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Nombre de dictionnaires paraissent chaque année en toutes langues. Qu’ils soient nommés lexique, vocabulaire ou dictionnaire, il s’agit de dictionnaires thématiques qui ont la fonction d’un glossaire. Ici, nous allons nous intéresser à trois de ces ouvrages parus chez des éditeurs qui n’ont pas l’habitude de publier des dictionnaires : le Lexique de sociologie (2005), chez Dalloz ; le Dictionnaire des sciences du langage (2004) de Franck Neveu, chez Armand Colin et enfin le Dictionary of Race, Ethnicity and Culture (2004), chez Sage Publications.
Mis à part le dictionnaire publié chez Sage qui est la traduction d’une édition italienne de 1993 (deuxième édition en italien en 2004), les deux autres dictionnaires en sont à leur première publication. Le dictionnaire de Sage (dorénavant DREC) s’inscrit dans la tradition dictionnairique de Sage, alors que ceux d’Armand Colin (DSDL) et de Dalloz (LS) sont des projets plus isolés. Le LS semble faire bonne figure aux côtés du Lexique juridique qui paraît chez le même éditeur depuis 35 ans et qui a fait l’objet de 15 rééditions. Il adopte en effet la même organisation de l’information, à savoir la mise en caractère rouge à même le corps des définitions des concepts qui possèdent une entrée ailleurs, l’indication de renvoi analogique par une flèche rouge. Une nomenclature de quelques centaines de termes est complétée par un index des auteurs. Certains des concepts sont définis selon l’usage qu’en font des sociologues précis. C’est le cas de groupe social (selon l’acception de George Gurvitch) ou groupes primaires (selon l’acception de Charles Horton Cooley). D’autres concepts sont le fait d’un sociologue et ne sont pas des syntagmes libres comme les précédents, par exemple l’habitus de Pierre Bourdieu. Bourdieu apparaît d’ailleurs, avec trois penseurs reconnus comme les pères de la sociologie moderne : Karl Marx, Max Weber et Emile Durkheim, comme l’auteur le plus cité, devançant de loin Claude Lévi-Strauss, Jean-Claude Passeron et Alain Touraine dont les travaux sociologiques sont pourtant très connus. On l’aura compris, ce petit lexique qui compile 800 définitions n’a pas vocation d’encyclopédie puisque même des sociologues réputés dans la francophonie comme Claude Javeau et Fernand Dumont ne sont pas cités une seule fois.
D’autres termes comme « Définition de la situation » sont définis en tenant compte de l’usage de plusieurs sociologues. Quant à « Démocratisation de l’enseignement », on y présente plutôt les différents points de vue sur cette situation. Malheureusement, on ne fait pas référence précisément aux ouvrages des auteurs qui sont cités. Seul les ouvrages principaux des auteurs faisant l’objet d’une entrée sont cités à la fin de l’article et apparaissent en gras parmi la liste des auteurs cités à la fin de l’ouvrage. Comme dans son homologue le Lexique juridique, on remarquera que le LS fait surtout référence à une situation sociale et historique française, à ses institutions et à ses sociologues – il est d’ailleurs dommage que les dictionnaires thématiques français ne s’ouvrent pas d’avantage au reste de la francophonie. Cela dit, comme ses qualités sont la maniabilité et son esprit synthétique, il se destine sans doute au même public que le Lexique juridique, c’est-à-dire aux étudiants au début de leurs études supérieures.
Le DREC est de facture tout à fait différente. Les articles sont plus développés, ce qui justifie par conséquent qu’ils soient tous signés. Ils sont complétés d’une bibliographie essentiellement anglo-saxonne, mais l’éclectisme des sujets traités va de pair avec l’hétérogénéité de provenance des auteurs cités. On s’étonnera par exemple de ne pas y voir figurer Bourdieu bien qu’il ne s’agisse pas précisément d’un dictionnaire de sociologie. L’index onomastique ne témoigne pas d’un déséquilibre particulier. Outre les classiques Weber, Marx et Durkheim apparaissent Robert Ezra Park et Gobineau en tête de ligne des auteurs cités. Quarante-cinq collaborateurs, essentiellement italiens et anglo-saxons (ce qui s’explique par la nature de ce projet éditorial), ont participé à la rédaction de cet ouvrage.
Le lecteur y trouve aussi des informations étymologiques et une explication métalinguistique du terme, ce qui contraste avec le LS dont les explications sont nettement conceptuelles. Le DREC est l’exemple typique de dictionnaire thématique destiné à des professionnels mettant en relation les champs de savoir de la culture, de l’ethnicité et de la race alors qu’ils sont souvent séparés. Cet ouvrage cherche également à s’inscrire dans le débat sur les problèmes raciaux, ethniques et culturels. Ce débat tient également compte de « l’affaire du foulard » qui a fait couler beaucoup d’encre en France. Le dictionnaire s’abreuve à la psychanalyse et à la psychologie en ce qu’elles permettent d’éclairer le champ sémantique du racisme et de l’émigration.
À la fin de l’ouvrage, sont présentées différentes annexes qui permettent de faciliter la consultation : la liste des contributeurs et leur affiliation, l’index des sujets, l’index des noms propres cités.
Le troisième dictionnaire, le DSL, est présenté comme un dictionnaire terminologique qui vise à refléter un état de la discipline des sciences du langage, observable à partir des pratiques terminographiques effectives des linguistes. Dans son avant-propos, Franck Neveu déclare qu’il cherche à circonscrire un champ de connaissances à partir d’options méthodologiques précises. Il le fait avec une nomenclature d’environ 1000 entrées pour lesquelles on pallie les nuances sémantiques qui s’installent avec le temps grâce à des précisions étymologiques succinctes qui permettent de mieux fixer le sens. Le DSL constitue ce que l’on pourrait nommer un glossaire. Les notions sont parfois contextualisées par des citations et des indications bibliographiques qui figurent en fin d’article afin de diriger le lecteur vers des ouvrages pertinents. Le champ de savoir couvert élargit la linguistique au sens que l’on s’en faisait au début du XXe siècle et recouvre aussi la logique et l’épistémologie, par exemple. Les sciences du langage sont en fait une construction académique française essentiellement calquée sur les paradigmes universitaires dominants aux États-Unis depuis une quarantaine d’années, notamment la morphologie et la syntaxe. Mais ce dictionnaire tient aussi compte des sciences qui ont contribué au développement des sciences du langage, comme l’informatique (ISO, http, par exemple). Il contient la nomenclature des entrées à la fin de l’ouvrage et d’une bibliographie en fin d’article. Spécialiste de syntaxe et de sémantique du français, Frank Neveu, professeur à l’université de Caen, démontre une connaissance moderne des sciences du langage qui améliore l’encyclopédie d’Oswald Ducrot et Tsvetan Todorov rééditée il y a quelques années aux Éditions du Seuil, car il tient compte d’avantage des avancées de l’informatique et de la linguistique appliquée.