Arborescences
Revue d'études françaises
Numéro 4, novembre 2014 Le dispositif texte/image Sous la direction de Julie LeBlanc
Sommaire (9 articles)
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Introduction
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Déclinaisons et figures ekphrastiques : quelques modestes propositions
Liliane Louvel
p. 15–32
RésuméFR :
Dans le prolongement de travaux antérieurs, l’auteure propose de thématiser la notion d’ekphrasis et ses modes particuliers de manifestation et de réalisation. En se référant à titre illustratif au roman House of Mirth d’Edith Wharton, elle définit ou affine le sens de notions centrales telles que l’« ekphrasis maïeutique », le « moment ekphrastique » et l’« ekphrasis monumentale ». Elle réfléchit en outre aux distinctions entre la description littéraire d’oeuvre « réelle » et la description d’oeuvre imaginaire, laquelle se rencontre notamment dans la « notional ekphrasis ». Les propositions qu’elle formule invitent à reconnaître l’amplitude intermédiale de l’ekphrasis, à en mesurer toute l’extension : du texte littéraire où elle se déploie jusqu’aux frontières de l’écrit sur l’art et de l’histoire de l’art qu’elle borde.
EN :
As an extension of her previous work, the author analyzes the notion of ekphrasis and its particular modes of demonstration and realization. By referencing Edith Wharton’s House of Mirth, she defines or refines the definition of such central concepts as “maieutic ekphrasis,” the “ekphrastic moment,” and “monumental ekphrasis.” She argues for distinctions between the literary description of a “real” literary work and the description of an imaginary work, as it is understood according to “notional ekphrasis.” The propositions she formulates invite the reader to recognize the intermedial amplitude of ekphrasis, and to measure its extension: from the literary text, where it unfolds, to its border with art writing and the history of art.
ES :
Como extensión de sus investigaciones anteriores, la autora analiza la noción de écfrasis y sus formas particulares de manifestación y de realización. Tomando el ejemplo de House of Mirth de Edith Wharton, la autora define o afina el sentido de las nociones centrales como “écfrasis mayéutica,” el “momento de écfrasis” y la “écfrasis monumental.” Ella explica las distinciones entre la descripción literaria de una obra literaria “real” y la descripción de una obra imaginaria, según el concepto de “écfrasis nocional.” Las proposiciones que formula invitan a los lectores a reconocer la amplitud intermedial de la écfrasis, y a medir sus extensiones: del texto literario de donde se desarrolla a la frontera que comparte con la escritura del arte y de la historia del arte.
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Sublime et abjection dans « The Chinese Lobster » de A.S. Byatt
Laurence Petit
p. 33–43
RésuméFR :
En s’appuyant sur les écrits théoriques de Julia Kristeva, Georges Bataille, Frances Connelly et Jean-François Lyotard sur la question de l’abject, du difforme, du grotesque et du sublime, cet essai se propose d’examiner la façon dont la nouvelle « The Chinese Lobster » de A.S. Byatt s’articule autour du concept central de « distorsion », au double sens de « déformation physique produite par une torsion » et de « déformation langagière », «interprétation abusive» ou « représentation faussée ». En analysant les nombreuses distorsions verbales, picturales et corporelles présentes dans le texte, je me propose de montrer comment ce récit non seulement énonce, pour mieux s’en moquer, des questions de genre très en vogue, mais également nous aide à repenser la relation texte/image en termes de transgression, ou précisément de «distorsion», celle, délibérée, de deux codes sémiotiques pré-existants – le verbal et le visuel – afin de produire une nouvelle forme intermédiale ou iconotextuelle. Plus généralement, je postulerai que cette nouvelle nous permet de reconsidérer la représentation littéraire en termes d’une inévitable « distorsion » ou « représentation faussée », en suggérant que toute représentation contient par essence son propre échec.
EN :
This study will engage with the theoretical writings of Julia Kristeva, Georges Bataille, Frances Connelly and Jean-François Lyotard on questions of the abject, the deformed, the grotesque and the sublime. By analyzing the numerous verbal, pictorial, and corporeal distortions present in the short story « “The Chinese Lobster” by A.S. Byatt, I will demonstrate how the narrative mockingly formulates questions of genre – quite in vogue – while also helping us rethink text/image relations in terms of transgression, or precisely of “distortion,” a deliberate one, structured on two pre-existing semiotic codes – the verbal and the visual – in order to produce a new intermedial or iconotextual form. More generally, this short story allows one to reconsider literary representation in terms of an inevitable “distortion” or “skewed representation,” in which every representation essentially contains its own failure.
