Comptes rendusBook ReviewsReseñas

Tréguer-Felten Geneviève, 2018, Langue commune, cultures distinctes. Les illusions du « globish ». Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Sciences de l’administration », 228 p., bibliogr.[Notice]

  • Magali Cécile Bertrand

…plus d’informations

  • Magali Cécile Bertrand
    École de français langue étrangère, Université de Lausanne, Lausanne, Suisse

Dans cet ouvrage qui reprend ses travaux de doctorat en sciences du langage, Geneviève Tréguer-Felten propose une approche critique de l’« anglais comme lingua franca » (ELF, English as a Lingua Franca) tel qu’il se pratique en entreprise. Ancienne enseignante de langue et directrice de communication d’entreprises, elle recourt dans cette recherche à des apports de la sociologie du travail, de l’anthropologie culturelle et des sciences de gestion et du langage. Dans huit chapitres, clairement introduits, rédigés et structurés, l’auteure analyse un ensemble de textes (courriels, brochures, sites Internet) issus de la communication interne et institutionnelle d’entreprises situées en Chine, en France et aux États-Unis. Elle souligne l’intérêt de traiter d’échanges numériques en entreprise (qui représenteraient 80 % des échanges selon elle), en particulier parce que l’écrit conserverait davantage les traces de modes de rédaction et de rhétorique propres à la culture discursive d’origine. Ce corpus est abordé par une rigoureuse analyse contrastive des discours, établissant également des inférences avec le corpus ou d’autres travaux. Après un chapitre sur l’analyse de courriels rédigés en ELF, l’auteure éclaire l’origine de ces « mal-ententes » par un bref développement sur le processus même de communication. Quatre chapitres sont ensuite consacrés à l’étude de la construction discursive de l’identité (l’ethos) d’entreprises françaises et chinoises. Dans le chapitre suivant, c’est la notion de « bonne » relation client que construit l’étude comparée de discours homoglottes d’entreprises françaises et états-uniennes. Avant une brève conclusion et une annexe présentant les fondements théoriques et méthodologiques de cette recherche, le dernier chapitre montre en quoi ces transferts « linguocentrés » (Geoffroy 2001), soulevés tout au long des analyses, fragilisent la prétendue universalité de l’ELF et en font la complexité. Selon Tréguer-Felten, ce travail de « perce[ption de] l’“épaisseur” des discours » (p. 7), c’est-à-dire des espaces à interpréter par les interlocuteurs, présente un intérêt non seulement pour une meilleure communication interpersonnelle, mais également dans une perspective managériale et de marketing. Elle affirme que son propos se distingue des travaux sur le développement d’une culture sociopragmatique propre aux locuteurs variés de l’« anglais des affaires comme lingua franca » (Business English as a Lingua Franca) (BELF) — en premier lieu parce qu’elle adopte une approche interprétative de la culture, c’est-à-dire non pas centrée sur les comportements, mais en tant qu’« univers de sens ». C’est ensuite par cette mise au jour des représentations sociales respectives que l’analyse peut construire les cultures discursives propres à chaque « communauté linguistique ». Le « globish » ne repose donc pas uniquement sur un anglais simplifié dont les significations seraient partagées, mais également sur des « incompréhensions latentes » : des « mal-ententes » (p. 7). Ainsi, l’absence de contexte propre à cette langue véhiculaire exige des locuteurs une élaboration à partir de leurs univers de sens respectifs ; c’est dans cet espace qu’illusion de se comprendre et écart culturel s’additionnent. L’auteure plaide alors pour une meilleure traduction/transposition des discours et pour le développement d’une « conscience plurilingue ». Ces perspectives nous semblent gagner à être prolongées. D’une part parce que l’approche « cibliste » ne peut envisager (cibler) toutes les lectures possibles s’il n’existe pas de culture propre au « globish » (mise à part la mal-entente…) ; c’est donc une approche « sourcière » de la traduction qui peut à tout le moins renseigner sur la langue-culture d’origine… pour qui est capable de « lire » ! C’est là où, d’autre part, l’objectif de développement d’une « conscience plurilingue » nous semblerait encore mieux servi par une approche de médiation linguistique. La prise de conscience de systèmes de …

Parties annexes