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Le livre est un survol érudit des mouvements fondamentalistes contemporains. Un effort modéré permettra au lecteur de pénétrer son style plutôt hermétique afin de mieux comprendre les origines du fondamentalisme, un des phénomènes majeurs du 20e siècle qui semble continuer de se manifester avec vigueur de nos jours. L’auteur est un sociologue israélien chevronné dont les études sur la modernisation sont bien connues. Le livre est divisé en quatre chapitres. Le premier traite de la constitution de mouvements proto-fondamentalistes que l’auteur place dans le contexte des « civilisations axiales ». Le deuxième porte sur le rôle des « grandes révolutions » et leur reflet dans le phénomène de modernisation. Il y distingue deux tendances : pluraliste et jacobine, cette dernière, dominant, selon l’auteur, dans des contextes qui engendrent des mouvements fondamentalistes. Le livre est un must pour tous ceux qui s’intéressent aux questions portant sur la modernisation. L’auteur s’éloigne des théories dites classiques qui préconisaient autrefois une convergence des voies menant vers la modernisation. Il souligne une grande variabilité des approches, non pas seulement sur le plan mondial mais également au sein même des sociétés occidentales. La modernisation aux États-Unis se distingue, bien entendu, de celle du Chili ou d’Israël. La légitimation des régimes modernisateurs qui fomentent la modernisation manifeste également un grand degré de diversification. Une tension essentielle se ferait sentir entre la légitimation dite procédurale (la société accepte les lois, les us et les coutumes en place) et les types de légitimation que l’on pourrait qualifier d’idéologiques et qui comprennent des modes de légitimation religieux (la République islamique d’Iran, le Japon d’avant 1945) et laïques (Espagne, Hollande). La suprématie de la raison et l’autonomie de l’individu, qui paraissaient autrefois comme les prémisses inébranlables de la modernité, animent actuellement des débats de fond. L’histoire de la modernisation stalinienne, y compris les exploits techniques, scientifiques et culturels de l’URSS, prouvent, malheureusement, la compatibilité avec la négation ultime de l’autonomie de l’individu. L’optimisme américain d’antan qui comportait une perspective « naturelle » d’hégémonie culturelle mondiale provoque, nous le savons trop bien, une animosité profonde dans d’autres sociétés qui, elles, adoptent d’autres modes de modernisation basés sur des prémisses radicalement différentes. Certains éléments de la modernité occidentale sont retenus, d’autres transformés et un certain nombre simplement rejetés. La rationalité cognitive, en particulier les formes extrêmes du scientisme, se trouve contestée. Ce qui en résulte est un tableau complexe d’identités culturelles variées plutôt qu’un ordre linéaire de progression vers la modernité. L’auteur introduit des interprétations qui facilitent la perception de ce tableau complexe qui ne risque point de devenir plus simple ou plus uniforme. L’auteur présente les fondamentalismes comme manifestations modernes et durables de l’affirmation culturelle plutôt que comme une fuite de la modernité vers « l’obscurantisme médiéval ».