Volume 32, numéro hors-série, 2008 Globalisation des cultures : traces, traverses et voix de jeunes anthropologues Sous la direction de Fabien Pernet et Karoline Truchon
Sommaire (17 articles)
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Mot de la rédactrice
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Présentation : « Il faut étudier l’homme sur son terrain si on ne veut pas avoir à le penser comme un chaos »
Plasticité et actualité de l’expérience ethnographique
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Le charme féminin chez les Peuls Djeneri du Mali : un « objet » de la nature ou de la culture?
Dorothée Guilhem
p. 11–17
RésuméFR :
La notion de charme soulève une confusion de sens, car elle est souvent utilisée dans un sens commun et dans une perspective occidentale. Le charme a été défini comme une qualité naturelle et s’oppose à la séduction, qui est une stratégie du paraître. Cette distinction reprend celles de l’inné et de l’acquis, comme du naturel et du culturel ou socialement construit. Les représentations du charme féminin des Peuls Djeneri du Mali montrent que le charme n’est pas un don naturel ou inné. Il relève des représentations sociales du corps, du symbolisme humoral et des normes esthétiques. Il s’appuie sur un savoir-faire gestuel, sur le code d’expression des émotions et sur l’incorporation de valeurs sociales qui lui donnent un sens. Le charme met donc en relation différents ordres, le biologique, le social et le culturel.
EN :
The concept of charm raises a confusion of direction, because it is often used in a common direction and the Western point of view. The charm was defined like a natural quality and is opposed to the seduction, which is a strategy of appearing. This distinction takes again those of innate and the asset, like naturalness and the cultural one or socially built. The representations of the female charm of Fulani society of Mali show that the charm is not a natural or innate gift. It concerns the social representations of the body, through humoral symbolism and aesthetic standards. It also depends on a gestural know-how, code of expression of the emotions and incorporation of social values, which give him a direction. The charm thus connects various orders, the biological one, the social one and the cultural one.
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Pluralisme médical polarisé : la représentation de la maladie du patient comme canal de communication interdisciplinaire
Mathieu Bujold
p. 18–25
RésuméFR :
La dernière décennie a vu apparaître, en Amérique du Nord, des cliniques de soins de santé intégrés (SSI) visant la coopération entre praticiens de différentes spécialités (alternatives et biomédicales) afin de fournir des soins holistiques centrés sur l’individu. Ce phénomène représente un défi pour l’anthropologue s’intéressant à l’analyse des interactions entre diverses formes de savoirs relatifs à la santé. Outre son volet ethnographique, l’objectif de cette étude était d’identifier et d’analyser les facteurs favorisant ou entravant l’articulation, voire la négociation, entre différents points de vue relatifs à un épisode de maladie. Un terrain dans une coopérative de SSI québécoise, a permis, entre autres, de suivre l’expérience thérapeutique de quinze individus. Le cadre conceptuel de cette étude, avec son utilisation novatrice du concept des modèles explicatifs individuels de la maladie (MEM), a permis d’analyser l’interaction entre les perceptions des acteurs impliqués dans les processus de soins (patient et thérapeutes). L’hypothèse suivante tend à émerger de l’analyse préliminaire des résultats : la représentation de la maladie du patient peut être un canal de communication favorisant l’articulation interdisciplinaire, entre autres en atténuant certaines barrières d’épistémologie et de langage. Tenir compte de la perspective du patient serait plus qu’une simple concordance avec un postulat de base des soins de santé intégrés ; cela faciliterait le passage de la multidisciplinarité à l’interdisciplinarité, processus fondamental pour le développement de ce nouveau paradigme de soins.
