Ce numéro spécial sur le mythe s’oriente résolument vers l’avenir tout en récupérant ce qu’il peut du passé. Ce n’est pas la première fois au Québec que l’on tente de préparer l’avenir de l’anthropologie du mythe, car Pierre Maranda a déjà parrainé des groupes d’étude pendant les années 1990, à l’Université Laval, sur la « formule canonique du mythe ». Ces travaux ont abouti à la publication d’un gros livre en 2001 : The Double Twist. From Ethnography to Morphodynamics, où 5 des 10 chapitres étaient fournis par les chercheurs du Québec (Alain Côté, Pierre Maranda, Andrew Quinn, Luc Racine, Éric Schwimmer). Tandis que ce livre était sans doute une contribution majeure à l’interprétation d’un problème épineux dans la pensée de Claude Lévi-Strauss, la présente série d’articles relève directement le défi, épineux aussi, de dépasser le cadre de la pensée structurale de ce maître du 20e siècle ; il pose des questions qui n’ont pas été l’objet de la méthode structurale régulière du tout, mais qui pourraient le devenir si le fond de cette méthode était repensé pour pouvoir les aborder. Sa fin ultime peut être, en effet, d’insuffler une vie nouvelle à l’anthropologie humaniste du 21e siècle. Comme la direction de mes recherches récentes a été un peu semblable, je fus enchanté quand la rédaction de la revue m’invita à m’exprimer ici en marge de la discussion. Je commente donc d’abord chacun des articles présentés par John Leavitt, et j’y ajouterai quelques brèves remarques plus générales à la fin de certaines sections. John Leavitt (linguiste, sémioticien, mais anthropologue aujourd’hui) a beaucoup de tours dans son sac, et ses deux textes publiés ici sont passablement complexes. Ils proposent (a) une critique ambitieuse du mouvement structuraliste en général ; (b) une introduction utile de la signification compréhensive de cette série d’articles ; (c) un résumé trop bref de ses recherches de terrain en Inde du Nord. Ses remarques théoriques servent essentiellement à présenter la mythopoétique, une approche qui n’est pas vraiment nouvelle, mais qui a été très difficile à théoriser. La source de cette approche était Hjelmslev (1953), linguiste danois éminent, connu sans doute de Leavitt, qui acceptait au fond la définition du signe de Saussure, comme la correspondance entre un signifiant et un signifié, mais qui introduit deux précisions capitales, distinguant entre le contenu et l’expression, et entre la forme et la matière du signe. Regardons donc ces deux distinctions, essentielles à la compréhension des textes de Leavitt. D’abord, il est évident que l’interprétation d’un signe va souvent bien au-delà de ce que la linguistique classique entend par son contenu. Le receveur du signe va noter sans doute son contexte social et culturel, la position du signe dans la série de signes émis, ainsi que tous les sous-entendus du signe, verbaux ou non, qui constituent sa « connotation ». Le problème de la linguistique, de la sémiotique ainsi que bien sûr de l’anthropologie, est de décider si le système de l’expression doit entrer, ou non, dans l’analyse formelle des données. Cette décision dépendra, sans doute, de la matière de l’analyse. Si nous voulons distinguer entre la saison chaude et la saison froide dans la région étudiée, un signe dont nous nous servons sera d’abord le thermomètre qui mesure la température d’un jour à l’autre. Nos informateurs auront sans doute beaucoup d’histoires à nous conter sur le Soleil et la Lune, mais ces histoires nous intéressent dans d’autres contextes. Le système de l’expression n’y changera rien. Leavitt a pourtant raison quand il dit que le système de l’expression peut être de très grande importance lorsqu’on étudie les mythes, mais …
Parties annexes
Références
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