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1. Introduction

Savoir écrire dans plus d’une langue est souvent exigé dans divers milieux professionnels de nos jours. Dans les milieux scolaires anglophones canadiens, on s’attend à ce que les élèves soient en mesure de communiquer de façon exacte et efficace à l’écrit dans les deux langues officielles, à savoir l’anglais, leur langue d’enseignement (ALE), et le français, enseigné comme langue seconde (FLS). Au coeur de la compétence à écrire en anglais et en français se trouvent les habiletés syntaxiques à l’écrit, qui permettent d’écrire des phrases efficaces et exactes pour traduire ses idées à l’écrit (Berninger et Swanson, 1994; Hayes et Flower, 1980). L’efficacité des phrases utilisées se révèle entre autres par la complexité syntaxique, qui correspond au degré d’élaboration des phrases graphiques (de la majuscule au point), des phrases syntaxiques (une paire sujet-prédicat) et des groupes syntaxiques ainsi qu’à la variété des structures syntaxiques employées (De Clercq et Housen, 2017; Ortega, 2015). D’ailleurs, la complexité syntaxique serait un indicateur de qualité de textes écrits produits en contexte scolaire (Crossley, 2020). Nonobstant le fait que des phrases courtes puissent représenter un effet de style ou un moyen de s’exprimer de façon plus compréhensible selon son lectorat, il reste qu’apprendre à utiliser des phrases d’une certaine complexité amène le scripteur à exprimer des idées plus élaborées et plus nuancées qui démontrent une certaine maturité linguistique et cognitive.

Pour atteindre cette maturité linguistique, force est de constater toutefois que l’enseignement de la syntaxe qui a habituellement cours dans les classes de FLS ne semble pas optimal. Les pratiques traditionnelles qui ont souvent cours, c’est-à-dire axées sur l’identification et l’étiquetage de notions syntaxiques (classes de mots, fonctions syntaxiques) et suivant une démarche déductive (explication d’une règle illustrée par quelques exemples et suivie d’exercices à trous ou de transformation dans des phrases hors contexte), ne semblent pas produire les effets escomptés et tendent à être source d’ennui chez les élèves du secondaire (Jean et Simard, 2011). De plus, selon notre expérience, les enseignantes et enseignants de FLS se sentent parfois démunis devant la faible variété d’exercices proposés dans le matériel didactique pour enseigner les notions syntaxiques.

Par ailleurs, il est vrai que la syntaxe est notoirement difficile à acquérir dans une langue seconde ou additionnelle (VanPatten, 2011). Pour des élèves dont l’anglais est la langue dominante, les transferts négatifs de l’anglais au français sont fréquents et causent des erreurs d’omission ou d’ordre de groupes de mots (p. ex., *Je pense l’auteur veut dire ça. ou encore *Vraiment, le bleu t-shirt est plus beau.) (Audin, 2005). Ces erreurs sont tout à fait normales, puisque le système syntaxique de l’anglais et celui du français sont similaires, mais présentent quelques divergences (Walter, 2001). Il faut toutefois garder en tête que ces deux langues partagent surtout des similarités sur le plan syntaxique dont les élèves n’ont pas nécessairement conscience, ce qui peut les empêcher de tirer profit de leurs ressources linguistiques développées dans leur langue dominante lorsqu’ils écrivent en français. En effet, la conscience métalinguistique des similarités et différences entre les langues apprises, soit la conscience interlinguistique, serait un facteur de développement de compétences langagières, à la fois en langue première et additionnelle (Jessner et coll., 2016). Cette conscience interlinguistique pourrait être encouragée par des activités visant à comparer les langues apprises (Horst et coll., 2010), c’est-à-dire des activités interlinguistiques ou relevant de la didactique intégrée des langues.

Ces constats nous ont amenée à rechercher un moyen d’améliorer les habiletés syntaxiques des élèves en travaillant la complexité syntaxique et en s’appuyant sur leur compétence à écrire plus développée en anglais. C’est ainsi que nous nous sommes intéressée à un dispositif didactique visant le développement des habiletés syntaxiques à l’écrit, la combinaison de phrases, qui a été proposé aux États-Unis dans les années 1960 et mis à l’essai à plusieurs niveaux scolaires et universitaires. Ce dispositif a montré des effets positifs en classe d’ALE aux États-Unis et a aussi été testé dans d’autres contextes, notamment au Québec par Nadeau, Giguère et coll. (2020) en classe de français langue d’enseignement, là aussi avec des effets positifs.