EN :
In the past decade, North America has witnessed the emergence of integrative healthcare (IHC) clinics, in which practitioners of different clinical backgrounds (alternative and biomedical) offer holistic person-centered care in a spirit of cooperation. This phenomenon is a challenge for anthropologists interested in the analysis of the interaction between diverse forms of health-related knowledge. The objective of this study, in addition to its ethnographic dimensions, was to identify and analyse the factors that either foster or impede the articulation and negotiation of different points of views related to an illness episode. During a field study in a Quebec IHC cooperative, the therapeutic experiences of fifteen participants were examined. The conceptual framework, with its innovative use of the concept of explanatory models of illness, made it possible to analyse the interaction between the perceptions of the actors involved in the health care process (patient and practitioners). The following hypotheses emerge from the preliminary data analysis : the patient’s representation could be a communication channel that attenuates the constraints of epistemological and language barriers. Beyond the fact that it’s in keeping with a central postulate of IHC, recognizing the importance of the patient’s point of view also appears to facilitate the transition from multidisciplinary to interdisciplinary team work, a fundamental process for development of this new care paradigm.
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Posséder le dena’ina : luttes autour de l’appropriation d’une langue autochtone en Alaska
Lindsay Bell
p. 26–34
RésuméFR :
Dans ce texte, je me baserai sur le cas du dena’ina, une langue autochtone de l’Alaska, pour montrer que le discours sur les « langues en danger » s’appuie sur une définition de la langue, de l’identité et du territoire qui se présente comme naturelle et essentielle, mais qui est en réalité un terrain de luttes discursives traversées par des rapports de pouvoir. La construction de l’identité ethnolinguistique repose en effet sur des processus de définition et de légitimation du dena’ina qui induisent des phénomènes d’inclusion/exclusion pour les Dena’ina. D’autre part, différents acteurs sont impliqués dans des luttes pour le pouvoir de définir la langue dena’ina et, donc, les pratiques linguistiques et sociales qui comptent comme étant légitimement du dena’ina. Ceci m’amène à interroger par ailleurs la façon dont le chercheur, à travers son discours et son intervention sur le terrain, est également impliqué dans ces luttes discursives et dès lors dans la production et la reproduction d’idéologies et de rapports de pouvoir.
EN :
This article examines how language, identity and territory are defined and connected in discourses of « language endangerment ». Drawing on fieldwork with learners of Dena’ina Athabascan, an Alaska Native Language, I propose that language, identity and territory are terrains for complex discursive struggles which may reveal how social relations are constructed and contested. I focus on the various actors, past and present, who have defined what counts as Dena’ina, and by extension which linguistic and social practices are deemed « legitimate » Dena’ina. I consider the ways in which the researcher, through their contributing discourses and engagements in the field, are equally implicated in discursive struggles and therefore in the (re)production of ideologies and relations of power.
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Frontières du « proche » et du « lointain » : pour une anthropologie de l’expérience partagée et du mouvement
Catherine Therrien
p. 35–41
RésuméFR :
Les nouveaux paramètres de l’anthropologie contemporaine tendent à rendre la frontière entre les notions de « proche » et de « lointain » de plus en plus floues. Basé sur un terrain de recherche mené auprès de couples mixtes au Maroc, ce texte propose une réflexion sur la mouvance de cette frontière et plus précisément sur trois aspects liés à la particularité de ma recherche doctorale : mon statut de chercheure-immigrante qui brouille les frontières classiques de l’anthropologie en faisant de mon terrain, mené en terre exotique, un second chez moi ; mon choix méthodologique, celui de placer l’expérience partagée au coeur de ma recherche, puisqu’il amène un questionnement sur ma posture de chercheure ; et finalement la production d’une connaissance scientifique sur un sujet dans lequel on est personnellement engagé. Cette proximité avec mon sujet de recherche soulève une réflexion sur les notions d’engagement et de distanciation, mais également sur la part de biographie présente dans l’élaboration d’une théorie.
EN :
New parameters of contemporary anthropology tend to make distinctions between the notions of « near » and « far » increasingly hazy. Based on field research involving mixed couples in Morocco, this text is a reflection on the movements of this frontier. It specifically examines three particular aspects of my Ph.D. research : my immigrant-researcher status which, by making the exotic land of my field research a second home, blurs the classical boundaries of anthropology ; the methodological choice of doing anthropology so close to my own experience, since this choice raises questions about my researcher status and forces me to look at the notion of shared experience ; and, finally, the production of scientific knowledge on a topic involving me personally. Such proximity with my research subject has inspired reflection on the notions of commitment and detachment, as well as on the role of the researcher’s biography in the development of theory.
