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Prem Kumar Rajaram et Carl Grundy-Warr (dir.), Borderscapes. Hidden Geographies and Politics at Territory’s Edge. Minneapolis, The University of Minnesota Press, 2008, 330 p., bibliogr., index.[Notice]

  • David Moffette

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  • David Moffette
    Département d’anthropologie
    Université Laval, Québec, Canada

Cet ouvrage collectif et multidisciplinaire rassemble des textes d’abord présentés lors d’un colloque sur la sécurité et la migration, tenu à Chiang Rai, en Thaïlande. Si ces deux thèmes se déploient en trame de fond du recueil, l’unité du livre tient surtout à l’intérêt que chacun des auteurs porte aux crises du politique et du symbolique qui se cristallisent aux frontières des États modernes. Suivant une démarche théorique similaire à celle qui a conduit aux multiples conceptualisations du borderland dans l’anthropologie américaine, les directeurs de ce livre puisent dans la géographie culturelle pour élaborer le concept de borderscape, une extension de celui de landscape. « Cultural geography understands landscapes as repositories of contesting interpretations of the meaning of a piece of land and its appropriate use. Landscapes denote different and contesting technologies of the self (Bunnell 2002). They assert particular moral geographies that denote a hierarchy of land use, and in this way act as an instrument of governmentality, attributing a sense of correct and incorrect behaviour […] » (p. xxv). Dans cet ouvrage scientifique clairement engagé en faveur des droits des migrants et des minorités nationales, le concept de borderscape sert ainsi à souligner le caractère équivoque et conflictuel des frontières et à dénoncer « l’instrumentalisation de la frontière » (p. xxviii) comme marqueur territorial de l’appartenance politique. Relativement intégrés au niveau théorique grâce à l’utilisation de ce concept commun ainsi qu’aux références partagées aux travaux de Jacques Rancière et Michel Foucault, les articles qui composent Borderscapes offrent cependant une surprenante diversité d’analyses et d’objets. L’ouvrage prend ainsi la forme de « variations sur un même thème » dans lesquelles le concept de borderscape se voit décliné et transformé au gré des affiliations disciplinaires et des zones frontières étudiées. On trouve ainsi rassemblés des articles abordant le déplacement des frontières au nom de la souveraineté territoriale. Un déplacement qui peut s’opérer vers l’intérieur des États grâce au déploiement de techniques de contrôle et de surveillance toujours plus importantes, ou encore prendre la forme de l’excision juridique de portions du territoire national afin d’empêcher les revendicateurs de statut de réfugié de déposer légalement une demande de protection. Si ces contrôles, suspensions de l’ordre juridique et violences ont lieu aux frontières, c’est que ces dernières jouent un rôle essentiel dans l’élaboration des imaginaires politiques. C’est ce que défendent d’autres textes qui s’attachent aux représentations morales des frontières et à la construction des migrants et des minorités nationales en menaces. Dans le même ordre d’idées, certains auteurs s’intéressent à la diversité des processus de signification des espaces liminaires ainsi qu’aux conflits qui résultent de l’imposition de la logique territoriale de l’État nation à des populations transfrontalières. De ces conflits aux frontières, Borderscapes souligne donc les multiples formes de violence qui y sévissent, mais aussi les processus de subjectivation particuliers qu’on y observe ainsi que l’émergence de nouvelles formes de politique que les crises aux marges des États nations permettent d’anticiper. Bien que les contributions à cet ouvrage soient inégales, la plupart proposent une analyse équilibrée où se rencontrent réflexions théoriques critiques et descriptions ethnographiques. Cet ancrage empirique sera certainement très apprécié des anthropologues travaillant sur les questions de sécurité, domaine où la littérature est dominée par les sciences politiques. De même, les chercheurs qui se spécialisent dans l’étude des zones frontières ainsi que ceux qui étudient l’utilisation et la signification du territoire dans une perspective d’écologie politique gagneront à lire ce livre. Finalement, les anthropologues qui s’intéressent à l’Asie du sud-est, et plus particulièrement aux montagnards de cette région du monde, trouveront dans un grand nombre d’articles de stimulantes pistes …

Parties annexes