Corps de l’article
L’intensification et la diversification de la mobilité internationale s’accompagnent de nouvelles rencontres entre des personnes et des groupes « porteurs de cultures différentes » (p. 2). L’ouvrage Mobilités internationales et intervention interculturelle. Théories, expériences et pratiques, dirigé par Catherine Montgomery et Caterine Bourassa-Dansereau, toutes deux professeures au département de Communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal et dont les recherches se concentrent en particulier sur les relations interculturelles, invite à penser aux enjeux interculturels qui traversent ces rencontres à travers trois regards : les théories, les pratiques et les expériences.
Ce livre s’adresse autant aux chercheurs travaillant sur les enjeux de mobilité et d’intervention interculturelle qu’aux intervenants travaillant auprès de populations en contexte de mobilité. Il est aussi conçu comme un outil pédagogique et chaque chapitre se conclut par une série de questions d’approfondissement.
Les 11 contributions de cet ouvrage sont divisées en deux parties. Si la première porte plutôt sur la théorie et la seconde sur la pratique, elles ne sont pas en opposition. Au contraire, il s’agit d’un dialogue portant sur leur adéquation. De plus, le regard expérientiel traverse le tout, par le biais de récits de mobilité et d’intervention, et contribue à ficeler ensemble les deux parties.
La première partie, « Approches conceptuelles et expériences de mobilité », s’ouvre avec un chapitre faisant une lecture sociohistorique des mobilités internationales et des approches d’intervention. Catherine Montgomery et Christian Agbobli y présentent les trois grandes orientations actuelles dans l’intervention interculturelle. Les auteurs concluent en appelant à une « praxis interculturelle » qui éviterait les généralisations, souvent présentes dans l’approche culturaliste, et qui combinerait les dimensions micro et macro de la communication interculturelle. Cela permettrait à la fois de travailler à l’échelle de l’interaction, vers un idéal de compréhension mutuelle, tout en reconnaissant les rapports de domination et en visant la justice sociale (p. 23-24).
C’est aussi dans cette première partie que sont clarifiées certaines notions-clés. Pour bien appréhender l’approche « interculturelle », encore faut-il s’entendre sur une définition de la culture. Dans le chapitre 2, « Communication interculturelle et communication interpersonnelle. Enjeux et croisements », Caterine Bourassa-Dansereau et Cheolki Yoon définissent la culture comme une manière de vivre partagée et transmise à l’intérieur d’un groupe. Celle-ci n’est toutefois pas un objet fixe, statique ou déterministe (p. 33). La communication interculturelle caractérise alors la relation entre des individus porteurs de cultures différentes, à travers laquelle les cultures peuvent se transformer (p. 42).
La seconde partie, « Pratiques d’intervention, d’accompagnement et de formation en contexte de mobilité internationale », détourne le regard de la théorie vers la pratique, d’une part, et de l’expérience de mobilité vers l’expérience d’intervention, d’autre part. Les pratiques (intervention, accompagnement et formation) doivent répondre aux multiples formes de mobilité et à leur complexité, tout en s’arrimant aux approches conceptuelles provenant de la recherche.
Les populations migrantes vivent souvent à l’intersection de plusieurs systèmes de discrimination et peuvent voir leurs offres de services sociaux et de santé réduites. C’est notamment le cas à des périodes cruciales de leur vie, comme le vieillissement. Pour pallier ce risque, au chapitre 7 (« Vieillissement et deuil. Vers de nouvelles problématiques en intervention interculturelle »), Marie-Emmanuelle Laquerre, Lilyane Rachédi et Catherine Montgomery préconisent, à l’échelle micro, une approche interculturelle qui permet l’ajustement et la négociation culturelle, tout en appelant, à l’échelle macro, à des remises en question institutionnelles et organisationnelles.
Que ce soit pour les intervenants oeuvrant dans les milieux de la santé et des services sociaux (chap. 6 et 7) ou pour les jeunes effectuant des stages internationaux (chap. 10), les auteurs de cette section s’entendent sur le besoin de formations en interculturel. Plusieurs enjeux autour de ces formations sont présentés. Dans le chapitre 6, « Défis et enjeux des formations en interculturel dans le contexte de la santé et des services sociaux », Geneviève Grégoire-Labrecque, Josiane Le Gall et Spyridoula Xenocostas abordent, entre autres, la négociation entre les participants qui demandent des outils culturalistes sous forme de « recettes » pour intervenir avec des populations précises, d’une part, et les formateurs qui adoptent une approche réflexive et critique, d’autre part.
En conclusion, cet ouvrage a la qualité d’aborder un riche éventail de thèmes et d’enjeux, à travers le recoupement entre les mobilités internationales et l’intervention interculturelle. S’il s’agit d’une qualité, c’est aussi un risque pour la cohésion du livre. Cette tension se fait sentir par moment, en raison de l’aspect de prime abord éclectique des contributions. Qu’ont en commun les formations des gestionnaires de projets humanitaires (chap. 9) et les défis du retour aux études dans les projets migratoires (chap. 5) ? Si le fil conducteur résiste à l’épreuve, c’est que l’ancrage théorique est cohérent et que les différentes approches, théoriques, pratiques et expérientielles, sont dûment explicitées.