ES :
Apoyándose en los escritos teóricos de Julia Kristeva, Georges Bataille, Frances Connelly y Jean-François Lyotard sobre la cuestión del abyecto, del deforme, del grotesco y del sublime, este ensayo examina la novela “The Chinese Lobster” de A.S. Byatt, según el concepto central de la « distorsión » que se entiende en el doble sentido de : una « deformación física producida por una torsión » y una « deformación relativa al lenguaje », « interpretación abusiva » o « representación falseada ». Analizando las varias distorsiones verbales, pictóricas y corporales en el texto, demostraré como este relato se burla de la cuestión de géneros muy en boga y al mismo tiempo nos ayuda entender la relación entre texto e imagen en términos de transgresión, o precisamente de « distorsión » : una que combina dos códigos semióticos pre-existentes – el verbal y el visual – para producir una nueva forma intermedial o iconotextual. De manera mas general, esta novela nos permite reconsiderar la representación literaria en términos de una inevitable « distorsión » o « representación falseada » en donde cada representación contiene en su esencia su propio fracaso.
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L’Africain de Le Clézio : une quête des origines entre images et mots
Cécile Meynard
p. 44–64
RésuméFR :
Dans L’Africain, biographie de son père associée à un travail de mémoire sur l’Afrique où Le Clézio a vécu pendant son enfance, l’écrivain se lance dans une véritable enquête sur ses origines. Pour ce faire, il accompagne son récit d’images, une quinzaine en tout, choisies dans la collection de son père, qui s’exprimait plus facilement par la photographie que par les mots. Le Clézio part donc à la rencontre d’une mémoire qui «n’est pas seulement la [sienne]» mais aussi « la mémoire du temps qui a précédé [sa] naissance », et qui s’épanouit dans le jeu parfois problématique, et le plus souvent mystérieux, entre le texte et les images.
EN :
In L’Africain, a biography of his father and a project on memory and Africa – where Lé Clézio spent his childhood –, the author embarks on a search for his origins. In order to do so, he juxtaposes a narrative with images, roughly fifteen, chosen from his father’s collection, since the latter expressed himself more aptly via photography than through words. Le Clézio therefore searches for a memory that is “not only [his],” and which manifests itself in the occasionally problematic and often mysterious interplay between text and image.
ES :
En L’Africain, biografía de su padre inspirada por sus recuerdos sobre el África donde Le Clézio vivió en su infancia, el escritor empieza una verdadera búsqueda de sus orígenes. Para facilitarlo, él acompaña su relato de quince imágenes escogidas de la colección de su padre, que se exprimía mejor con la fotografía que con las palabras. Le Clézio se va entonces al encuentro de una memoria que “no es solamente la suya” sino “la memoria del tiempo que precedió su nacimiento,” y que se realiza en el juego a veces problemático y a menudo misterioso, entre el texto y las imágenes.
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Des ateliers et des arbres : traces d’artistes dans Le Livre des branches de Louise Warren
Kirsty Bell
p. 65–83
RésuméFR :
Très active dans le monde des beaux-arts, l’écrivaine québécoise Louise Warren est une figure importante de l’écriture contemporaine sur l’art et des pratiques interartistiques dans le domaine littéraire. Dans Le Livre des branches. Dans l’atelier d’Alexandre Hollan, trente-sept fragments écrits rendent compte du séjour de l’écrivaine dans l’atelier de Hollan, en l’absence de l’artiste. Accompagnés de photographies qui évoquent la présence de l’artiste tout en attestant son absence, les écrits explorent l’affect, l’imaginaire et le mystère qui informent le regard que Warren pose sur l’atelier et les toiles de Hollan. Cette étude du Livre des branches s’intéresse aux recoupements entre divers aspects fondamentaux de l’ouvrage : les fragments, les photographies, les arbres et les renvois au pictural. L’analyse se penche notamment sur les multiples façons dont ces recoupements nourrissent la conception de l’art développée par Warren.
EN :
Thanks to her active engagement with the fine arts, Québécois author Louise Warren is an important figure for contemporary writing on art and for inter-artistic practices in literature. In Le Livre des branches. Dans l’atelier d’Alexandre Hollan [The Book of Branches. In Alexandre Hollan’s Studio], thirty-seven written fragments evoke the author’s stay in Hollan’s studio during his absence. Accompanied by photographs that equally suggest the artist’s presence and affirm his absence, the written fragments explore the affect, the imagination and the mystery that inform Warren’s perspectives on Hollan’s studio and his paintings. This study of Le Livre des branches examines similarities between various key aspects of the book: fragments, photographs, trees and references to the pictorial. This analysis is particularly interested in the ways in which these intersections support Warren’s conception of art.