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Les furita et la définition du travail temporaire au Japon
Vincent Mirza
p. 42–47
RésuméFR :
Depuis le début des années 1990, le Japon est entré dans une période de difficultés économiques qui perdure. Une conséquence majeure de cette crise concerne l’affaiblissement de la transition entre le système d’éducation et le monde du travail qui s’est traduit par l’augmentation des employés à temps partiel et temporaire. Paradoxalement, la flexibilisation de la main-d’oeuvre s’est accompagnée d’un discours conservateur dénonçant le manque d’éthique du travail chez les jeunes adultes. À travers la formation d’une catégorie, les furita, nous verrons comment la signification du travail est mise en jeu.
EN :
Since the early 90s’, Japan is going through a time of major economical difficulties. One of the consequences of the crisis is the weakening of the ties between big companies and universities that translated into an increase of temp workforce. Paradoxically, even if many worry about the increasing unemployment and insecurity, there is also narratives in the public space that are accusing the new generation for being irresponsible, selfish and to lack ambition. Through the creation of a category, the freeters, we will examine how the meaning of work comes into play.
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De l’appropriation anthropologique de l’interculturalité : la théorie des mythes modèles appliquée aux cas des expatriés occidentaux en Inde
Nadia Giguère
p. 48–54
RésuméFR :
Lorsqu’il s’agit de parler de rencontres des cultures, le terme « interculturel » semble approprié. Pourtant, si de nombreux travaux traitent de ce concept, l’absence des anthropologues y est notable. Paradoxalement, l’interculturalité est au coeur de la discipline ; omniprésente, mais exprimée en d’autres termes. La théorie des mythes modèles de Gananath Obeyesekere est ici appliquée aux cas des expatriés occidentaux en Inde, afin de mettre à contribution les travaux des anthropologues et d’enrichir la réflexion sur l’interculturalité. À travers l’étude de l’appropriation et de la transformation des mythes du renonçant, du bienfaiteur et du hippie, la théorie des mythes modèles permet de s’approprier l’interculturalité comme objet d’étude tout en préservant la richesse de l’analyse anthropologique. La rencontre culturelle est ainsi théorisée de façon à permettre de s’éloigner des théories par étapes courantes, d’étudier l’interculturel dans son contexte et dans toute sa complexité, en tenant compte de ce qui entoure et précède imaginairement et historiquement la rencontre.
EN :
When discussing cultural encounters, the term “intercultural” is more than relevant. Yet, despite the abundance of literature related to intercultural experiences, anthropology has been peculiarly silent on interculturality as a concept. Paradoxically, (inter)cultural encounters are at the core of anthropological thought. They are omnipresent, but expressed in other terms. In this article, I apply Gananath Obeyesekere’s myth-model theory to the cases of Western expatriates in India, thus using anthropological tools in order to add another dimension to theories of cultural encounters. By studying the various ways Western expatriates transform and reappropriate the myths of the renunciant, the philanthropist and the hippy, myth-model theory allows me to hold cultural encounters as an object of anthropological scrutiny while preserving the thickness of the field. This approach goes beyond step-by-step simplistic theories, since it highlights the contexts and complexities of cultural encounters by taking into account what precedes and surrounds them – both in an imaginary and historical axis.