2. La combinaison de phrases libre

Le principe de base de la combinaison de phrases, telle que proposée par Mellon (1969) puis Strong (1973), consiste à proposer aux élèves une série de courtes phrases simples qu’ils doivent reformuler en une seule phrase graphique. Prenons par exemple les quatre courtes phrases suivantes :

  1. La combinaison de phrases est un dispositif didactique.

  2. La combinaison de phrases permet de développer la complexité syntaxique.

  3. Ce dispositif didactique a été proposé pour la première fois aux États-Unis.

  4. Ce dispositif didactique est apparu dans les années 1960.

Ces phrases pourraient être combinées comme suit : La combinaison de phrases est un dispositif didactique qui permet de développer la complexité syntaxique et qui est apparu aux États-Unis dans les années 1960. D’autres combinaisons sont bien sûr possibles, notamment celle-ci : Proposée pour la première fois aux États-Unis dans les années 1960, la combinaison de phrases est un dispositif didactique qui permet de développer la complexité syntaxique.

Au départ, il s’agissait d’un exercice proposé régulièrement aux élèves, à raison d’environ une séance de trente minutes par semaine. Dans le cahier d’exercices de Strong (1973), on propose d’abord aux élèves un moyen spécifique pour combiner les courtes phrases (p. ex., Combine les deux phrases suivantes en utilisant la conjonction « mais ».), puis on laisse aux élèves plus de liberté par rapport aux moyens de combinaison utilisés. C’est Savage (1980) qui a proposé la distinction entre la version « guidée » (signalled) et la version « libre » (open) de la combinaison de phrases, en mettant de l’avant la valeur ajoutée de la seconde, puisque la version « guidée » ressemble plutôt à des exercices traditionnels de transformation de phrases. Depuis, les premières études ayant testé la combinaison de phrases en classe (Phillips, 1996) indiquent que c’est surtout la discussion métalinguistique en grand groupe à la suite de la combinaison de phrases libre individuelle qui fait la force de ce dispositif. Lors de cette discussion, l’enseignante ou enseignant amène les élèves à observer l’effet rhétorique d’une phrase combinée par rapport à une autre, à identifier les moyens de combinaison utilisés, et à valoriser la variété des moyens de combinaison ou encore le rythme de certaines combinaisons (Saddler, 2019). Par ce fait, les apprenantes et apprenants sont appelés à faire des liens forme-sens appropriés et à apprendre à communiquer de façon à la fois plus exacte et efficace.

Pour ces raisons, la combinaison de phrases libre avec discussion métalinguistique figure parmi les dispositifs efficaces retenus dans la synthèse des écrits de Myhill et coll. (2008) pour enseigner les habiletés syntaxiques à l’écrit en ALE auprès d’élèves adolescents au Royaume-Uni, ainsi que dans le livre Best Practices in Writing Instruction (Graham et coll., 2019). Au Québec, la combinaison de phrases libre a été intégrée dans une séquence d’enseignement de la syntaxe et de la ponctuation en français langue d’enseignement expérimentée chez des élèves de 3e cycle du primaire et de 1er cycle du secondaire; les résultats de cette recherche indiquent une amélioration de la complexité syntaxique à l’écrit surtout en 1re secondaire (Nadeau, Giguère et coll., 2020). Les auteures avancent que les élèves de ce niveau auraient davantage bénéficié de l’intervention en raison de leur niveau de maturité syntaxique, par rapport aux élèves du primaire.

Malgré ces études, ce dispositif semble absent du répertoire d’outils des enseignantes et enseignants de FLS du Québec. Ainsi, dans le cadre de notre thèse doctorale, nous avons voulu tester les effets de ce dispositif adapté pour des élèves du secondaire anglophones, qui suivent concurremment des cours d’ALE et de FLS, sur leurs habiletés syntaxiques à l’écrit dans les deux langues. En tout, 215 élèves de troisième secondaire, trois enseignants d’ALE et deux enseignantes de FLS ont participé à notre étude. Parmi les 11 groupes-classes participants, deux groupes-classes d’ALE (programme régulier) et trois groupes-classes de FLS (programme de base) ont vécu des activités de combinaison de phrases libre avec discussion métalinguistique à raison d’environ une activité par semaine, de la fin novembre à la mi-février. Dans les sections qui suivent, nous présenterons les diverses adaptations que nous avons apportées à ce dispositif pour la classe de FLS au secondaire.