ES :
Muy involucrada en el mundo de las bellas artes, la escritora quebequense Louise Warren es una figura importante de la escritura contemporánea sobre el arte y las practicas interartísticas en el ámbito literario. En Le Livre des branches. Dans l’atelier d’Alexandre Hollan, treinta y siete fragmentos escritos evocan la estadía en el taller de Hollan en la ausencia del artista. En combinación con las fotografías que retienen la presencia del artista mientras recuerdan su ausencia, los escritos exploran el afecto, el imaginario y el misterio que informan la mirada de Warren en el taller sobre los lienzos de Hollan. Este estudio del Livre des branches se interesa a la intersección entre los diversos aspectos fundamentales de la obra : los fragmentos, las fotografías, los arboles y las referencias pictóricas. El análisis se enfocará particularmente en las varias maneras que estas intersecciones enriquecen la concepción del arte desarrollada por Warren.
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« J’écris avec mes yeux » : écriture du soi et photographie chez Nicole Brossard
Julie St-Laurent
p. 84–98
RésuméFR :
Cet article s’intéresse au rôle de la photographie dans un court récit autobiographique de Nicole Brossard. Alors que les archives visuelles du texte semblent confiner l’auteure au réel auquel elle tente d’échapper dans son oeuvre en entier, Brossard utilise ces images pour renforcer la rhétorique du soi qu’elle met en place, qui est au coeur de son projet féministe. Néanmoins, l’écrivaine ne peut tout à fait assujettir ce que reproduit la photographie, si bien que cet art ouvre plus que jamais son écriture à différentes formes d'altérité, d’où un dialogue constant entre le réel et l’imaginaire.
EN :
This article addresses the role of photography in a short autobiographical narrative from Nicole Brossard. While the text’s visual archives appear to confine the author to reality, from which she tries to escape throughout her whole work, Brossard uses those pictures to reinforce the rhetoric of the self central to her feminist project. However, the writer cannot bring completely into subjection what photography reproduces: more than ever, it opens her writing to different forms of otherness, producing a constant dialogue between reality and imagination.
ES :
Este artículo se interesa a la importancia de la fotografía en un corto relato autobiográfico de Nicole Brossard. Mientras que los archivos visuales del texto parecen limitar a la autora de la realidad que siempre trata de escapar en su obra completa, Brossard usa imágenes para reforzar la retórica del “yo,” central a su proyecto feminista. Sin embargo, la escritora no puede completamente sujetar a lo que reproduce la fotografía, de modo que este arte, aun más que nada, abre su escritura a diferentes formas de alteridad, resultando en un diálogo constante entre la realidad y el imaginario.
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Re-Visualizing the Map in Guy Delisle’s Pyongyang
Nancy Pedri
p. 99–114
RésuméEN :
I examine the use of maps in Guy Delisle’s comic Pyongyang. Focusing on the overt manipulation of cartographic techniques, I show how the cartoon map attains accuracy not by hiding, but by accentuating the fictional techniques that went into its making.
FR :
Cet article se penche sur les cartes introduites dans le texte de Guy Delisle : Pyongyang. En exploitant les manipulations cartographiques mises en oeuvre par cet auteur, mon étude cherche à montrer que les cartes géographiques introduites dans cette bande dessinée sont destinées à mettre en évidence, voire à accentuer les stratégies qui ont participé à sa production en tant qu’oeuvre de fiction.
ES :
Este artículo examina el uso de mapas en la tira cómica de Guy Delisle Pyongyang. Enfocándonos en la manipulación de técnicas cartográficas, demostraremos que los mapas de caricaturas existen para poner en evidencia y a acentuar las técnicas ficticias utilizadas en su producción.
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Hubert Robert et la notion de crise : essai de « lecture » avec Mikhaïl Bakhtine
Anthony J. Wall
p. 115–139
RésuméFR :
Le comité éditorial d’Arborescences tient à remercier chaleureusement Anthony J. Wall, qui a bien voulu présenter, dans le présent essai, la version écrite et remaniée d’une conférence qu’il a donnée au Département d’études françaises de l’Université de Toronto en mars dernier.
L’essai d’Anthony J. Wall se donne à lire comme une agréable et savante exploration de l’oeuvre picturale d’Hubert Robert, une déambulation gracieusement philosophique à travers quelques-unes des nombreuses toiles et représentations qui ont fait la renommée de ce peintre des Lumières. En mettant à profit la notion bakhtinienne de chronotope, le critique s’applique à souligner la puissance des temps et des espaces rendus visibles par l’oeuvre de Robert ; il cherche à rendre compte de « la capacité de ses paysages peints à se transformer en véritables regards philosophiques sur le passage du temps dans l’espace ».
