Comptes rendus

Gilles Gagné et Simon Langlois, Les raisons fortes. Nature et signification de l’appui à la souveraineté du Québec. Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2002, 189 p., tabl., réf., ann.[Notice]

  • Claude Bariteau

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  • Claude Bariteau
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Je n’ai pas l’éloge facile mais, lorsque j’apprécie un livre, je ne m’en cache pas, même si je ne partage pas toutes les idées des auteurs. C’est le cas avec Les raisons fortes de Gilles Gagné et Simon Langlois. J’ai apprécié ce livre au point d’en recommander la lecture à tous ceux et celles que la question du Québec passionne. Ils y trouveront une analyse très bien campée des appuis des Québécois et Québécoises au projet de « souveraineté partenariat » en 1995 et entre 1999 et 2001. Ils y apprendront que le soutien au projet de 1995 demeure constant en 1999-2001 (ce qui va à l’encontre des idées véhiculées dans la plupart des médias), quoique différemment réparti dans les groupes que les auteurs ont construits. Ce livre va plus loin que la description par variables des comportements des électeurs. Gagné et Langlois cherchent plutôt à expliquer des comportements électoraux avec l’ambition de décortiquer les intentions de vote en prenant pour assises « les raisons que se donnent d’agir les citoyens appelés à faire des choix politiques et des choix de sociétés » (p. 21). Par cette approche, leur livre se situe dans le champ de l’explication et a pour assises un modèle théorique qu’ils ont dynamisé en l’associant aux théories des mouvements sociaux. J’y reviendrai plus bas. Les auteurs ont construit, dans la première partie, six regroupements à l’aide de quatre variables qu’ils ont dichotomisées : l’âge (18-54 ans ou 55 ans et plus) ; la relation au travail (actifs, étudiants et chômeurs ou inactifs, retraités et au foyer) ; le revenu (au-dessus ou en deçà de 20 000 $) ; et la langue (francophones ou allophones et anglophones). Le premier regroupement, le plus important numériquement (44,9 % de la population), contient le groupe porteur du projet. Appelé « de type I », il est composé de francophones de 18-54 ans, étudiants et actifs avec un revenu de plus de 20 000 $. Trois autres regroupements de francophones complètent le premier : les francophones de 18-54 ans, inactifs et à faible revenu (type II avec 15,9 % de la population) ; les francophones actifs de plus de 55 ans (type III avec 5,6 % de la population) ; et les francophones inactifs de plus de 55 ans (type IV avec 17,9 % de la population). Le cinquième regroupement est composé des anglophones et des allophones de 18-54 ans (type V avec 12,3 % de la population) alors que le sixième comprend des anglophones et allophones de plus de 55 ans (type VI avec 4,4 % de la population). Parmi ces regroupements, Gagné et Langlois relèvent un fort appui (71,3 %) du groupe porteur à la « souveraineté partenariat » vers la fin de la campagne (26 octobre 1995) et une baisse notable de l’appui des types II et IV (francophones de 18-54 ans inactifs ou avec un faible revenu et inactifs de plus de 55 ans). Forts de ce constat, ils s’interrogent sur l’effet de l’implication accrue de Lucien Bouchard. Ils notent plutôt une mobilisation des électeurs du groupe porteur, ces derniers ayant vu le projet de « souveraineté partenariat » comme une fenêtre pour changer la société. Avec les sondages de 1999-2001, si Gagné et Langlois signalent un appui stable en faveur du projet, leur analyse par regroupements d’électeurs fait ressortir : 1) une baisse de l’appui venant du groupe porteur ; et 2) des gains modestes « dans les types II et III chez les francophones, gains plus importants chez les francophones retraités, gains importants aussi chez les allophones et anglophones » (p. 70). La deuxième partie …