Volume 43, numéro 1, 2019 Champs sonores Sound Fields Campos sonoros Sous la direction de Alexandrine Boudreault-Fournier
Sommaire (21 articles)
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Présentation : ce que nous apporte le son : réflexions sur un champ en vibrations
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À la recherche des rythmes sonores d’un square menacé de Montréal
Nathalie Boucher et Christopher Fletcher
p. 25–48
RésuméFR :
Enregistrer de façon expérimentale des sons dans un square central montréalais très peu fréquenté nous a conduits à l’analyse de la matérialité du son et de l’enregistrement de l’audible en zone urbaine. Le square Viger a été construit dans les années 1980 au-dessus d’une autoroute est-ouest reliant le Quartier latin et le Vieux-Montréal. Jamais réellement terminé, le square, aujourd’hui mal entretenu, est un parc urbain délabré et abandonné que quelques groupes de personnes itinérantes se sont approprié. La dynamique complexe de santé publique et de souffrance sociale alimente l’image d’échec urbain du square. En septembre 2012, nous avons quadrillé le square en enregistrant son paysage sonore (Schafer 2010 [1977]). Nous souhaitions explorer l’intersection de différentes textures sensorielles associées à l’espace et ainsi approfondir notre compréhension de ses aires comme des surfaces tridimensionnelles et sensoriellement complexes. L’objectification de l’audible a révélé la coexistence de différents paysages sonores dans le square et leurs interactions avec l’environnement immédiat mais invisible. L’analyse de ces paysages par la rythmanalyse de Lefebvre (1992) a fait émerger différentes matérialités. Notre réflexion, théorique et empirique, souligne le rôle potentiel qu’une ethnographie des sons pourrait jouer dans l’orientation d’interventions visant à améliorer le design et l’utilisation du square.
EN :
An experiment in recording sounds in an abandoned square in central Montreal led us to examine sounds in its material aspects and audible records of urban areas. Viger Square is a run-down and empty three-block park linking the Latin Quarter and Old Montreal. Constructed on top of a major underground East-West expressway in the 1980s, it was never totally completed. It is now badly managed and maintained, and has been taken over by different groups of homeless persons. The complex dynamics of public health and social suffering fuel the square’s image as a symbol of urban failure. In September 2012, we conducted a cross section of the square, recording its soundscape (Schafer 2010 [1977]). We wanted to explore how different sensory textures associated with this space came together, and, as such, to deepen our understanding of the area as a three-dimensional and sensorially complex zone. Objectifying the audible revealed the coexistence of different soundscapes within the square and the ways in which they interacted with the immediate – but invisible – environment. The analysis of Viger Square’s soundscapes by means of Lefebvre’s rythmanalysis (1992) has shown differing material qualities. Our analysis suggests that the ethnography of sound has the potential to play a role in the course and orientation of future interventions aiming to enhance park design and use.
ES :
Grabar de manera experimental sonidos en una plaza central montrealesa, nos ha llevado al análisis de la materialidad del sonido y de la grabación de lo audible en una zona urbana. La plaza Viger fue construida en los años 1980, bajo una autopista este-oeste que comunicaba el Barrio Latino con el Viejo Montreal. Nunca realmente acabada, la plaza actualmente mal conservada, es un parque urbano decrepito y abandonado, del que se han apropiado algunos grupos de personas itinerantes. La compleja dinámica de salud pública y de padecimiento social nutra la imagen del fracaso urbano de la plaza. En septiembre de 2012 cuadriculamos la plaza grabando su paisaje sonoro (Schafer 2010 [1977]). Deseábamos explorar la intersección de diferentes texturas sensoriales asociadas al espacio y así profundizar nuestra comprensión de sus aéreas en tanto que superficies tridimensionales y sensoriales complejas. La objetivación de lo audible, muestra la coexistencia de diferentes paisajes sonoros en la plaza y sus interacciones con el entorno inmediato, pero invisible. El análisis de dichos paisajes gracias al ritmo-análisis de Lefebvre (1992) provoca la emergencia de diferentes materialidades. Nuestra reflexión, teórica y empírica, subraya los potenciales que una etnografía de los sonidos puede aportar en la orientación de intervenciones cuya meta es el mejoramiento del diseño y la utilización de dicha plaza.
