Résumés
Résumé
L’objectif ultime des enseignantes, enseignants de langues secondes est que leurs élèves développent des connaissances langagières, et l’atteinte de cet objectif est souvent mesuré à l’aide d’évaluations, qu’elles soient sommatives ou formatives. Cependant, ces mesures n’offrent souvent qu’un portrait partiel, axé sur les produits mesurables de l’apprentissage, et laissent de côté ce qui touche au processus d’apprentissage. Afin de pouvoir mettre en lumière ce processus par l’observation de comportements associés, selon la recherche, au développement d’une langue, le cadre d’engagement dans la tâche offre des pistes intéressantes pouvant être mises en oeuvre dans la salle de classe.
Mots-clés :
- enseignement du français langue seconde ou additionnelle,
- engagement dans la tâche,
- processus d’apprentissage
Abstract
The ultimate goal of second language teachers is to help their students develop language skills, which are often measured with summative or formative assessments. However, these measures only offer a partial picture because they focus on measurable learning outcomes, often leaving aside everything that has to do with the learning process. In order to shed light on the process, a task engagement framework can be implemented in the classroom as it offers interesting opportunities to observe behaviors that are, according to research, associated with the development of language skills.
Keywords:
- teaching French as a second or additional language,
- task engagement,
- learning processes
Corps de l’article
1. Introduction
Pour rendre compte de l’apprentissage de nos élèves en salle de classe de langue seconde ou additionnelle (désormais Ln), on s’appuie généralement sur les résultats qu’ils obtiennent aux évaluations formatives ou sommatives qui leur sont proposées. Dans une telle approche basée sur les résultats, une performance insatisfaisante est souvent interprétée comme une absence de compétence, alors que ce constat est sans doute partiellement réducteur. En effet, cela laisse dans l’ombre tout ce qui est vécu par les apprenantes, apprenants lors de leur participation aux activités de la classe, et qui peut donner lieu à une construction, certes graduelle et partielle, de leurs connaissances et compétences dans la langue cible, mais qu’elles, ils n’ont pas été en mesure de réinvestir dans une situation d’évaluation. Cela a été documenté par Laberge (2020) dans une étude visant à mesurer l’efficacité d’une approche d’enseignement de stratégies de la compréhension orale auprès de personnes adultes immigrantes en apprentissage de la langue et de la littératie. Dans cette étude, il a été demandé aux participantes, participants de répondre à un questionnaire à choix multiples mesurant leur habileté à comprendre certains passages de l’extrait vidéo présenté. Quelques participantes, participants ont obtenu des résultats inférieurs après avoir pris part à l’étude ce qui laissait croire qu’ils n’avaient développé aucune stratégie leur permettant une écoute réussie. Pourtant, lors de l’intervention pédagogique échelonnée sur 5 séances, ces participantes, participants avaient démontré faire usage d’une plus grande gamme de stratégies d’écoute au fil du temps; l’approche d’enseignement des stratégies avait donc eu des effets, bien que ces derniers ne se soient pas traduits par l’obtention d’un score plus élevé au test ayant eu lieu après l’intervention. Laberge (2020) conclut qu’il est souhaitable de se fier davantage à des observations ayant lieu en cours d’apprentissage pour mieux cerner les compétences réelles des élèves. Ainsi, pour obtenir un portrait plus nuancé de ce que les élèves arrivent à faire en Ln, une approche davantage basée sur le processus de réalisation des tâches permettrait de mettre en lumière des apprentissages en cours de développement.
2. Approche axée sur les processus
La recherche en didactique des Ln offre différentes pistes permettant d’observer le processus d’apprentissage pour ainsi mieux comprendre comment les élèves développent leurs connaissances. Par exemple, de nombreux travaux proposent d’observer, dans les interactions entre élèves, les moments où ces derniers discutent explicitement d’éléments langagiers (language-related episodes, voir Swain et Lapkin, 1998) (p. ex., Dobao, 2014). Ces observations permettent de mettre en lumière sur quels aspects de la Ln les apprenantes, apprenants ont orienté leur attention, laquelle est une condition essentielle à l’apprentissage (Schmidt, 1995; Loewen et Sato, 2018). Ces travaux basés sur l’analyse des contenus discutés dans les interactions entre élèves apportent un précieux éclairage sur l’effort cognitif effectué pour traiter la langue pendant les activités d’apprentissage. Par contre, ils ne permettent pas d’appréhender les émotions ressenties par les élèves ni l’influence des relations avec les pairs, facteurs également reconnus comme contribuant au développement des compétences dans une Ln (p. ex., Dörnyei et Malderez, 1997; MacIntyre et Gregersen, 2012; Tognini, Philp et Oliver, 2010).
