Le Canada est marqué par une grande diversité linguistique. À titre d’exemple, lors de son dernier recensement, Statistique Canada soulignait que les foyers canadiens déclaraient parler 241 langues maternelles (Statistique Canada 2023a). Ces langues sont soit reconnues comme langues officielles des territoires et des provinces du Canada, soit elles sont le reflet d’une immigration croissante au sein du pays. Ainsi, les trois territoires canadiens (Territoires du nord, Yukon et Nunavut) dénombrent 18 langues officielles. Quant aux provinces canadiennes, le Nouveau-Brunswick est officiellement bilingue (français-anglais). Le Québec dispose d’une langue officielle, le français, et offre aux minorités anglophones des services en anglais notamment en termes d’éducation. Les huit autres provinces ont l’anglais comme langue officielle et adoptent des mesures pour offrir, à des degrés divers, des services aux minorités francophones. Les langues des communautés autochtones, le français et l’anglais cohabitent donc sous l’égide de politiques linguistiques variées. En ce qui a trait à la francophonie plus particulièrement, il convient aussi de noter que si depuis les dix dernières années le nombre de locuteurs·rices déclarant pouvoir soutenir une conversation en français uniquement diminue, le nombre de locuteurs·rices déclarant pouvant tenir une conversation dans les deux langues officielles a toutefois augmenté de 12,5 % (Statistique Canada 2023b). En matière d’éducation, chacune des dix provinces canadiennes suit des politiques linguistiques différentes et de part des dispositifs éducatifs fédéraux, comme, par exemple, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et des libertés de 1982 (Gouvernement du Canada), les enfants inscrits dans les écoles des provinces canadiennes sont amenés à suivre un enseignement en anglais ou en français, en milieu minoritaire ou majoritaire. Dans la province de l’Ontario par exemple, cohabitent des écoles de langue anglaise et des écoles de langue française, ces dernières se positionnant dans un contexte minoritaire puisque la langue officielle de la province est l’anglais. Ainsi, le français y est langue d’enseignement mais en dehors de l’école, les élèves sont en contact fréquent voire même constant avec l’anglais, langue dominante dans la province ontarienne. Notons que les langues de l’immigration contribuent également à dynamiser et enrichir ce paysage linguistique canadien. De fait, toujours selon Statistique Canada (2017 : 1), 37,5 % des enfants de moins de 15 ans résidant au Canada ont au moins un parent né à l’étranger, ce qui reprèsente près de 2,2 millions d’enfants. D’ici 2036, les enfants issus de l’immigration pourraient représenter entre 39 % et 49 % des enfants scolarisés au Canada. Déjà en 2006, Gérin-Lajoie soulignait : « Que ce soit dans une école francophone de la région de Toronto, dans une école du centre-ville de Montréal où dans une école de banlieue parisienne, le tissu social de la salle de classe est diversifié et les enseignantes et les enseignants doivent en tenir compte » (4). Cependant, encore aujourd’hui, malgré cette diversité linguistique et culturelle riche et croissante, force est de constater que le système scolaire a tendance à laisser peu de place à la diversité dans le processus d’enseignement et d’apprentissage, privilégiant principalement la langue et la culture dominante de l’école (Gogolin 1997 ; Cummins 2009, 2021). Ce positionnement vient à l’encontre de plusieurs recherches internationnales réalisées en collaboration avec des enseignant·e·s et qui, depuis plus de cinquante ans, soulignent les effets positifs aux niveaux cognitif, social, et affectif des approches pédagogiques qui valorisent le répertoire diversifié des élèves en contexte scolaire (Moore 2006 ; Armand et al. 2008 ; Auger et Le Pichon 2021 ; Cummins 2021). Ces recherches soulignent l’importance de reconfigurer un modèle traditionnel d’école monolingue et monoculturelle afin de mieux répondre à un public changeant et marqué par une diversité …
Parties annexes
Bibliographie
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