3. La combinaison de phrases libre adaptée à la classe de FLS

En partant des principes didactiques proposés par Saddler (2005, 2019) pour la conception et l’animation d’activités de combinaison de phrases libre, nous avons nous-même créé et animé sept activités différentes dans chacun des trois groupes-classes expérimentaux de FLS ayant participé à notre recherche doctorale[1]. Les adaptations que nous avons apportées ce faisant touchent plusieurs aspects : 1) la variété des types d’activités de combinaison de phrases libre; 2) les textes sources utilisés pour la conception des activités; 3) l’ajout d’une étape d’explication du vocabulaire dans le déroulement de chaque activité; 4) la prise en considération des transferts syntaxiques entre l’anglais et le français.

3.1 Variété des types d’activités de combinaison de phrases libre

Saddler (2005, 2019) suggère de proposer d’abord des activités de combinaison de phrases libre « régulières », où les courtes phrases simples à combiner sont de plus en plus nombreuses, puis des extraits de textes d’élèves à reformuler en utilisant la combinaison de phrases libre, de façon à se rapprocher d’abord du sous-processus de mise en texte puis de celui de la révision de texte. Nous avons respecté ce principe général en créant les activités pour les groupes-classes de FLS participants. Cependant, entre les activités « régulières » de combinaison de phrases libre et celles de « reformulation » d’extraits de textes d’élèves, nous avons créé un autre type d’activité qui nous a été inspiré par une activité de rappel de connaissances guidée par une des enseignantes participantes. Celle-ci demandait aux élèves, en discussion en grand groupe, de partager oralement des éléments d’information qu’ils avaient appris à la suite de leur lecture d’un extrait de texte et de leur écoute d’une entrevue vidéo au sujet d’une personnalité québécoise. Nous avons alors remarqué que les réponses données par les élèves correspondaient à des phrases courtes et simples qui pourraient servir de support à une activité de combinaison de phrases libre dont l’objectif serait de résumer en une seule phrase graphique plusieurs informations. Nous avons donc appelé ce type d’activité de combinaison de phrases libre « résumé ».

3.2. Textes sources utilisés pour la conception d’activités de combinaison de phrases libre

À la fois Saddler (2005, 2019) et Nadeau, Giguère et coll. (2020) proposent d’utiliser des textes sources de divers types afin de varier les procédés de combinaison utilisés et d’expliciter les choix syntaxiques en fonction, justement, du type de texte. En effet, puisque la variété des structures syntaxiques concourt à la complexité syntaxique d’un texte et qu’elle dépendra du type de texte, il est important que les élèves en prennent conscience pour développer un certain contrôle sur leurs choix syntaxiques à l’écrit et ainsi trouver leur voix d’auteur. Nous avons voulu suivre ce principe, mais nous avons choisi de prioriser les textes qui étaient déjà travaillés en classe, sauf pour la première activité proposée, qui servait d’introduction. Chaque semaine de l’intervention, nous demandions aux enseignantes de FLS participantes quels textes leurs élèves auraient lus, écoutés ou produits la semaine suivante, de façon à concevoir une activité de combinaison de phrases libre directement liée au travail de classe, au lieu de concevoir d’avance toutes les activités de façon décontextualisée. Ainsi, par exemple, pour les activités « régulières », nous sélectionnions nous-même une phrase graphique complexe et dense en informations dans un texte déjà lu et compris par les élèves, puis nous la décomposions en plusieurs phrases courtes et simples, qui étaient ensuite proposées aux élèves pour qu’ils les recombinent en une seule phrase graphique.

3.3. Explication du vocabulaire

Dans le cadre de leur recherche, Nadeau, Giguère et coll. (2020) ont établi un déroulement type d’environ 40 minutes pour l’animation d’activités de combinaison de phrases libre en classe de français langue d’enseignement. Cependant, dans le cadre de notre recherche doctorale, nous avons apporté une adaptation importante par rapport à ce que proposent Nadeau, Giguère et coll. (2020) : puisqu’il s’agit d’élèves de FLS et non de français langue d’enseignement, plusieurs mots, même s’ils étaient tirés de textes déjà lus, écoutés ou produits par les élèves, étaient peu connus, voire inconnus pour plusieurs. D’ailleurs, la syntaxe et le lexique se retrouvent souvent à un confluent pour soutenir l’écriture, et les deux aspects participent certainement à l’amélioration de la qualité d’un texte produit en contexte scolaire. Ainsi, à la suite de la mise en contexte de chaque activité, nous avons pris le temps de vérifier la compréhension des élèves des mots utilisés dans les courtes phrases simples données. Nous en avons souvent profité, au vol, pour inviter les élèves à proposer des synonymes à certains mots pour les inviter à faire preuve de variété lexicale – et non seulement syntaxique – dans leurs combinaisons de phrases.