Au plus près. Silences, fractures, liens
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Le silence du figurant de sa propre histoire : autour du tournage du film français « Opération turquoise » au Rwanda
Annie Laliberté
p. 55–63
RésuméFR :
Une abondante cinématographie est née des cendres du génocide rwandais de 1994. En juin 2007, le cinéaste français Alain Tasma et son équipe ont parcouru le Rwanda dans le but de tourner un film sur l’Opération Turquoise, une action militaire organisée par la France vers la fin du génocide rwandais. L’équipe s’est arrêtée dans la ville de Butare, province très touché par les massacres : elle y a recruté des figurants parmi les Rwandais présents au moment du drame de 1994 et a procédé à une reconstitution du drame tandis que les habitants vaquaient à leurs occupations quotidiennes. Le tout treize ans après le drame. Une réflexion peut s’engager sur la perception de ces tournages chez les Rwandais. Nous avons choisi de mettre l’accent sur les intellectuels de Butare : dans le cadre de discussions avec les élèves et les enseignants et la présence sur les lieux du tournage de l’Opération Turquoise, nous avons constaté que ce tournage suscitait des attentes au sujet du déséquilibre dans les représentations, en particulier pour des raisons politiques. Ce point de vue des élites est aussi révélateur d’un rapport trouble avec la transparence, l’expression et la relation avec la paysannerie.
EN :
An abundant cinematography was born from ashes of the Rwandan genocide of 1994. In June 2007, the French filmaker Alain Tasma walked a team in Rwanda in order to make a film on the Turquoise Operation, a military action organized by France at the end of the Rwandan genocide. The team stopped in Butare, province very touched by the massacres : it recruited extras there among the Rwandan present at the time of the drama of 1994 ; it carried out a reconstitution of the drama whereas the inhabitants were occupied with their daily occupations. The whole, 13 years after the drama. A reflection can be raised about the perceptions of these filmakings within the Rwandans. We chose to focus on intellectuals from Butare : through discussions with students and teachers and presence at the scene of the shooting of Operation Turquoise, we found that the eyes of foreigners raise expectations about the imbalance in the performances, particularly for political reasons. This view of the elites on the shooting is also indicative of a report trouble with transparency, the expression and relationship with the peasantry.
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Ethnographier les silences de la violence
Karine Vanthuyne
p. 64–71
RésuméFR :
Est fréquemment souligné, en ce qui concerne les mémoires d’atrocités, à quel point celles-ci sont en partie sinon pas totalement indicibles. Or, bien que de nombreux survivants témoignent de l’absence de mots pouvant traduire l’ampleur de l’horreur vécue, l’indicible est dit. Ces récits comportent certes des silences. Néanmoins, si on leur prête l’oreille, aurais-je appris en analysant ceux de survivants du conflit armé guatémaltèque, on peut parfois en apprendre davantage que des récits eux-mêmes. A partir de l’examen du silence de Mateo, seul témoin oculaire du massacre de la finca San Francisco, Nentón, Huehuetenango, je cherche à démontrer l’importance de s’intéresser aux non-dits si l’on veut véritablement se saisir de ce que « survivre » signifie dans le Guatemala d’aujourd’hui.
EN :
It is often noted, in terms of people’s memories of atrocities, that these are partially if not totally impossible to put into words. However, even though numerous survivors bear witness to the absence of words able to translate the magnitude of the horrors they have been through, words are used nonetheless. These life stories of course contain silences. If we listen to them, as I learned to do in analyzing the life stories of survivors of the Guatemalan armed conflict, we can sometimes learn more from them than from the stories themselves. Beginning with an examination of Mateo’s silence (who is the sole eye witness of the massacre finca San Fransisco, Nentón, Huehuetenango), I seek to show the importance of an attention to the unsaid if we want to really understand what it means to “survive” in contemporary Guatemala.