La recherche récente en didactique des Ln propose un cadre permettant de considérer les différentes facettes de la participation des élèves aux activités d’apprentissage, celui de l’engagement dans la tâche, défini comme « un état d’attention et d’implication soutenue, dans lequel la participation ne comporte pas qu’une dimension cognitive, mais aussi des dimensions sociales, comportementales et affectives » (notre traduction, Philp et Duchesne, 2016, p. 51). Ces quatre dimensions seront définies dans ce qui suit.
3. Les dimensions de l’engagement dans la tâche
Premièrement, la dimension cognitive est définie comme l’effort mental fourni dans le processus d’apprentissage et l’attention accordée à la réalisation de la tâche (Philp et Duchesne, 2016). Elle se traduit en salle de classe par différentes manifestations d’effort cognitif fournies par les élèves, comme l’échange d’idées lors de travail collaboratif (Dao et McDonough, 2018), la présence d’autocorrections dans la production orale d’un apprenant (Qiu et Lo, 2017) ou la répétition à voix haute d’une phrase ou d’un mot prononcé par l’enseignant (Beaulieu et coll., 2022). En d’autres mots, la dimension cognitive de l’engagement permet de mettre en lumière les moments où l’élève traite les éléments langagiers lui permettant de réaliser la tâche.
Deuxièmement, la dimension sociale met en évidence les relations entre les apprenants ainsi que leur volonté à travailler en collaboration pour l’exécution d’une tâche (Lambert, Philp et Nakamura, 2017). Cela se manifeste concrètement en observant certains indicateurs comme lorsque les apprenantes, apprenants font preuve d’écoute active, lorsqu’elles, ils donnent place aux idées des autres ou lorsqu’elles, ils s’encouragent (Lambert, Philp et Nakamura, 2017; Philp et Duchesne, 2016). L’engagement social est donc marqué par la participation et la collaboration entre pairs lors de la réalisation d’une tâche (Philp et Duchesne, 2016), et est considéré comme facilitatrice des autres dimensions de l’engagement (Sang et Hiver, 2021).
Troisièmement, la dimension comportementale se rapporte aux notions d’initiative, de persévérance, de participation et d’implication active dans la complétion d’une tâche (Philp et Duchesne, 2016). En classe, cette dimension de l’engagement peut se mesurer, par exemple, par la prise de parole volontaire d’un élève ou le temps consacré à la réalisation de la tâche (Lambert, Philp et Nakamura, 2017).
Finalement, la dimension affective est reliée aux attitudes et émotions positives ou négatives des élèves qui peuvent influencer la forme ou le degré d’engagement (Sang et Hiver, 2021). Par exemple, l’intérêt et l’enthousiasme sont des émotions qui faciliteraient la réalisation d’une tâche, alors que l’anxiété, l’ennui et la frustration seraient associés à une diminution des signes d’abandon de l’engagement (Philp et Duchesne, 2016). En salle de classe, ces émotions peuvent se manifester de plusieurs façons : lorsque les élèves se prononcent sur l’activité en cours (p. ex., c’est plaisant !, Phung, 2017) ou lorsque le langage non verbal de l’élève montre son intérêt ou son désintérêt par rapport à l’activité (p. ex., consulte son téléphone plutôt que faire la tâche; Baralt, Gurzynski-Weiss et Kim, 2016). L’état émotionnel des élèves dans la réalisation d’une tâche peut aussi être compris comme un filtre venant influencer les autres dimensions de l’engagement : un engagement émotif positif pourrait entrainer un plus grand engagement cognitif, social ou comportemental et vice-versa (Lambert, Philp et Nakamura, 2017).
Ainsi, ces dimensions de l’engagement, largement interconnectées les unes aux autres, offrent une fenêtre d’observation sur des comportements associés au processus d’apprentissage. En salle de classe, alors que l’attention des enseignantes, enseignants, est sollicitée de toutes parts, il est possible que l’occasion de s’arrêter pour observer les comportements d’apprentissage de leurs élèves ne se présente pas toujours, qui plus est quand rien ne guide ces observations. Ipso facto, il est possible que ne soient considérés engagés dans une tâche que les élèves qui montrent une participation très visible, par exemple en levant souvent la main ou en posant des questions, alors que des élèves plus discrets peuvent aussi se montrer engagés et adopter des comportements reconnus comme contribuant au développement langagier (p. ex., répéter à voix basse des contenus travaillés en classe). Des pistes d’observations concrètes pourraient faciliter l’observation de l’engagement par les enseignantes, enseignants.
