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On lit ce court livre avec délice, ravis de la culture et de la finesse de son auteur. Il faut dire plus : ce livre est l’oeuvre subtile d’un auteur dont le discernement aiguisé évite tous les simplismes. Sur le ton détaché d’un humour constant, nous voici devant une anthropologie qui se met à réfléchir. On se retrouve en fin de lecture devant de sages conseils que je résumerais ainsi : vous n’éviterez pas vos ancêtres, ils pèsent lourd, tenez-en compte, cependant ne les suivez pas aveuglément, apprenez à les affaiblir, proposez de nouvelles façons de comprendre et de vivre ensemble, réinventez les traditions. J’ai lu ce livre comme une parabole pour notre temps. Détienne profite du contraste entre l’ancienne tradition grecque et la tradition française pour suggérer quelques leçons à tirer de leurs expériences. Même si la partie consacrée au Français raciné est moins développée, elle garde son attrait pour la réflexion en nous suggérant que la France est aux prises avec des ancêtres ou bien trop imaginairement présents pour certains, ou bien absents pour les autres. Se situer par rapport aux ancêtres, à la fois les garder et les mettre à leur place, sans se livrer à eux comme s’ils détenaient toutes les vérités, tout cela ouvre, on l’aura compris, à la place faite à ceux qui seront les étrangers, les immigrés, les nouveaux venus. La frontière entre les ancêtres et les autochtones ne ressemblerait-elle pas à celle qui conjoint les autochtones et les immigrés? Sous quel rapport? Est-il pensable, autrement dit, et après combien de temps, à quelles conditions, que les étrangers immigrés endossent les ancêtres des autochtones en plus des leurs?