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Esquisse d’une anthropologie impliquée auprès des victimes de la « disparition forcée »
Alice Verstaeten
p. 72–78
RésuméFR :
La « disparition forcée » en Argentine questionne la capacité, pour l’anthropologie, d’aborder la violence et ce qu’elle a d’indicible. Il s’agit donc, comme tout préalable à l’immersion dans un terrain « miné », de questionner la tension qui nous habite. Faite d’oscillation entre empathie, engagement et distanciation, notre position ethnographique interroge notre rapport de sens à la société qui nous entoure et qui nous fait, alors même que nous en avons expérimenté la capacité d’autodestruction. Il s’agira d’éclairer ici ce que je comprends comme la double implication possible des chercheurs : réélaboration du sens, reconstruction des liens. Car face à la « mort sociale », l’anthropologue peut participer d’une dynamique sociale de reconnaissance (comme recomposition du lien social et politique depuis une relation de réciprocité). Participer de cette dynamique, c’est aussi en questionner les enjeux éthiques et politiques. Face au déni, à la dépersonnalisation de l’autre, à son effacement, s’engager sur la voie du personnel, de l’intime, c’est rappeler que ces crimes contre l’humanité ont d’abord touché des intimités. Cette démarche anthropologique, impliquée aux côtés des victimes de la « disparition », élaborée avec elles, est vécue comme une co-naissance du sens, comme un parcours menant de l’intimité blessée à l’histoire et la mémoire collectives (D. Fassin, F. Laplantine, C. Coquio). Il s’agit, somme toute, de transmettre l’intime pour penser la terreur.
EN :
The « forced disappearance » in Argentina questions the capacity of anthropology to approach violence and its unspeakable elements. Before entering such a minefield it is necessary to examine our own internal feelings. Our ethnographical position is made up of changeable feelings of empathy, involvement and detachment and questions the relationship of sense in the society which surrounds and forms us, while at the same time experimenting with that same society’s capacity for self-destruction. In this article I intend to examine what I consider to be the possible doble involvement of the researchers: the reconstruction of sense and the rebuilding of relationships. Confronted by ‘social death’ the anthropologist may participate in a social dynamic of recognition (as a reconstruction of a social and political link resulting from a reciprocal relationship). Taking part in this dynamic means that its ethical and political implications are also called into question. Faced with denial, with the depersonalization and elimination of the other, we need to follow the way of individualization, of intimity. It indeedy reminds us that crimes against humanity were first perpetrated against that which is most intimate. This anthropological approach, involved by the side of victims of “disappearance”, and developed in conjunction with them, is experienced as a rebirth of sense, as a journey which leads us from wounded intimacy towards history and collective memory (D. Fassin, F. Laplantine, C. Coquio). In short, I’m trying to transmit the intimate to make possible thinking terror.
Anthropologies indigènes
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Action politique zapatiste et contexte régional : le cas de Puebla, Mexique
Eduardo González Castillo
p. 79–84
RésuméFR :
Cet article porte sur la diffusion du mouvement zapatiste dans la région centrale de l’État de Puebla, au Mexique. L’objectif du document est de mettre en valeur les processus locaux qui ont rendu possible la diffusion nationale de « La otra », campagne politique initiée par l’Armée Zapatiste pour la Libération Nationale (EZLN) au Mexique en 2005. L’analyse s’appuie sur un survol de l’histoire récente de cet État mexicain à partir d’une approche qui relève de l’économie politique. Ainsi, nous étudierons l’évolution économique de cette région du Mexique ainsi que les implications politiques de ces changements. Ainsi que le suggère le titre de l’article, une attention spéciale sera portée à l’évolution des mouvements sociaux contestataires dans l’État. De cette façon, nous ferons allusion aux moments de rayonnement et de recul des organisations politiques de la ville.
EN :
This article concerns the diffusion of the Zapatista political movement in Puebla, Mexican state located at the center of the Republic. The goal of the paper is to show how some local processes have made possible de national diffusion of « La otra campaña », political campaign initiated in 2005 by the Zapatista Army of National Liberation (EZLN) in Mexico. The analysis leans on a revision of the recent history of that Mexican state from a political economy approach. The economical evolution of this Mexican region is studied in a general way, as well as the political implications of those economical changes. As suggested by the title of the paper, particular attention is given to the evolution of dissenting social movements in the state. In order to do it, the “best” and the worst moments of the local political organizations are called up too.
