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Chants et contrechamps de l’ethnomusicologie (Essai bibliographique)[Notice]

  • Yara El-Ghadban

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  • Yara El-Ghadban
    Département d’anthropologie
    Université de Montréal
    C.P. 6128, succursale Centre-Ville
    Montréal (Québec) H3C 3J7
    Canada

Un beau jour, une anthropologue errait entre les rayons d’une bibliothèque universitaire pour feuilleter les dernières parutions. Un titre évocateur imprimé sur un volume pesant attira son attention. Curieuse, elle tourna la première page et fut aussitôt accueillie par une gifle : « Si la musique est présente dans toutes les cultures, les connaissances acquises et transmises par les ethnomusicologues sont souvent ignorées ou minimisées par les anthropologues » (Lortat-Jacob et Olsen 2004 : 7). La portée accusatrice de cette constatation capte bien l’esprit de Musique et anthropologie, un récent numéro de la revue L’Homme, entièrement consacré à la musique (nos 171-172). Dans leur introduction à ce collectif, Bernard Lortat-Jacob et Miriam R. Olsen tentent de situer les articles en renvoyant le lecteur au projet intial de l’ethnomusicologie : « Il n’est pas “politiquement incorrect” » affirment-ils, « d’approfondir des “esthétiques perdues” », les musiques « de traditions historiquement plus enracinées méritent qu’on s’intéresse à elles en priorité, précisément du fait de leur enracinement ». Et ils concluent : « Nous avons justement un devoir de mémoire. Archiver et penser les musiques en apprenant à les comprendre dans leur système de production : tels sont donc nos devoirs et nos priorités » (ibid. : 23). La défense d’une approche qui rappelle la responsabilité de l’ethnomusicologue vis-à-vis des « esthétiques perdues » et la position centrale que celles-ci occupent dans l’imaginaire ethnomusicologique, suscite de nombreuses questions qui touchent à l’autorité du discours ethnomusicologique et à la vocation éthique et pluridisciplaire qu’il tente de promouvoir. En partant du numéro de L’Homme et d’autres ouvrages sur la musique, je tenterai de relever ces enjeux tels qu’ils ont été traités et problématisés dans la littérature musicale des deux dernières décennies. Si l’ouvrage espérait mettre en lumière une tache aveugle dans le champ anthropologique, il a sans doute atteint son objectif. Il donne la parole aux principaux représentants des différents champs d’intérêt et approches méthodologiques en ethnomusicologie, qu’on peut – avec le risque d’être trop réducteur – partager entre les perspectives anglo-américaine et européenne (avec une forte représentation française). En fait, Gilbert Rouget, l’une des figures fondatrices de l’ethnomusicologie en France (Rouget 1980), inaugure l’ouvrage ; la deuxième partie s’ouvre avec un article de l’ethnomusicologue étatsunien Bruno Nettl, dont l’oeuvre imposante touche tant aux terrains « classiques » de l’ethnomusicologie, notamment les musiques de tradition orale, qu’aux terrains jugés auparavant hors discipline, comme la musique occidentale classique (Nettl 1995). Par-delà le clivage Amérique-Europe représenté par Rouget et Nettl, l’ouvrage offre aux anthropologues et chercheurs de tous les domaines des sciences humaines une revue des plus complètes et actuelles de la littérature ethnomusicologique dans l’espoir de résoudre, en partie au moins, les malentendus entre musique et anthropologie. Ainsi, Steven Feld se penche sur les dynamiques de pouvoir politico-économique inscrites dans le phénomène de la worldmusic. L’approche cognitive est présente sous la plume de Gerhard Kubik qui tente de démontrer la manière dont les musiciens de cour de l’ancien royaume du Buganda exploitaient des phénomènes cognitifs de perception auditive dans leurs techniques de jeu et de composition musicale. Par ailleurs, l’équilibre entre analyse et ethnographie est bien dosé. Ainsi, Jean Lambert partage avec le lecteur des réflexions à la fois fluides et bien ancrées sur les temps imbriqués du social et du musical durant les séances de prise de qat à Sanaa. Notons également les textes de Stephen Blum, Bernard Lortat-Jacob et Christian Béthune sur la performance et le geste musical ; et les contributions de Nathalie Fernando et Mireille Helffer sur les méthodes de terrain, pour n’en nommer …

Parties annexes