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Certains ouvrages se donnent comme mission de rendre accessible à des non-anthropologues des concepts et des théories qui sont susceptibles de bonifier leur pratique professionnelle. Il s’agit probablement de la forme la plus immédiate d’application de l’anthropologie. Tel est le cas de l’ouvrage écrit par Anne Vega qui offre aux professionnels des soins de santé (en particulier le personnel infirmier) un abécédaire des outils conceptuels utiles pour adapter les soins de santé et les soins relationnels à l’univers culturel des soignés en contexte pluriethnique. Dans un livre clair et concis, destiné à servir d’outil pédagogique et non d’ouvrage d’introduction à l’anthropologie de la santé, les soignants sont invités à comprendre les logiques qui amènent les individus et les groupes (tant soignants que soignés) à étiqueter les « autres » au risque de s’échouer sur les écueils de l’essentialisation et de la réification des cultures, sources premières de l’ethnocentrisme, de la discrimination et de l’incompréhension interculturelle.
L’ouvrage est divisé en trois chapitres. Le premier fait une présentation de la spécificité de l’approche anthropologique de la maladie et des soins hospitaliers en insistant sur le fait que la maladie est une construction socioculturelle, même au sein de la biomédecine. Le second chapitre vise à sensibiliser les soignants aux sources du choc culturel qu’ils expérimentent dans les soins donnés à des soignés de « cultures immigrées ». Ils sont invités à prendre la mesure des impacts des difficiles conditions concrètes d’émigration et d’intégration dans la société d’accueil auxquelles doivent faire face ces parents et ces enfants. Anne Vega les convie de même à nuancer les images caricaturales qui trop souvent incarnent les croyances et les comportements reliés à la maladie dans ces communautés. Une telle anthropologisation des soins passe évidemment par l’apprentissage d’une critique de ses propres préjugés et pratiques professionnelles. Le troisième chapitre illustre diverses façons dont les traditions culturelles sont susceptibles d’alimenter des incompréhensions entre soignants et soignés. Les soignants ayant comme responsabilité d’accompagner les soignés et leurs proches lors des grandes étapes de leur vie, l’accent est ici placé sur une sensibilisation à l’existence d’une pluralité de modèles de parenté et sur les fonctions remplies par les multiples variantes culturelles des rites de passage accompagnant la naissance et la mort.
En tant qu’outil didactique, cet ouvrage est bien servi par la floraison des exemples concrets, généralement amenés par des encadrés, de même que par des conclusions exécutives qui rappellent aux lecteurs les notions essentielles à retenir. Évidemment, une telle approche oblige l’auteure à présenter un peu trop sommairement des concepts fondamentaux qui mériteraient une présentation plus nuancée. Le choix aurait alors été de limiter le nombre d’outils conceptuels traités afin d’éviter les risques de dérives qui conduiront certains lecteurs à y chercher des recettes toutes faites pour gérer telle situation interculturelle de soins. L’ouvrage d’Anne Vega n’en représente pas moins un outil pédagogique utile pour tous ceux qui ont à coeur les contributions de l’anthropologie de la santé à la promotion de soins sensibles au pluralisme ethnique.