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D’étudiant à « élève du son » : l’éveil sonore en anthropologie
Alexandrine Boudreault-Fournier
p. 49–69
RésuméFR :
Cet article traite d’une approche pédagogique de l’enseignement du son selon une perspective anthropologique en prenant comme étude de cas le cours de premier cycle « Anthropologie du son » offert au département d’anthropologie de l’Université de Victoria depuis 2012, cours qui constitue, à notre connaissance, une première dans une université canadienne. L’article traite de la transformation d’étudiants en « élèves du son » grâce à l’« éveil sonore », qui résulte de l’attention particulière portée aux sons qui nous entourent. De plus, l’enseignement du son, tout comme les approches sensorielles en anthropologie, contribue à la déstabilisation de l’hégémonie du visuel souvent observée dans plusieurs sociétés modernes. L’anthropologie devrait s’intéresser davantage aux phénomènes sonores dans l’enseignement et lors des terrains ethnographiques. Une telle ouverture aurait pour avantage de stimuler de nouvelles manières d’analyser, de théoriser et de créer en anthropologie.
EN :
This article discusses a pedagogical strategy used to teach sound studies from an anthropological perspective, taking the undergraduate course « The Anthropology of Sound » offered by the Department of Anthropology at the University of Victoria since 2012 as a case study. This course is, according to our knowledge, a premiere in a Canadian University. The article discusses the transition from university student to « sound student » through a « sound awakening » that pays special attention to the sounds that surround us. Moreover, the teaching of sound contributes, along sensorial approaches in anthropology, to the destabilization of visual hegemony often observed in modern societies. The discipline of anthropology should develop a stronger interest for sound in its teaching and during ethnographic fieldwork. Such an opening would have the potential to stimulate alternative ways of analyzing, theorizing and creating in anthropology.
ES :
Este artículo aborda una estrategia pedagógica de enseñanza del sonido según una perspectiva antropológica tomando como estudio de caso el curso de bachillerato « La antropología del sonido » que ofrece el Departamento de antropología de la Universidad de Victoria desde 2012, y que es, según nuestros conocimientos, una novedad en una universidad canadiense. El artículo trata del paso de estudiante universitario a « estudiante del sonido » gracias a una « iniciación sonora » que otorga una atención particular a los sonidos que nos rodean. Además, la enseñanza del sonido contribuye a la desestabilización, como también lo hacen las perspectivas sensoriales en antropología, de la hegemonía de lo visual que se observa en muchas sociedades modernas. La antropología debería interesarse mucho más a los fenómenos sonoros en la enseñanza y durante las investigaciones etnográficas de campo. Tal apertura tendría un potencial para estimular maneras alternativas de analizar, de teorizar y de crear en antropología.
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Son propre son : bricolage sonore et appropriation technologique
Alexandre Enkerli
p. 71–93
RésuméFR :
Cet article associe une notion d’appropriation technologique au travail sur/par le son. Il entend favoriser l’investissement du champ sonore de l’anthropologie en décrivant l’appropriation sonore par le bricolage numérique. Inspiré en partie par une exploration personnelle des possibilités musicales de l’ordinateur Raspberry Pi, ce texte présente des approches et des méthodes d’appropriation du son lui-même par les membres de la sphère Maker. Les « appropriations » (du sonore et du technologique) dont il est question constituent des formes émergeantes au coeur d’une pratique largement personnalisée, mais inscrite dans un univers social particulier de collaboration ouverte. En produisant son propre son, le bricolage numérique transforme l’environnement acoustique et lui donne un sens.
EN :
This article brings a notion of technological appropriation to bear upon work with/through sound. It aims to promote an engagement with the sound field of anthropology through describing sound appropriation by digital bricolage. Inspired in part by personal exploration of the Raspberry Pi computer’s musical affordances, this text locates the methods and approaches through which sound itself is appropriated in Maker Culture. We are concerned here with the appropriations of sound and technology in a process emerging from individualized practice found in the social universe of open collaboration. By producing its own sound, digital making transforms the acoustic environment and gives it meaning.
