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Serge Bouchard, Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur innu. Préface de Gérard Bouchard. Montréal, Boréal, 2004, 192 p., photogr.[Notice]

  • Véronique Audet

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  • Véronique Audet
    CIÉRA et Critical World
    Département d’anthropologie
    Université de Montréal
    C.P. 6128, succ. Centre-Ville
    Montréal (Québec) H3C 3J7
    Canada

Les Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur innu sont la réédition des Chroniques de chasse d’un Montagnais de Mingan, Mathieu Mestokosho, parues en 1977 dans la collection Civilisation du Québec, série Cultures amérindiennes du ministère des Affaires culturelles du Québec. Les paroles que nous livre ce grand chasseur innu d’Ekuanitshit (Mingan) ont été enregistrées par l’anthropologue Serge Bouchard en 1971 et en 1976. En 1971, il était alors étudiant à la maîtrise en anthropologie (Bouchard 1973) et réalisait son terrain de recherche à Mingan, hébergé par Mathieu Mestokosho et sa famille. C’est en entendant Mathieu, alors octogénaire, se raconter quotidiennement à lui-même (et à qui y prêtait oreille) le récit de sa vie et ses réflexions sur l’art d’être innu en son temps, qu’il eut l’heureuse initiative d’enregistrer ces récits pour la postérité. Nous devons à son fils Georges Mestokosho, « frère vrai » de Serge Bouchard à qui il dédicace cette réédition, ainsi qu’à sa fille Desneiges, l’appui de cette initiative et la traduction des paroles de la langue innue, innu-aimun, à la langue française. La nouvelle édition chez Boréal donne un second souffle, près de trente ans plus tard, à la première qui s’était rapidement épuisée. L’avant-propos de Serge Bouchard, qui reprend partiellement son ancienne Présentation, est grandement modifié et augmenté. Il semble s’adresser à un lectorat plus littéraire et un public plus large, présentant à grands traits le contexte de sa rencontre et de son vécu avec Mathieu Mestokosho et sa famille, l’univers de l’oralité, les Innus du Grand Labrador et le monde des anciens innus, dans un style poétique inspirant et évocateur mais aussi avec justesse anthropologique. Cependant, quelques détails de méthode ne réapparaissent malheureusement pas dans la nouvelle édition, notamment concernant le contexte des enregistrements et surtout, le travail d’édition qu’il a effectué (traduction presque littérale, peu d’adaptation littéraire, remaniement des séquences chronologiques et absence volontaire de commentaires ethnographiques) (1977 : 7-10). Gérard Bouchard, qui signe la nouvelle préface, raconte s’être inspiré des récits de Mathieu Mestokosho en écrivant son roman Mistouk, grâce aux vives émotions qu’ils suscitent (p. 11-12). Tandis que Serge Bouchard présente un grand homme contextualisé dans sa vie quotidienne et l’univers de son peuple, Gérard Bouchard expose un romanticisme littéraire, celui de l’exotisme et de la quête de mondes anciens voués à la disparition ou déjà disparus, dont ce livre constitue une oeuvre de résurrection. Ce dernier y exprime sa reconnaissance envers M. Mestokosho et S. Bouchard pour avoir donné à connaître, à comprendre et à sentir l’univers innu généralement peu ou mal connu de leurs voisins descendants des colons européens. Le texte des récits de la première édition paraît intégralement et selon les mêmes divisions, mis à part certains mots qui sont systématiquement changés ainsi que quelques modifications de style et de l’orthographe des noms en innu-aimun. Comme dans la première édition, on trouve une carte des territoires parcourus par Mestokosho et une section de photographies variant cependant d’une édition à l’autre. Datées des années 1950 pour la plupart, elles présentent des Innus vaquant à leurs activités. Elles permettent de voir certaines des personnes présentes dans les récits, notamment Mathieu Mestokosho et sa famille. Mathieu Mestokosho était un Innu de la bande de Mingan, né vers 1887 dans l’arrière-pays de Baie-Joan-Beetz. Il fut orphelin de père à huit ans et de mère peu après, puis pris en charge par un Innu de Mingan. Avec son père adoptif puis avec sa première femme, il partait l’automne dans la région de Uauiekamau (lac Saumur), revenait pour le temps des Fêtes à Mingan puis repartait quelquefois pour Upatauakau (à l’est du …

Parties annexes