Comptes rendus

Alban Bensa et Isabelle Leblic (dir.), En pays kanak. Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2000, xii + 368 p., fig., illustr., réf.[Notice]

  • Pierre Maranda

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  • Pierre Maranda
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Évidemment, l’espace alloué à cette recension ne me permet aucunement de rendre justice à un ouvrage d’un tel intérêt et d’une si grande richesse de documentation. Je me contenterai de traiter de l’objectif visé, de donner un trop bref aperçu des chapitres de ce collectif tout en en relevant quelques points que je trouve particulièrement significatifs. Objectif visé et atteint : Donc, « le changement éclaire les permanences », comme le montrent les trois parties de l’ouvrage : « Pratiques et règles » (six chapitres), « Retour sur le choc colonial » (cinq chapitres) et « Initiatives nouvelles » (cinq chapitres). (Ci-dessous, je numérote les chapitres, l’ouvrage ne le faisant pas). En première partie Bensa (Ch. 1) fournit une contribution ethnohistorique sur la chefferie — sujet qu’abordent aussi les autres chapitres —, étude fort bien documentée et couvrant la période 1740-1878. Il met en rapport de rebondissements sources écrites et témoignages directs d’informateurs. Leblic (Ch. 2) traite de l’adoption et du transfert d’enfants à partir de données précises inscrites dans un cadre théorique ferme. Elle décrit de façon convaincante une dynamique sociale à portée politique. Ozanne-Rivierre (Ch. 3) compare la terminologie de parenté proto-océanienne à la proto-néo-calédonienne, ce qui lui permet de tirer, entre autres conclusions, celle que « les langues des Loyauté et celles de la Grande Terre sont infiniment plus conservatrices que les langues du sud » (p. 82). J’admire vivement l’étude de Bretteville (Ch. 4) « L’Os et le souffle » qui propose ce que j’appelle une « sémiotique de métaphore métamorphisante » (Maranda 2002) intégrant l’igname, le deuil et le personnage du « Grand-Chef ». À ce chapitre celui de Illouz (Ch. 8), également remarquable, ajoute les vecteurs cannibalisme, meurtre et guerre. Teulières-Preston (Ch. 5) présente des données bien structurées sur « la mer comme domaine foncier » et une analyse judicieuse des négociations récentes sur le partage des ressources impliquées. On peut rapprocher cette étude de celle des archéologues Sand, Bole et Ouetcho (Ch. 7) qui montrent bien la nécessité d’approches multidisciplinaires et complémentaires pour l’analyse des rapports entre « sociétés pré-européennes de N.-C. et leur transformation historique » (Ozanne-Rivierre, Ch. 4). Avec Bril (Ch. 12), nous retrouvons la linguistique, cette fois en enjeu bien contemporain, celui de la normalisation. et de ses défis culturels — ce problème aigu de « collaboration entre la communauté et le linguiste […] processus d’apprentissage d’une langue et d’une culture d’un côté, d’une forme de technicité de l’autre » (p. 288). L’étude de Lepoutre sur le « pluralisme médical » (Ch. 13) rejoint l’ouvrage de Salomon sur le même sujet (Maranda 2003) mais sans références au socio-cosmique. Par ailleurs, Salomon elle-même propose une analyse fascinante (Ch. 14) des rapports entre Néo-Calédoniens et Néo-Calédoniennes de la Grande Terre dont je veux souligner la consonance avec ceux des Lau de Malaita (Maranda 2001). Enfin, je regroupe – ai-je raison? les éditeurs de l’ouvrage les ont distribués sur les trois parties – les chapitres de Dussy (Ch. 6), Merle (Ch. 9 ), Soriano (Ch. 10), Pineau-Saladin (Ch. 11), Hamelin (Ch. 15) et Naepels (Ch. 16). Les contributions de ces six auteurs, portant sur les problèmes urbains et sur les réserves, contribuent toutes à corroborer solidement pour la Nouvelle-Calédonie des données qui convergent avec celles qu’on recueille par ailleurs sur les peuples autochtones du Canada, d’Australie et d’ailleurs.

Parties annexes