3.4. Prise en considération des transferts syntaxiques entre l’anglais et le français

Une des prémisses de notre étude était que les élèves ciblés pourraient bénéficier de réflexions sur les transferts syntaxiques possibles ou à éviter entre l’anglais et le français. Puisque notre objectif général était d’améliorer les habiletés syntaxiques des élèves à la fois en anglais et en français, nous avons choisi d’intégrer une composante interlinguistique à la discussion métalinguistique qui suivait la combinaison de phrases libre individuelle. Ainsi, lors des activités, après avoir identifié un procédé syntaxique de combinaison de phrases utilisé spontanément par un des élèves du groupe-classe, nous demandions systématiquement aux élèves de réfléchir, en grand groupe, à la question suivante : « Penses-tu que tu pourrais utiliser le même moyen de combinaison quand tu écris en anglais ? » Après la discussion, les élèves devaient noter sur leur feuille d’activité si c’était le cas et fournir un exemple. Cet ajout d’une seule question interlinguistique à la fin de chaque activité visait à inciter les élèves à puiser dans toutes leurs ressources syntaxiques en construction en anglais et en français pour produire des phrases plus complexes, c’est-à-dire plus élaborées et variées, et plus précises, c’est-à-dire sans faute, dans les deux langues.

Ainsi, le déroulement général d’une activité de combinaison de phrases libre dans le cadre de notre expérimentation en classe de FLS base de 3e secondaire suivait les étapes suivantes :

  1. L’enseignante met en contexte l’activité proposée, dont la consigne est projetée au tableau interactif et imprimée sur la feuille distribuée aux élèves. Pour les activités de type « résumé » et « reformulation », l’enseignante invite les élèves à partager les éléments d’information qu’ils se rappellent sur le sujet donné ou qui sont présents dans l’extrait de texte d’élève à améliorer.

  2. L’enseignante prend le temps de vérifier, en grand groupe, la compréhension des mots des courtes phrases simples fournies, en notant au tableau interactif, s’il y a lieu, des synonymes pour certains mots.

  3. L’enseignante invite les élèves à combiner les éléments d’information des courtes phrases simples données en une seule phrase graphique de deux façons différentes. Elle précise que les deux phrases combinées ne peuvent pas débuter par le même élément d’information[2]. L’enseignante circule dans la classe pour soutenir les élèves au besoin pendant cette étape individuelle.

  4. L’enseignante invite les élèves à partager leur phrase combinée préférée à l’oral. Lors de ce partage, l’enseignante formule des commentaires, au vol, sur l’effet produit par une phrase combinée par rapport à une autre. Par exemple, elle peut remarquer qu’un élément d’information différent est mis en évidence dans deux combinaisons proposées par les élèves.

  5. L’enseignante sélectionne une ou deux phrases combinée(s) par les élèves qui reflètent une tendance dans le groupe-classe ou qui, au contraire, présentent une structure syntaxique spéciale ou témoignent d’une grande efficacité. Il peut s’agir, par exemple, d’une phrase particulièrement concise grâce à l’emploi approprié de pronoms de reprise variés ou à l’utilisation de groupes nominaux complexes au lieu de phrases syntaxiques.

  6. Après avoir transcrit la ou les phrases combinée(s) sélectionnée(s) au tableau interactif, l’enseignante anime une discussion métalinguistique de groupe pour amener les élèves à identifier les procédés de combinaison utilisés et à en choisir un particulièrement intéressant. Les élèves notent l’exemple et le procédé retenus au bas de leur feuille.

  7. L’enseignante demande aux élèves s’ils pourraient utiliser le même procédé de combinaison lorsqu’ils écrivent en anglais et de donner un exemple pour expliquer leur raisonnement. Les élèves notent le fruit de cette réflexion interlinguistique au bas de leur feuille.

4. Défis

Plusieurs des adaptations que nous avons apportées à la combinaison de phrases libre peuvent représenter des défis importants pour la personne enseignante qui désire l’intégrer dans ses pratiques. En effet, d’abord, la sélection d’une ou de deux phrase(s) combinée(s) parmi celles proposées par les élèves peut être difficile à faire sur le vif, pendant le partage des phrases combinées à l’oral. Il est donc préférable, comme le suggèrent Nadeau, Giguère et coll. (2020), de prendre le temps de récupérer les feuilles des élèves après l’étape de combinaison de phrases individuelle (étape 3) pour mieux choisir la ou les phrase(s) qui feront l’objet d’une discussion métalinguistique en grand groupe lors d’une période ultérieure. Cela permet d’avoir un portrait plus global des habiletés syntaxiques des élèves et des procédés de combinaison généralement employés dans leurs phrases combinées, de manière à choisir une phrase combinée qui reflète ces tendances générales ou, au contraire, une phrase combinée qui ressort du lot dans sa construction.

