman 1975) leur orientation sexuelle. Cela est lié au fait que les footballeuses lesbiennes qui ont de moins bonnes capacités athlétiques peuvent être rejetées du club. De ce fait, la discrétion est adoptée par un grand nombre de footballeuses pour garantir la continuité de leur investissement dans une carrière sportive. La discrétion peut se manifester sous plusieurs formes, notamment par l’adoption d’une expression de genre féminin plus normative, par la mobilisation d’un discours religieux et par l’évitement des relations avec les membres de l’équipe :
Ce n’est pas quelque chose dont on doit être fier, mais il ne faut pas se cacher. […] Plusieurs filles que je connais venaient me voir et me disaient : « Dieu dit, le Prophète dit », et je me rends compte après qu’elles sont aussi lesbiennes. Surtout une que je connais. Elle me fatiguait avec « Dieu dit, le Prophète dit » et au final, elle est lesbienne. Elle a des cheveux très courts et elle met des vêtements de garçons. Je sais ce que Dieu et le Prophète disent, mais il ne faut pas qu’elle soit hypocrite. Elle est lesbienne, mais elle dit autre chose pour être discrète. Mais nous, on sait déjà [rire].
Cela rejoint les résultats de recherche de Hamdi, Lachheb et Anderson (2016) sur les lesbiennes dans le sport tunisien. Celles-ci apprennent à dissimuler leur identité et à adopter la posture du silence ou de l’hétérosexualité (ibid.). Dans notre étude, la discrétion s’impose en particulier pour les footballeuses à l’apparence masculine. En effet, l’homosexualité change de signification d’une culture à une autre. Au Maroc, ce sont souvent les « hommes passifs » qui sont considérés comme homosexuels. Alors que leurs « partenaires actifs » sont rattachés aux représentations de la masculinité (Courtray 1998 ; Rebucini 2013). Les données recueillies durant notre enquête de terrain montrent le même principe pour les femmes, mais en sens inverse. Ainsi, ce sont surtout les footballeuses à l’apparence masculine qui sont étiquetées comme homosexuelles (Caudwell 2003 ; Kavasoğlu 2021). Leur style plus masculin peut paraître comme un renoncement à certains traits de la « féminité » et une adhésion à la « virilité ». Leurs partenaires, en revanche, sont considérées comme des actrices d’une homosexualité éphémère et ludique. Leur « apparence féminine » les épargne des jugements. Cela renvoie à l’optique naturaliste définissant la relation homosexuelle en termes biologiques et en la basant sur la bipartition du modèle hétérosexuel. C’est dire qu’il existe une femme « masculine » ou un homme « féminin » (actif/passif) dans le couple homosexuel. De ce fait, seule la personne qui dévie des normes de genre binaires et, comme l’extrait suivant le montre bien, du modèle de mariage hétérosexuel est considérée comme homosexuelle et, par conséquent, comme déviante dans le couple :
Le problème d’une fille qui se considère comme un garçon [qui prend le rôle de l’homme dans la relation] est qu’elle se « perd » quand elle arrive à la trentaine. Elle perd sa féminité ; son comportement, sa façon de parler, etc. Alors que l’autre partenaire, quand elle arrive à 24 ou 25 ans, commence à penser au mariage. Peut-être que l’homosexualité n’était qu’un jeu pour elle. L’autre se fixe alors. Parfois, cela va jusqu’à la menace par des vidéos ou par des messages […].
Responsable d’un club de football, 22 octobre 2019
De ce fait, l’expression du genre semble plus problématique que la sexualité. L’apparence masculine de certaines footballeuses déroge aux normes de genre attendues chez les filles. Associée au lesbianisme, elle met en exergue le « marché du silence » Dankwa (2009) autour de l’intimité entre femmes au Maroc.
Néanmoins, la reconfiguration de la société marocaine et la promotion du football féminin permettent aux footballeuses lesbiennes de passer progressivement d’une « loi du silence » et d’une « discrétion extrême » (Courtray 1998) à une discrétion visible et « tolérée » dans certaines configurations. Cela facilite, dans une certaine mesure, les coming outs des filles entre elles et auprès des responsables associatifs, et permet aux jeunes footballeuses, qu’elles soient lesbiennes ou non, d’assumer leur apparence masculine.
Cela est lié également au fait que les formes de non-normativité de genre sont plus visibles dans le football féminin que dans d’autres sports[12] pratiqués dans les quartiers étudiés. Ainsi, le football féminin devient en quelque sorte un nouvel espace de convivialité et de sociabilité lesbienne (Sablik et Mennesson 2008). L’adoption d’une apparence masculine plus visible par certaines footballeuses, en coupant les cheveux très courts et en adoptant un style vestimentaire masculin, devient parfois une manière de faire leur coming out, en transgressant la binarité du genre.
En revanche, la transgression de la norme de discrétion concernant l’homosexualité (par exemple, en rendant publique l’orientation sexuelle) peut provoquer de vives réactions au sein des sociétés musulmanes. Rappelons à cet égard le scandale causé par la rumeur d’un mariage homosexuel entre hommes dans la ville de Ksar el Kebir en 2007 au Maroc (Bergeaud-Blackler et Eck 2011) ou celui qui éclata au Sénégal en 2008 pour les mêmes raisons (Broqua 2016).