ES :
Este artículo asocia una noción de apropiación tecnológica al trabajo sobre el habla/sonido. Trata de favorecer la experimentación del campo sonoro en antropología, describiendo la apropiación sonora a través del bricolaje numérico. Inspirado parcialmente en una exploración personal de las posibilidades musicales de la computadora Raspberry Pi, el presente texto sitúa las perspectivas y los métodos de la apropiación del sonido por los miembros de la esfera Maker. Las « apropiaciones » (de lo sonoro y lo tecnológico) que aquí tratamos, constituyen un proceso emergente de una práctica ampliamente personalizada pero que se inscribe en un universo social particular de colaboración abierta. Al producir un sonido propio, el bricolaje numérico transforma el entorno acústico y le otorga un sentido.
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Expérience acoustique et pratiques musicales de musiciens de métro
Nick Wees
p. 95–116
RésuméFR :
Dans cet article, j’examine l’expérience acoustique des espaces souterrains du métro de Montréal et j’expose les pratiques et perceptions des musiciens qui performent dans cet environnement. Je considère comment les caractéristiques acoustiques particulières qui distinguent les espaces souterrains des espaces en surface influencent les relations coproductives qu’ont les gens avec ces espaces. Les musiciens ambulants qui performent dans le réseau du métro doivent composer avec les contraintes et les possibilités posées par les caractéristiques matérielles de ces lieux – surtout en matière d’acoustique – ainsi qu’avec la réglementation en vigueur et les normes sociales dominantes. Les musiciens de métro font preuve de tactiques fort variables et improvisées dans le cadre de leurs pratiques musicales et spatiales. Bien qu’elles puissent muter alors qu’elles sont liées à des caractéristiques personnelles et spatiales singulières, ces pratiques sont somme toute assez durables et cohésives pour être qualifiées d’acte d’agencement, une réalité qui démontre la nature coproductive du corps et de l’espace. Enfin, je suggère un parallèle entre les pratiques de nature technologique des musiciens de rue et la production audiovisuelle réalisée dans le cadre de ma recherche, deux éléments qui soulignent la relationnalité du corps et de l’espace ainsi que le rôle participatif d’agents matériels dans l’expérience sensorielle.
EN :
In this article, I examine the acoustic experience of being in the underground spaces of the Montreal metro system and detail the practices and perceptions of musicians who perform there. I consider the effect of the particular acoustic characteristics that distinguish underground spaces from the aboveground on the co-productive relationship people have with those spaces. Buskers (« street » performers) who perform in the metro system must work with and against the constraints and possibilities posed by the material characteristics of those spaces – particularly in terms of acoustics – as well as formal regulations and prevailing social norms. Metro buskers exhibit highly variable and improvisational tactics in their musical and spatial practices. This demonstrates the co-productive nature of body and space through sets of practices that are at once mutable and tied to singular personal and spatial features, while retaining enough durability and cohesiveness to be identifiable as an assemblage-act. Finally, I suggest parallels between buskers’ technologically mediated practices and the audio-visual production in my research, with both emphasizing the relationality of body and space and the participatory role of material agents in sensory experience.
ES :
En el presente artículo analizo la experiencia acústica de los espacios subterráneos del Metro de Montreal, y muestro las prácticas y percepciones de los músicos que se ejecutan en dicho entorno. Considero el efecto de las características acústicas particulares que diferencian los espacios subterráneos de los espacios exteriores sobre las relaciones co-productivas que tienen las gentes con dichos espacios. Los músicos ambulantes que tocan en la red del metro deben trabajar con y contra los límites y posibilidades que poseen las características materiales de esos lugares, sobre todo en cuestiones de acústica, así como las reglas formales y las normas sociales dominantes. Los músicos del metro despliegan tácticas de improvisación muy variadas en sus prácticas musicales y espaciales. Eso lo demuestra la naturaleza co-productiva del cuerpo en tanto que espacio a través del cual las pautas de ejecución son, al mismo tiempo, cambiantes y relacionadas con los rasgos personales y los espacios singulares, pero sin perder la durabilidad y cohesión indispensables para ser consideradas como un acto de configuración. Finalmente, en mi investigación sugiero un paralelismo entre las prácticas mediatizadas de los músicos de la calle y la producción audiovisual, pues ambas subrayan la conectividad entre el cuerpo y el espacio y el rol participativo de los agentes materiales en la experiencia sensorial.