Ce temps d’arrêt hors de la classe permettra également à la personne enseignante de relever un autre défi associé à la mise en oeuvre de la combinaison de phrases libre, à savoir le choix d’un procédé de combinaison à observer et à prendre en note. Toute phrase combinée produite par les élèves à partir de quelques courtes phrases simples démontre habituellement plusieurs procédés de combinaison. Cependant, il n’est pas nécessaire – ni pertinent – de relever tous les procédés employés. L’enseignante ou l’enseignant doit donc faire un choix, selon son intention pédagogique : valoriser la créativité syntaxique, mettre en évidence un transfert positif de l’anglais au français ou vice-versa, corriger un transfert négatif entre les deux langues, expliciter les connaissances implicites dont disposent les élèves même s’il s’agit de leur langue seconde, mettre en valeur une construction proposée par un élève plus introverti, etc. Par ailleurs, comme il s’agit d’une activité qui se fait régulièrement, idéalement une fois par semaine ou par cycle, plusieurs procédés de combinaison sont réutilisés par les élèves dans leurs phrases combinées; il suffit alors d’amener les élèves à les identifier, sans toutefois les retenir comme procédés à prendre en note.

Ensuite, pendant la discussion métalinguistique en grand groupe, il se peut que les élèves ne disposent pas du métalangage précis pour nommer des procédés de combinaison qu’ils réussissent pourtant à utiliser de façon spontanée. Il revient alors à la personne enseignante de juger des termes métalinguistiques pertinents – mais surtout suffisants – pour mettre au jour le procédé syntaxique retenu. À ce sujet, à la suite de Nadeau, Quevillon Lacasse et coll. (2020), nous conseillons d’abord d’utiliser les termes suivants : « phrase graphique », « phrase syntaxique » (constituée minimalement d’un groupe en fonction sujet et d’un groupe verbal en fonction prédicat[3]) et « groupe syntaxique ». Le terme « complément » s’avère également très utile pour désigner plusieurs procédés de combinaison.

Enfin, la personne enseignante pourrait se sentir démunie pour guider la discussion interlinguistique en fin d’activité, doutant peut-être de ses connaissances métalinguistiques de l’anglais ou des autres langues connues des élèves de son groupe-classe. Toutefois, gardons en tête que les élèves eux-mêmes sont de véritables experts de ces autres langues présentes à l’école; l’enseignante ou enseignant peut donc s’en remettre à ce que les élèves proposent comme réflexion, en s’assurant de les guider suffisamment pour dépasser leur impression parfois prégnante que le français et les autres langues n’ont rien en commun sur le plan syntaxique.

5. Conclusion

En conclusion, dans le cadre de notre recherche doctorale, nous avons adapté différents aspects de la combinaison de phrases libre, en tant que dispositif pour enseigner la syntaxe en soutien à la compétence à écrire, de manière à développer les habiletés syntaxiques à l’écrit en FLS (et en ALE) d’élèves du secondaire en milieu scolaire anglophone. L’adaptation principale que nous avons faite a été d’intégrer la réflexion interlinguistique lors de la discussion métalinguistique de groupe, afin de mettre en évidence pour les élèves les transferts syntaxiques possibles – positifs ou négatifs – entre le français et l’anglais ou toute autre langue connue des élèves. Par cet ajout, nous avons voulu, entre autres, décloisonner les langues dans l’esprit des élèves et leur faire prendre conscience que leurs connaissances dans une langue peuvent être mises au service de l’apprentissage d’une autre langue. Par ailleurs, il est évident qu’un travail plus exigeant de mise en contexte de chaque activité, avec explications sur le vocabulaire employé, est nécessaire lors de la mise en oeuvre de ce dispositif en classe de FLS. Malgré les défis qui peuvent se présenter à la personne enseignante, il s’agit d’un dispositif efficace pour enseigner la syntaxe qui tient compte des connaissances des élèves en construction de phrases en français et dans d’autres langues. D’ailleurs, les résultats de notre étude indiquent que les élèves ayant participé aux activités de combinaison de phrases libre avec discussion interlinguistique ont produit des textes syntaxiquement plus complexes en français après l’intervention, pour certains des indicateurs de complexité syntaxique considérés, sans que l’exactitude syntaxique n’en soit affectée[4].