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Mobilisations transnationales des communautés homosexuelles en Afrique : une affaire à suivre
Charles Guéboguo
p. 85–93
RésuméFR :
Une observation contemporaine de la société civile africaine laisse entrevoir une dynamique significative où, de plus en plus, les communautés lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et intersexuelles (LGBTI) posent des formes revendicatives d’occupation légitime des espaces sociaux en dépit des rigidités sociales qui se veulent anti-homosexuelles. C’est ce qui explique que, alors qu’elle était naguère cachée, la sexualité en général, et l’homosexualité en Afrique sous la forme de mobilisations communautaires en particulier, tutoient désormais les sphères publiques. Ce mouvement socio-sexuel d’un genre nouveau dégage des significations socio-anthropologiques qu’il convient de suivre. Ce travail est une première esquisse analytique qui expose les logiques des relations entre les mobilisations collectives naissantes et les diverses forces internes qui condamnent l’homosexualité, ceci dans le but de faire ressortir les logiques qui contribuent à l’évolution de la condition et des formes de mobilisation pour une plus grande « visibilisation » de l’homosexualité en Afrique ; avec ce paradoxe qu’il faut préciser, à savoir que l’hostilité du contexte social, parfois considérable, contribue à alimenter et à consolider les mobilisations naissantes.
EN :
Across the African continent there is an increasingly visible and audible LGBTI community, claiming social space and demanding legitimacy, in a context which is demonstrably repressive of homosexuality; homosexuality in Africa is no longer willing to stay hidden. In this new socio-sexual movement one can find socio-anthropologic meanings. The work presented is an analytical first draft exposing relations between the nascent collectives’ transnational mobilizations and contextual forces which prohibit homosexuality. The objective is to expose the framework in which the process of “visibilisation” of homosexuality takes place through new forms of community mobilization. One of our hypothesis is that the hostility of the social environment may contribute positively to feed and to strengthen those nascent mobilizations.
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Le pouvoir tutélaire et la lutte pour la souveraineté des peuples autochtones du Brésil
Livia Vitenti
p. 94–100
RésuméFR :
La souveraineté autochtone existe-t-elle? Dans cet article, j’aborde cette question à travers une lecture critique des ouvrages de quelques chercheurs d’Amérique Latine, qui examinent les droits spécifiques des peuples autochtones, leurs conditions et leurs déterminants. À partir de ces lectures, je propose d’une part une réflexion sur le droit étatique occidental, caractérisé par le monisme juridique, d’abord défendu par Hans Kelsen. D’autre part, je discute des possibilités de la création d’un État multiculturel et de l’imposition d’un pluralisme juridique. Je développe mon argument en affirmant que toutes les sociétés ont des formes spécifiques de droit, mais que cela implique plutôt une affirmation sur le plan de l’identité sociale et culturelle. Pour finaliser mon argument, je me base sur l’ouvrage d’Antônio Carlos de Souza Lima pour discuter des effets du pourvoir tutélaire sur les peuples autochtones du Brésil.
EN :
This article proposes a discussion about the aboriginal sovereignty. Thus, we will mention some Latin-American investigators, whose works study the rights of aboriginal people, their circumstances, and determinants. From these papers, we will propose to reflect about the occidental state law, characterized by the juridical monism, which was first mentioned by Hans Kelsen. We will discuss the analysis of the state law, and the possibilities of both the creation of a multicultural estate and the imposition of a juridical pluralism. We will develop our arguments by saying that any society has a particular form of law, which implies, in the social and cultural aspect, an affirmation. Finally, we will study the work of Antonio Carlos Souza Lima to discuss the effects of the tutelage of the aboriginal people of Brazil.
Concevoir les continuités
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Pour une autre démarche anthropologique : étude de cas du Rif du Maroc
Khalid Mouna
p. 101–106
RésuméFR :
Nous souhaitons présenter dans cet article une réflexion anthropologique sur le Rif du Maroc. En effet, l’anthropologie maghrébine en général, et marocaine en particulier, est restée fortement marquée par les grands courants anthropologiques malgré des évolutions sociologiques récentes. Partant de la présentation des travaux de Hart et Jamous, cet article cherche à interroger cet héritage, toujours perceptible dans les études consacrées à la société maghrébine. À partir d’une lecture de notre matériel de terrain relatif à la société Ketama du Rif central, dont la principale activité économique réside dans la culture du cannabis et de ses dérivés, nous proposons ici une analyse de la société rifaine à partir de la démarche khaldounienne afin de nous atteler à une autre approche de l’anthropologie du Rif et du Maghreb.