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Interfaces gestuelles : reconnaître les pratiques sonores dans une collection archéologique de la Grande Nicoya
Katrina Casey Kosyk
p. 117–139
RésuméFR :
Des aspects éphémères, tels que le geste et le son, sont généralement négligés dans l’examen des objets matériels archéologiques, en particulier les aérophones. Malgré de vastes collections d’instruments sonores récupérés dans la région archéologique de la Grande Nicoya associée à la période Tempisque (de l’an 500 avant J.-C. à l’an 300 après J.-C.), nous savons peu de choses sur la façon dont les communautés produisaient et expérimentaient le son. Ma recherche comprend une analyse détaillée de la fabrication et de l’utilisation possible d’instruments sonores et met en évidence une gamme d’interfaces gestuelles (ergonomiques, interprétatives et sensorielles). Elle cherche à contribuer à notre compréhension de traditions de longue date en matière de performance et à explorer les interactions potentielles entre les humains et les objets au sein des communautés anciennes de la Grande Nicoya.
EN :
Ephemeral aspects, such as gesture and sound, are generally overlooked in the examination of archaeological material objects, particularly aerophones. Despite large collections of sonorous-related instruments recovered from the Greater Nicoya archaeological region associated with the Tempisque period (500 BCE to 300 CE), little is known about how communities produced and experienced sound in the past. My research incorporates a detailed analysis of the construction and possible consumption of sonorous instruments, demonstrating a range of gestural interfaces (ergonomic, interpretive, and sensorial). It seeks to contribute to our understanding of long-standing traditions in performance and explore potential human-object interactions within ancient communities of Greater Nicoya.
ES :
Aspectos efímeros como el gesto y el sonido han sido generalmente olvidados en el examen de los objetos arqueológicos, en particular los aerófonos. A pesar de las inmensas colecciones de instrumentos sonoros recogidos en la región arqueológica de la Gran Nicoya, asociada al periodo Tempisque (500 antes de nuestra era a 300 después JC), se sabe poco de cómo las comunidades producían y vivían el sonido en el pasado. Mi investigación incorpora un análisis detallado de la construcción y la utilización posible de instrumentos sonoros, mostrando una gama de interfaces gestuales (ergonómicas, interpretativas y sensoriales). Tratamos de contribuir a la comprensión de tradiciones antiguas de interpretación así como explorar las interacciones potenciales entre los humanos y los objetos en el seno de antiguas comunidades de la Gran Nicoya.
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Anthropologies imaginaires : une critique de la colonialité par la voix et la satire
Gabriel Dharmoo
p. 141–168
RésuméFR :
Cet article se penche sur les dimensions critiques, satiriques et éthiques d’Anthropologies imaginaires, une performance vocale, musicale et théâtrale que j’ai créée en 2014 puis présentée devant public dans une vingtaine d’événements. Seul sur scène, accompagné d’une projection vidéo de type documentaire, j’entonne onze types de vocalisations qui semblent appartenir à des populations inconnues et dont la nature fictive se dévoile graduellement. Ma voix s’inspire partiellement de traditions vocales existantes, qui sont toujours camouflées et agencées avec des techniques vocales expérimentales. L’interaction entre ces chants de l’altérité et le commentaire de plus en plus problématique des cinq faux spécialistes sur vidéo révèle des enjeux d’actualité reliés à la colonialité, au post-exotisme, à l’extinction culturelle, à la mondialisation, au racisme normalisé et à l’appropriation culturelle. J’analyse comment, à titre d’artiste sonore contemporain appartenant à la diversité culturelle, je peux utiliser ma voix, mon corps et la satire pour formuler une critique des relents du colonialisme à un public aux références culturelles généralement eurocentriques.
