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Sans détour : ce livre réjouira sans conteste les sociologues ou les bioéthiciennes féministes qui, en général, apprécient la critique de l’universalité de l’éthique. Car ici, on a décidé de présenter, sous le couvert des vocables « droits » et « bioéthique », le point de vue féminin sur la réalité des femmes dans le monde. Mais par le traitement du sujet, qui fait constamment un aller-retour heureux de la théorie à la pratique, l’ouvrage devrait aussi trouver chez les anthropologues une partie de son lectorat, car il se penche sur la situation des femmes en prenant rigoureusement compte de la multiplicité des cultures.
Réunissant les travaux de plusieurs chercheurs et chercheuses issus de plusieurs sous-disciplines des sciences humaines, l’ouvrage est une traduction française de la version originale anglaise. Le livre comprend les articles et les études de cas préparés par des auteurs des cinq continents répartis en plusieurs sous-sections, allant de la santé des femmes le long du cycle de vie à la condition des femmes d’âge mûr, en passant par la santé génésique des femmes, les relations familiales, la violence faite aux femmes et la situation des femmes dans leur milieu de travail. Le point de départ du livre est la table ronde organisée par le Comité International de Bioéthique de l’Unesco sur le thème « Femmes et bioéthique » en 1996. Au sortir de cette rencontre, l’Unesco avait décidé de mettre sur pied un comité chargé de rédiger un rapport sur la condition de la femme dans le monde. C’est ainsi que Dennerstein, directrice du Département de psychiatrie de l’Université de Melbourne, qui agissait alors à titre de rapporteur, a accepté de diriger l’ouvrage.
Les premiers textes du recueil mettent en évidence la nouvelle réalité de la femme à partir d’une attention spécifique à ses besoins suivant les périodes de vie : enfance, adolescence, la période adulte et la période de vieillesse. Sous ce large thème, qui concerne autant la démographie, l’histoire, l’éducation, la nutrition et la médecine, on trouvera surtout des textes qui s’intéressent à la santé génésique des femmes. On utilisera, parfois à bon escient, de nombreuses statistiques et quelques tableaux comparatifs sur la situation des femmes.
Les articles et les études de cas qui suivent peuvent être placés sous le thème de la violence faite aux femmes, qui, certes, prend de multiples expressions. Elle est notamment physique, psychologique et sexuelle. Cette question délicate est abordée avec sérieux et rigueur dans cet ouvrage. Quelques pages sont aussi consacrées à la réalité de la femme mûre et à la santé de la femme au travail. Dans ce livre, la santé des femmes est mesurée à l’aune des avancées scientifiques et sociales en Europe, en Asie, mais aussi en Océanie, en Afrique et en Amérique, ce qui assure une vision d’ensemble riche, plurielle et actuelle sur la situation des femmes.
Or, la première chose qui frappera le lecteur de cet ouvrage collectif est de ne pas y trouver de problèmes de « bioéthique », bien que l’ouvrage soit logé, en première et en quatrième de couverture, à cette enseigne. En effet, au fil de la lecture, nous sommes très heureux d’apprendre l’existence de centres d’aide pour les femmes dans le monde, cette réalité de la femme demeure politique, pas éthique ou bioéthique. De même, nous ne trouvons pas de questions ou de problèmes juridiques. Par contre, nous sommes souvent invités à interpréter comme un signe de progrès les multiples listes de « recommandations » de l’Unesco, lesquelles, en règle générale, ne changent presque rien à la situation des pays concernés, car ces « recommandations » ne sont comprises qu’à titre d’invitations par les pouvoirs politiques. Mais on veut surtout informer et éduquer afin d’arriver, un jour, à changer les choses.
Enfin, nous devons émettre une réserve importante : si le livre espère servir une bonne cause, il a le défaut de stigmatiser les femmes au lieu d’embrasser la réalité éthique. Car le discours éthique n’a pas de sexe, il est universel ou il n’est pas. Le logos etikos, qui trouve sa fondation chez Aristote, n’est pas masculin en particulier. Certes, il faut parler de la femme, surtout en parler mieux. Nous nous demandons si parler de droits des femmes et de bioéthique de manière aussi mondialisante ne risque pas, dans certains pays d’Afrique ou d’Asie par exemple, de ressembler à une imposture, précisément à de l’impérialisme scientifique, dans la mesure où nous donnons l’impression de vouloir imposer nos valeurs à des pays culturellement très différents des nôtres. Il y a certainement mieux à faire pour aider les femmes et mieux faire connaître leurs problèmes que de jouer à la mondialisation éthique, laquelle, du reste, ressemble plus à un contresens qu’à un terme appelé à un avenir heureux. Tout cela pour rappeler que les problèmes étudiés avec sérieux et rigueur dans Droits des femmes et bioéthique, qui sont d’une importance capitale, ressemblent davantage à des problèmes éducatifs ou politiques qu’à des problèmes éthiques ou juridiques. Cela ne saurait voiler leur actualité, encore moins l’urgence d’en prendre conscience, notamment en lisant ce livre.