PrésentationEnfances en péril : abandon, capture, inceste[Notice]

  • Chantal Collard et
  • Isabelle Leblic

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  • Chantal Collard
    Department of Sociology & Anthropology
    Concordia University
    1455, boulevard de Maisonneuve Ouest
    Montréal (Québec) H3G 1M8
    Canada
    ccollard@alcor.concordia.ca

  • Isabelle Leblic
    Laboratoire de langues et civilisations à tradition orale — LACITO
    CNRS - Centre André Georges Hadricourt
    7, rue Guy Môquet
    94801 Villejuif Cedex
    France
    http://lacito.vjf.cnrs.fr/membres/leblic.htm

Les études en anthropologie de l’enfance et des enfants ont fait l’objet d’un intérêt qui a varié au fil du temps dans la discipline. Dans les deux dernières décennies, ce thème, par ailleurs d’actualité et très médiatisé, a indiscutablement été remis à l’agenda personnel, politique et académique de nombreux chercheurs, que ces derniers travaillent en Occident ou dans le tiers-monde sur la globalisation ou les courants migratoires. Lorsqu’on considère son importance actuelle en anthropologie, on note cependant une grande différence entre les écrits francophones, qui portent plus sur l’enfance en général et moins sur l’enfance en danger, et les écrits anglophones (surtout nord-américains) où l’accent sur la situation périlleuse des enfants, sans être exclusif, est actuellement beaucoup plus présent et a fait l’objet de nombreux livres, recueils d’articles et revues de littérature récente sur lesquels nous allons nous appuyer. En France, même si l’enfance et les enfants, objets habituels d’étude de la psychologie ou de la médecine, ont été dans l’ensemble des sujets marginaux pour les sciences sociales, quelques chercheurs (Bonnet, Lallemand, Rabain, Zonabend, entre autres) en font un focus important de leurs recherches puisque ces dernières portent essentiellement sur la petite enfance (voir à ce sujet Querre et Mestre 2007). Depuis peu cependant, l’enfance et les enfants s’affirment progressivement comme thèmes d’étude à part entière et l’on assiste à la formation de groupes de recherche interdisciplinaires en quête de nouveaux paradigmes pour les aborder (voir entre autres Danic, Delalande et Rayou 2006). Quelles raisons peut-on attribuer au retour en force de ce thème de l’enfance et, plus particulièrement, de sa version « en péril »? Sur quels courants sociopolitiques plus larges cette préoccupation vient-elle se greffer? Et que peut nous enseigner la discipline anthropologique en la matière? Pour le comprendre, nous allons tout d’abord voir quelle est la place de l’enfant dans les sociétés occidentales et comment celle-ci a coloré le mouvement de défense des droits de l’enfant qui a commencé dans les années 1970 pour culminer avec la Convention des droits de l’enfant (CDE) en 1989. Puis, nous passerons en revue les différents dangers identifiés par les intervenants touchant les enfants à travers le monde, des plus importants aux plus marginaux, jusqu’à des situations où, à l’inverse, c’est le mineur lui-même qui est perçu comme dangereux. Pour finir, nous approfondirons les thèmes retenus pour ce numéro, qui tournent tous autour de périls reliés aux manipulations de la parenté et aux situations de violence physique et psychique qu’elles entraînent et qui ont pour nom la capture ou la captation des enfants, l’abandon, l’inceste… Une première constatation s’impose en ce qui concerne la pyramide des âges dans les mondes contemporains. On note de ce point de vue une grande disparité nord-sud. Dans les sociétés européennes et nord-américaines, des changements démographiques importants, présents déjà depuis quelque temps, font que l’on s’oriente vers une population de plus en plus âgée, où les enfants se font plus rares et surviennent plus tardivement dans le parcours de vie des familles. Dans ce contexte de vieillissement et de rareté des enfants, on constate pourtant un regain d’intérêt pour l’enfance et les mineurs en général, qui constitue sans doute un réajustement bien compréhensible à l’effet du temps qui passe et de la mort qui s’en vient. Dans ces mêmes sociétés post-industrielles par contre, la valeur économique des enfants a décliné, car ces derniers ne contribuent par leur travail que fort peu à l’économie familiale, ils coûtent au contraire cher à entretenir, même s’ils sont par ailleurs toujours nécessaires à la pérennité des lignées et à la reproduction sociale. Cette lourde charge financière entraîne une certaine ambivalence …

Parties annexes