EN :
This paper discusses the critical, satirical and ethical dimension of Anthropologies imaginaires (Imaginary Anthropologies), a vocal, musical and theatrical live-arts piece I created in 2014 and performed publicly in around twenty events. Alone on stage with the support of a documentary-style video projection, I sing eleven vocalizations that seemingly belong to unknown populations, whose fictional nature will be gradually revealed. The use of my voice is partially inspired by existing vocal traditions but blurred and distorted through my own self-developed experimental voice techniques. The interplay between these songs of Otherness and the increasingly problematic commentary of the five onscreen fake experts addresses current issues linked to coloniality, post-exoticism, cultural extinction, globalization, normalized racism and cultural appropriation. As a contemporary sound artist belonging to our cultural diversity, I analyze how I can use my voice, body and satire to formulate a critique of colonialism to an audience with mostly Eurocentric cultural references.
ES :
Este articulo se ocupa de las dimensiones criticas, satíricas y éticas de Anthropologies imaginaires (Antropologías imaginarias), una presentación vocal, musical y teatral que creé en 2014 y posteriormente presenté públicamente en una veintena de eventos. Solo en escena, acompañado de una proyección video de tipo documental, entoné once tipos de vocalizaciones que parecían pertenecer a poblaciones desconocidas, y cuya naturaleza ficticia se revelaba gradualmente. La voz se inspira parcialmente en tradiciones vocales existentes, que siempre se camuflan y se organizan con técnicas vocales experimentales. La interacción entre esos cantos de la alteridad y el comentario cada vez más problemático de cinco falsos especialistas en el video, muestra los retos actuales relacionados con el post-colonialismo, el post-exotismo, la extinción natural, la globalización, el racismo normalizado y la apropiación cultural. Analizo cómo, en tanto que artista sonoro contemporáneo perteneciente a la diversidad cultural, puedo utilizar mi voz, mi cuerpo y la sátira para formular una crítica de los vestigios del colonialismo a un público con referencias culturales generalmente eurocéntricas.
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Politique du son et des sentiments : musique et radio à Nain, Nunatsiavut
Tom Artiss
p. 169–193
RésuméFR :
Cet article traite de questions liées à la représentation et à l’expression du soi dans une communauté inuit du Labrador en se basant sur trois chansons de style country composées localement et fréquemment demandées et diffusées sur les ondes de la radio communautaire. La motivation politique, insuffisamment mise en valeur, sous-jacente aux « structures de sentiment » de Raymond Williams permet de corriger le déséquilibre discursif qui privilégie les formes « authentiques » par rapport aux formes euroaméricaines inuit. Mesurer la culture en termes d’expérience vécue plutôt qu’en termes de formes symboliques distinctes, comme le propose Williams, constitue la base pour identifier le substrat de continuités affectives qui perdurent alors que des formes plus tangibles s’érodent ou disparaissent. Des affectivités inuit distinctes qui s’attachent aux formes musicales non inuit sont à leur tour diffusées et partagées par la radio. Dans le paysage radio auditif-affectif qui en résulte, la portée affective d’une chanson est convertie en structures de sentiment sonore par l’interaction réflexive entre subjectivités émotionnelles individuelles et collectives.
EN :
This paper discusses issues related to self-representation and expression in a Labrador Inuit community with reference to three locally-composed country-style songs frequently requested and played on the air by the community radio station. An under-discussed political impetus behind Raymond Williams’ « structures of feeling » helps redress a discursive imbalance that privileges « authentic » forms over Inuitized Euro-American ones. Measuring culture in terms of lived experience rather than discrete symbolic forms in the way Williams proposes is the basis for considering a substrate of affective continuities that persist even when more tangible forms erode or die out. Distinct Inuit affectivities that stick to non-Inuit musical forms are, in turn, circulated and shared via radio. In the resulting curated aural-affective radioscapes, a song’s affective potency is converted into structures of sonic feeling by reflexive interplays between individual and collective emotional subjectivities.