Conclusion
La reconfiguration de la société marocaine s’accompagne d’une évolution dans les rapports de genre et de la place de la femme dans la société (Bourqia 2015). Néanmoins, elle reste fréquemment reliée à un rôle traditionnel et aux représentations sociales dominantes visant la reproduction du modèle normatif du genre (Ouachene 2020). Cela freine, dans certaines configurations, l’accès aux sports, notamment aux sports dits « masculins », comme le football, ainsi que l’investissement sportif des filles. Par conséquent, les filles utilisent des stratégies de nécessité telles que la réalisation de tâches ménagères et différentes formes de solidarité (avec la fratrie et l’entraîneur en particulier) pour garantir leur accès au sport et leur engagement sportif.
Le football féminin est ainsi devenu un nouvel espace de sociabilité pour les filles des quartiers étudiés, un espace qui contribue à l’incorporation et à l’expression des traits plus masculins. Par conséquent, l’apparence masculine de certaines footballeuses transgresse les normes binaires du genre. C’est une forme de masculinité qui se construit tout au long des expériences passées, notamment au moyen de la socialisation sportive au sein de la famille et du club sportif ou de l’inclusion dans un groupe de pairs masculins. Les exigences techniques et physiques de la pratique (force, vitesse et agressivité) façonnent ainsi l’hexis corporelle des filles. Cela d’autant plus que la plupart des entraîneurs et des responsables sont des hommes.
De plus, les footballeuses à l’apparence masculine sont souvent soupçonnées d’être lesbiennes, ce qui renvoie au modèle hégémonique du couple hétérosexuel, où la footballeuse au style masculin remplace l’homme dans le couple lesbien. Si les responsables associatifs incarnent les normes sociales autour de l’homosexualité, considérée comme une déviance et interdite par la loi, la footballeuse à l’apparence masculine et lesbienne rencontrée la considère quant à elle comme une liberté individuelle. Le fait également que la plupart des acteurs sportifs associatifs du football féminin (entraîneurs, pratiquants, responsables et membres) soient au courant de l’existence du lesbianisme permet aux footballeuses lesbiennes de briser progressivement la « loi du silence » entre elles et avec certains entraîneurs. C’est une forme de discrétion visible que les footballeuses lesbiennes ne doivent pas transgresser pour assurer la continuité de leur carrière sportive.
Ce travail reste une contribution modeste permettant d’appréhender les socialisations footballistiques des filles dans les quartiers populaires, les représentations sociales autour des footballeuses à l’apparence masculine et le vécu de ces dernières. La rareté des recherches de ce type incite à mener d’autres travaux dans cette perspective, de manière à avoir une image globale sur le football féminin dans tout le Royaume du Maroc, en articulant sport, genre et sexualité.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Le terme football fait référence ici au sport que l’on nomme « soccer » en Amérique (football européen).
-
[2]
Terme désignant les personnes lesbiennes perçues comme « masculines ».
-
[3]
Pour Bourdieu (1980 : 117), « l’hexis corporelle est la mythologie politique réalisée, incorporée, devenue disposition permanente, manière durable de se tenir, de parler, de marcher, et, par-là, de sentir et de penser ».
-
[4]
Dans ce travail, nous désignons par « footballeuses masculines » les joueuses telles quelles sont décrites par les personnes interviewées (entraîneurs et footballeuses) et observées durant notre enquête de terrain, c’est-à-dire les footballeuses qui ont une apparence « masculine » (cheveux très courts et style vestimentaire « masculin »).
-
[5]
Les prénoms ont été changés afin de respecter l’anonymat souhaité par certaines personnes interrogées.
-
[6]
Une licence sportive permet de participer aux activités et compétitions organisées par la fédération sportive à laquelle le club est affilié. C’est le nombre de licences qui permet de déterminer le nombre d’adhérents pour un sport.
-
[7]
Nawal El Moutawakel est la première femme arabe, africaine et musulmane à remporter une médaille d’or olympique à l’occasion des Jeux de Los Angeles en 1984.
-
[8]
La FNFF est dirigée principalement par des femmes : Khadija Ila (présidente), Wafae Bekkouch (directrice générale), Kelly Lindsey (directrice technique).
-
[9]
L’expression azri douar (littéralement « célibataire du quartier ») est souvent utilisée pour désigner les filles qui jouent avec les garçons et/ou qui ont une apparence masculine. Elle est le synonyme du garçon manqué.
-
[10]
Amâna peut être défini dans un sens large comme un dépôt confié par un individu (déposant) à un autre (dépositaire). Ce dernier prend la responsabilité de garder et de rendre fidèlement le dépôt confié.
-
[11]
Les footballeuses avec une apparence masculine ne sont pas forcément plus performantes que les autres.
-
[12]
Comme nous l’avons évoqué dans la méthodologie, durant notre enquête de terrain, nous avons travaillé sur d’autres disciplines sportives pratiquées dans les quartiers populaires étudiés, notamment l’athlétisme, le taekwondo et le kung-fu. C’est surtout dans le football féminin que l’apparence masculine des sportives est plus visible.
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