EN :
This article presents a anthropological analysis on the Rif of Morocco. Maghrebian and Moroccan anthropologies have remained deeply marked by the main anthropological schools of thought in spite of the recent sociological changes. This article investigates the heritage of Hart and Jamous’s works in the actual research on the maghrebian society. Our empirical study leans on the Ketama tribe, which main economical activity consists in the culture of kif and its derivatives. We offer an analysis of the society of Rif based on the perspective of Ibn Khaldoun in order to develop an alternative approach of the anthropology of Rif and Maghreb.
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L’inaltérable mémoire des exemples : à propos de la confiance sociale en régime de transition
Laurent Legrain
p. 107–116
RésuméFR :
À travers quelle sorte de panoptique une communauté sociale regarde-t-elle la société dans laquelle elle vit et comment donne-t-elle à l’image de cette société l’apparence d’une totalité bienveillante? Ce texte pose l’hypothèse de la perpétuation, dans la Mongolie postsocialiste, d’un dispositif de mise en confiance façonné dans la dernière phase de l’édification du socialisme en Mongolie (vers la fin des années 1950). Ce dispositif ancre un type particulier de mémoire sociale – la mémoire sociale des exemples – dans un sentiment nostalgique commun mais très prégnant en Mongolie : l’absence des êtres chers. J’avance que cet ancrage permet de comprendre la pérennité de ce dispositif dans une société mongole postsocialiste surtout caractérisée par une situation de précarité de la confiance sociale.
EN :
Through which kind of panopticon a social community looks the society in which it lives? How this community gives to the image of this society the appearance of a benevolent totality? This text make the assumption of the perpetuation, in postsocialist Mongolia, of a technology of trust implemanted during the last phase of the construction of socialism in Mongolia (from the end of the Fifties). This technology roots a particular type of social memory – « the social memory of exemplars » (Kaplonski 2004 : 182) - in a common but very well distributed nostalgic feeling : the absence of the beloved beings. I argue that this emotional fundation makes it possible to better understand the perenniality of this kind of technology in a Mongolian postsocialist society characterized by a situation of precariousness of social trust.
Quatre voix pour une anthropologie
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L’anthropologie et ses lieux : altérité, genre, relativisme culturel et dé-colonisation
Eduardo González Castillo, Anne Lavanchy, Zakaria Rhani et Karoline Truchon
p. 117–126
RésuméFR :
Cet article résulte d’une rencontre entre quatre « jeunes » anthropologues originaires de différentes parties du monde pour échanger au sujet de la condition actuelle -et du futur souhaitable- des anthropologies du monde. Malgré la pluralité de nos avis, une certaine convergence fondamentale émerge : celle d’une critique contre, et d’un refus des inerties qui de temps en temps s’acharnent sur le travail anthropologique un peu avec le consentement des anthropologues, sous la forme d’un élitisme désengagé, d’une confortable réification du sujet d’étude et de l’oubli des conditions historiques et socioéconomiques qui sont à la base de l’expansion mondiale et de la reproduction de la discipline. Nous soulignons donc l’urgence de prendre la mesure des préoccupations quotidiennes de nos interlocuteurs et interlocutrices, de revendiquer des espaces et une légitimité dans des champs politiques de recherche étatiques comme dans la sphère médiatique.
EN :
This article stems from a dialogue between four “young” anthropologists from different parts of the world on the actual and future stake of what we refer as “anthropologies of the world”. Despite the diversity of our critics, a fundamental convergence occurs in the refusal of a disengaged elitism, of a comfortable reification of our objects of studies as well as of the erasure of the historical and socioeconomic conditions on which the global expansion and reproduction of our discipline is based As such, we underline the urgency to account for our research interlocutors’ daily preoccupations and to revendicate spaces and legitimacy to intervene within political as well as media spheres.