ES :
Este artículo aborda cuestiones relacionadas con la representación y la expresión de sí mismo en una comunidad inuit del Labrador, remitiéndonos a tres canciones de estilo country compuestas localmente, pedidas con mucha frecuencia y difundidas por la estación de radio comunitaria. Un impulso político subyacente a las « estructuras del sentimiento » de Raymond Williams nos permite corregir un desequilibrio discursivo que privilegia las formas « autenticas » a las formas euro-americanas inuit. Sopesar la cultura en términos de experiencia vivida más que en términos de formas simbólicas discretas, como lo propone Williams, es la base para tener en cuenta un substrato de continuidades afectivas que persiste incluso cuando las formas más tangibles se erosionan o desaparecen. Distintas afectividades inuit que se centran en formas musicales no inuit también se comparten y se difunden a través de la radio. En el paisaje radio auditivo-afectivo obtenido, el alcance afectivo de una canción se convierte en estructuras de sentimiento sonaras gracias a la interacción reflexiva entre subjetividades emocionales individuales y colectivas.
Entretien / Interview / Entrevista
Hors thème / Off Theme / Al margen
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Dynamiques foncières, ethnocratie et défi de l’intégration ethnoculturelle au Cameroun
Séraphin Guy Balla Ndegue
p. 211–231
RésuméFR :
Cet article traite, en contexte camerounais, de la marchandisation et des expropriations foncières qui paupérisent les populations autochtones et génèrent des conflits. Ce capitalisme agraire, facilité par la gabegie administrative et judiciaire, profite à la minorité riche constituée des cadres de diverses institutions étatiques et privées et des gens d’affaires. Ces personnes acquièrent généralement les terres en violant les dispositions légales en la matière. Mais il y a aussi des acquéreurs de bonne foi dont les titres de propriété sont contestés par des familles qui ne se reconnaissent plus dans les conditions de vente préalablement consenties pour une diversité de raisons. Cette situation est aujourd’hui l’une des principales sources de confrontations intrafamiliales et entre « les gens d’ici, les autochtones » et les acquéreurs, parfois qualifiés « d’étrangers » et « d’envahisseurs ». Les enjeux fonciers donnent lieu à de la xénophobie et à des replis ethnorégionaux avec comme argument les questions d’autochtonie et de minorité. Les grandes villes, à l’instar de Yaoundé, sont très représentatives de ces problèmes qui sont également liés à la répartition inégale des richesses et à la polarisation ethnique dans la gouvernance étatique.
EN :
This article analyses, in the Cameroonian context, the commodification and expropriation of land that impoverish indigenous populations and generate conflicts. This agrarian capitalism, facilitated by administrative and judicial mismanagement, benefits a rich minority made up of civil servants and business people. They acquire land by violating legal dispositions, while those who buy land honestly may later see their property rights contested by other families for a variety of reasons. This situation causes interfamilial quarrels and confrontations between « natives » and the buyers, who are sometimes qualified as « foreigners » and « invaders ». Land issues pave the way for xenophobia and retreat into ethnic and regional identities under the banner of indigeneity and ethnic minorities. Big cities, like Yaounde, are very representative of this situation linked to the unequal distribution of wealth and ethnic polarizations in state governance.
ES :
Este artículo aborda, en contexto camerunés, la mercantilización y las expropiaciones territoriales que pauperizan a las poblaciones indígenas y generan conflictos. Ese capitalismo agrario, ayudado por la mala gestión administrativa y judiciaria, beneficia a la minoría rica constituida por los cuadros de diversas instituciones estatales, privadas y a gentes de negocios. Estos últimos adquieres tierras generalmente violando las disposiciones legales en la materia. Pero también hay compradores de buena fe cuyos títulos de propiedad son impugnados por familias que no ya no admiten las condiciones de venta anteriormente consentidas. Esta situación actualmente es una de las principales fuentes de confrontación intra-familiar, entre « las gentes de aquí, los autóctonos » y los compradores a veces calificados de « extranjeros » e « invasores ». Los retos de la tenencia de la tierra se convierten en cuna de la xenofobia y de los reveses etno-regionales bajo la bandera de la autoctonía y de la minoría. Las grandes ciudades, siguiendo el ejemplo de Yaundé, son representativas de esos problemas que también están ligados con el reparto desigual de la riqueza y con la polarización étnica en la gobernanza estatal.