EN :
Arborescences’ editorial committee wishes to cordially thank Anthony J. Wall, who has accepted to present herewith a revised version of the paper he gave at the University of Toronto’s Department of French Studies conference last March.
Anthony J. Wall’s essay reads as an enjoyable and scholarly exploration of Hubert Robert’s pictorial works, a graceful philosophical stroll through a few of the numerous paintings and representations that created the reputation of this Enlightenment painter. Through the use of the Bakhtinian notion of chronotope, the critic underlines the power of time and space as visible through Robert’s oeuvre; he seeks to demonstrate “the ability of his painted landscapes to transform into a true philosophical observation on the passing of time in space.”
ES :
El comité editorial de Arborescences quiere agradecerle cordialmente a Anthony J. Wall por haber aceptado presentar una edición revisada de la exposición que dio en la conferencia del departamento de Estudios franceses de la Universidad de Toronto el pasado marzo.
El ensayo de Anthony J. Wall se presenta como una exploración agradable y erudita de la obra pictórica de Hubert Robert, un paseo filosófico gracioso a través de las pinturas y numerosas representaciones de las cuales surgió la reputación del pintor de la Ilustración. A través de la noción bakhtiniana de cronotopo, el crítico enfatiza la fuerza del tiempo y del espacio visibles en la obra de Robert; él trata de demostrar « la habilidad de sus paisajes pintados de transformarse en verdaderas miradas filosóficas sobre el pasar del tiempo en el espacio ».
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Le verbal et l’iconique : le sens et ses déplacements
Marion Colas-Blaise
p. 140–162
RésuméFR :
Il s’agit, dans cet article, de réinterroger l’opposition chère à Barthes entre la fonction d’ancrage et la fonction de relais du texte verbal dans un ensemble multimédial et plurisémiotique. Nous nous proposons ainsi, dans un premier temps, d’étudier les contraintes que le genre du monument aux morts fait peser sur l’entrejeu des inscriptions verbales sur le socle du monument luxembourgeois Gëlle Fra (« femme en or ») (fonction de relais) et de la sculpture allégorique qui l’orne à son sommet. Dans un deuxième temps, nous visons à montrer comment les fonctions de relais et d’ancrage du verbal, à condition d’être réaménagées, permettent de rendre compte de la multiplicité des significations de l’installation artistique Lady Rosa of Luxembourg de Sanja Iveković qui, sur le mode de la subversion, réénonce le monument aux morts dans un lieu public. Dans un troisième temps, il importe de s’interroger sur le rôle joué par les documents verbo-visuels qui, au moment de la mise en exposition de l’installation au musée, témoignent de la réception de celle-ci par le public. Établissant un parallèle entre la mise en exposition et l’« exécution » d’une oeuvre allographique, nous montrons que la fonction de relais, dûment repensée, permet de rendre compte du devenir (autre) de l’installation.
EN :
This article aims at revisiting the Barthesian opposition between two possible functions of the verbal text in a multimedia and plurisemiotic whole: that which Barthes calls anchoring and that which is relaying additional information. First, we analyze the constraints imposed by the genre of the war memorial on the interaction between the texts (verbal inscriptions relaying historical information) appearing on the base of the Luxembourgian Gëlle Fra (“Golden Lady”) and the allegoric sculpture that adorns it. Second, shifting our attention to the “renunciation” of the Luxembourgian war memorial through a subversive installation artwork by Sanja Iveković, we examine how the two functions, once they have been adjusted, explain the multiplication of meanings. Finally, we ask ourselves how the exhibition in a museum not only of the artwork itself, but of verbal and visual material documenting the reception by the public, changes the installation’s specific identity, especially when a parallel is drawn between the exhibition and the execution of an allographic work of art.
ES :
Este artículo examina la oposición Barthesiana entre la función de anclaje y la función de relevo del texto verbal en un conjunto multimedial y plurisemiótico. Primero analizaremos la tensión que existe en el género del memorial de guerra en la imbricación entre las inscripciones verbales en el zócalo del memorial luxemburgués Gëlle Fra (“Dama de oro”) y la escultura alegórica que lo adorna. Segundo, demostraremos como las funciones de relevo y de anclaje del verbal – una vez reorganizadas – evocan la multiplicidad de significados de la instalación artística Lady Rosa of Luxembourg de Sanja Iveković, que, de manera subversiva, renuncia al memorial de los soldados caídos en un lugar público. Tercero, es importante interrogarse sobre los documentos verbales y visuales, que, al momento de ser expuestos en la instalación del museo, atestiguan su recepción del publico. Estableciendo un paralelo entre la exposición y la “ejecución” de una obra alográfica, demostraremos que la función de relevo, debidamente reconsiderada, permite atestar una transformación (en otro) de la instalación.