L’alimentation est construite par les gens : ils la produisent, l’échangent, la font cuire, la mangent et en discutent. Comme construction humaine, la nourriture a joué un rôle très important dans la myriade de moyens par lesquels notre monde est devenu global. Réciproquement, la globalisation a eu, et a encore, un grand impact sur les façons dont les humains ont construit leur alimentation dans des contextes très divers. Récemment, deux recueils d’articles sur ce complexe d’idées sont parus chez Berg avec des titres presque interchangeables : Food and Globalization… et Globalization of Food. Bien sûr, ce n’est pas la première fois que ces deux thèmes sont traités ensemble dans les mêmes textes (pour un survol, voir Phillips 2006). Certains auteurs s’inquiètent de la perte du savoir-vivre culturel en imaginant un monde où tous les humains mangeront les mêmes plats de la même manière, grâce à la mondialisation contemporaine (par exemple, Bieulac-Scott 2008). D’autres célèbrent la diversification de l’alimentation entraînée par la globalisation ainsi que les opportunités de rencontres culturelles qu’offre la nourriture, si riche en significations (voir par exemple Fumey 2007). D’autres auteurs examinent les conséquences économiques et politiques de la mondialisation du système agroalimentaire (voir par exemple McCullough et al. 2008), alors que d’autres encore analysent l’impact du marché global sur les cultures en matière d’alimentation (Foster 2008). Quelques-uns explorent les processus historiques par lesquels les denrées ont été disséminées partout dans le monde (à l’instar de Plotnikov et Scaglion 2002), pendant que d’autres étudient à l’échelle globale la malnutrition (par exemple Devereux 2007) ou la surnutrition (comme Sobal 2001) en lien avec de nouvelles technologies mondiales. Les deux livres recensés dans cet essai touchent un peu à tous ces thèmes, mais ce qui les distingue de ceux précédemment cités est l’emploi du pluriel pour parler des systèmes et des processus de la globalisation et de l’alimentation. C’est que le pluriel fonctionne comme signe de critique consciente de la notion d’une seule « mondialisation alimentaire » basée sur l’existence supposée des effets homogénéisants d’un seul système global (pour plus de critiques de cette idée, voir par exemple Poulain 2002). Tous les articles dans Food and Globalization… et The Globalization of Food rejettent cette supposition. Cependant, une lecture attentive met en évidence les différents éclairages que ces deux volumes apportent à l’étude des systèmes alimentaires globalisés et des globalisations alimentaires. De prime abord, la différence principale tient au fait que le recueil Food and Globalization… est dirigé par des historiens alors que The Globalization of Food est dirigé par des sociologues. On ne s’étonnera donc pas que Food and Globalization… mette l’accent sur les processus historiques qui ont abouti à des situations plus ou moins modernes. Par exemple, Smith s’intéresse aux rapports entre le colonialisme (commençant aux alentours des années 1 500) et l’adoption de boissons chaudes diverses par les peuples d’Europe, d’Asie et d’Amérique au cours des quatre siècles qui suivirent. Mintz essaie pour sa part d’identifier les différentes étapes de la globalisation de l’alimentation à partir de la colonisation européenne. Par contraste, les articles de The Globalization of Food s’intéressent surtout à l’évolution et au fonctionnement de formations sociales particulières dans le présent ou le passé assez récent. Par exemple, Leitch retrace le développement de la structure globale du mouvement Slow Food lancé par un groupe régional de journalistes italiens. Cependant, l’organisation respective des volumes révèle une différence plus profonde. Dans leur introduction à Food and Globalization…, Nützenadel et Trentmann affirment leur désir d’utiliser la nourriture comme moyen pour étudier le développement des processus de globalisation à travers l’histoire. Ainsi, les articles appartenant aux …
Parties annexes
Références
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