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Les conseils communautaires de développement (COCODE) : de l’espoir à la réalité dans le nord-est du Guatemala
Saskia Simon
p. 233–250
RésuméFR :
Les Accords de paix de 1996 et la structure institutionnelle décentralisée promue par le paradigme néolibéral dans lequel ils s’inscrivent ont suscité beaucoup d’espoir au sein de la société civile guatémaltèque et internationale. Toutefois, à partir de l’examen du fonctionnement du COCODE (Conseil communautaire de développement) dans une communauté rurale du nord-est du Guatemala, je voudrais ici démontrer l’échec que constitue en certains lieux l’application indifférenciée du principe de décentralisation. Échouant à prendre en compte les trajectoires politiques des acteurs destinés à prendre en charge les institutions décentralisées, de même que l’héritage profond de la guerre et de la culture clandestine et d’impunité qui s’est modelée au cours des années de régimes militaires, la mise en pratique de ce principe dans cette région nord-orientale est passée à côté de son objectif annoncé. En m’appuyant sur une enquête ethnographique menée entre 2011 et 2013, je montrerai ainsi en quoi la décentralisation constitue une « démocratisation inachevée ».
EN :
The Peace Accords of 1996 and the decentralized institutions fostered by the neoliberal paradigm of which the are part raised many hopes in Guatemalan and international civil society. However, examining the case of the COCODE (Development Community Council) in a rural community of North-East Guatemala, I will show the failures of an undifferentiated application of the principle of decentralization. The latter did not take into account the political trajectories of actors who would take over the new decentralized institutions, or the social processes that modelled the ways these actors would understand and perceive politics in the region. An example of this is the profound legacy of war and the clandestine culture of impunity that was modelled during the years of military regimes. It can be said, therefore, that the principle of decentralization failed in its initial ambition. Relying on field research carried out between 2011 and 2013, I will show how decentralization constitutes an « unfinished democratization ».
ES :
Los Acuerdos de paz de 1996 y la estructura institucional descentralizada promovida por el paradigma neoliberal en la que se inscriben, suscitaron muchas esperanzan en la sociedad civil guatemalteca e internacional. No obstante, a partir del análisis del funcionamiento du COCODE (Consejo comunitario de desarrollo) en una comunidad rural del noreste de Guatemala, deseo aquí mostrar el fracaso, en ciertos lugares, de la aplicación indiferenciada del principio de descentralización. Fracasando en la consideración de las trayectorias políticas de los actores destinados a encargarse de las instituciones descentralizadas, así como la arraigada herencia de la guerra, la cultura clandestina y la impunidad que surgió durante los años de regímenes militares, la aplicación de dicho principio en esta región nororiental perdió su anunciada pretensión. Apoyándome en una investigación etnográfica realizada entre 2011 y 2013, mostraré cómo la descentralización constituye una « democratización inconclusa ».
Comptes rendus / Book Reviews / Reseñas
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Lingold Mary Caton, Darren Mueller et Whitney Trettien (dir.), 2018, Digital Sound Studies. Durham, Londres, Duke University Press, 298 p., bibliogr., index
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Vargas-Cetina Gabriella, 2017, Beautiful Politics of Music : Trova in Yucatán, Mexico. Tuscaloosa, The University of Alabama Press, 203 p., cartes, illustr., bibliogr., index
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Sherman Rina (dir.), 2018, Dans le sillage de Jean Rouch. Témoignages et essais. Paris, Éditions de la FMSH, coll. Anthropologie, no 54, 356 p., illustr.
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Causey Andrew, 2017, Drawn to See : Drawing as An Ethnographic Method. Toronto, University of Toronto Press, 172 p., annexe, bibliogr., illustr., index
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Goguel d’Allondans Thierry, 2017, Ados LGBTI. Les mondes contemporains des jeunes lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, transgenres, intersexes. Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. Adologiques, 324 p.
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Testart A., 2018, L’institution de l’esclavage. Une enquête mondiale. Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences humaines, 384 p.
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Perri 6 et Paul Richards, 2017, Mary Douglas. Understanding Social Thought and Conflict. New York, Oxford, Berghahn Books, 242 p., bibliogr., index
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Chauvier Éric, 2017, Anthropologie de l’ordinaire. Une conversion du regard. Toulouse, Éditions Anacharsis, 206 p., bibliogr.
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MacClancy Jeremy, 2017, Anthropology and Public Service : The UK Experience. New York, Berghahn Books, 194 p., index