4. Observation concrète de l’engagement
Ainsi, la littérature scientifique offre divers indicateurs permettant de témoigner de l’engagement des élèves dans les tâches d’apprentissage. Cependant, une limite associée à l’applicabilité de ces indicateurs en contexte de classe doit être soulevée. En effet, la plupart de ces indicateurs ont été utilisés, en recherche, pour rendre compte de l’engagement des élèves dans des tâches d’interaction orale (p. ex., une tâche de consensus dans Phung, Nakamura et Reinders, 2021); la liste d’indicateurs ainsi disponible n’inclut donc que des comportements pouvant s’observer dans ce type de tâche, excluant l’exploration de manifestations de l’engagement, par exemple, dans des tâches en grand groupe (p. ex., dictée) ou des tâches individuelles (p. ex., la lecture). L’état de la recherche sur la mesure de l’engagement en classe semble donc limiter les observations qui peuvent être faites en fonction des différents types de tâches (p. ex., tâches individuelles). Toutefois, rien n’empêche les chercheuses, chercheurs, et les enseignantes, enseignants de se doter d’indicateurs d’engagement qui soient plus adaptés à la réalité de leur classe. C’est ce qui a été fait dans une étude menée auprès d’apprenantes, apprenants adultes du français, inscrits dans un cours d’alphafrancisation (c.-à.-d., un cours destiné spécifiquement aux adultes ayant cumulé 9 ans ou moins de scolarisation au moment de leur inscription en francisation).
4.1 Indicateurs adaptés à l’expérience réelle en classe
Ainsi, afin de montrer, concrètement, comment l’engagement peut se manifester lors de tâches dont la production orale n’est ni nécessaire, ni la finalité, Fortier, Beaulieu, Laberge et Damiens (2019) ont développé une tâche qui visait à amener les apprenantes, apprenants inscrits en classe d’alphafrancisation à traiter la morphologie verbale pour y extraire l’information sur les temps présent, passé et futur. Pour ce faire, des phrases avec des verbes d’action comme laver, nourrir, coucher, promener, jouer ont été sélectionnées et représentées à l’aide de trois photographies. Une photo représentait l’action à venir au futur proche (p. ex., une femme à côté de la poussette qui s’apprête à y installer son enfant pour représenter Elle va promener son enfant), l’autre une action en cours de réalisation au présent (p. ex., la femme qui pousse la poussette où est assis l’enfant pour Elle promène son enfant) et la dernière une action terminée au passé composé (p. ex., la femme qui range la poussette dans la voiture pour Elle a promené son enfant).
Le déroulement de la tâche impliquait d’abord que l’enseignante décrive l’action présentée sur une photo (p. ex., Elle a promené son enfant). Ensuite, les élèves, placés en équipe de 2 ou 3, devaient s’entendre afin de choisir la photo, parmi un ensemble de photos représentant différentes actions aux trois temps de verbe placé devant eux, correspondant à la phrase de l’enseignante. Cette dernière disait alors OUI aux groupes d’élèves qui montraient la bonne photo, et NON à ceux qui n’avaient pas fait le bon choix. Ceux ayant la mauvaise réponse étaient alors invités à choisir une autre photo et à la montrer jusqu’à ce que toute la classe ait en main la photo représentant l’action du quotidien ciblée au temps approprié. Enfin, l’enseignante recommençait avec une nouvelle action. Ce type de tâche est conçu de façon à permettre aux apprenantes, apprenants, de construire elles-eux-mêmes l’association entre le sens et la forme linguistique, et ce, sans les forcer à produire les formes oralement (Loschky, 1994). Cependant, même si l’expression orale n’était pas requise, l’observation des comportements verbaux des apprenantes, apprenants adoptés pour réaliser la tâche, a permis de voir les différentes facettes de leur engagement; par l’analyse d’un extrait d’une des tâches, nous montrons donc, dans ce qui suit, des indices d’engagement que nous avons pu identifier lors de la réalisation de cette tâche en classe.
Dans le Tableau 1, nous avons identifié des comportements adoptés par les élèves et les avons associés aux différentes dimensions de l’engagement proposées par la littérature. Ainsi, lorsqu’un élève répétait l’énoncé ou une partie de l’énoncé après l’enseignante, qu’il faisait un choix de photo ou négociait, avec une, un collègue ce choix (p. ex., en la pointant), ou offrait une explication verbale du lien entre la photo et l’énoncé, nous avons considéré ces comportements comme des indicateurs d’engagement cognitif; en effet, ils représentent des moments où les élèves traitent les éléments langagiers et font des liens avec les photos, ce qui leur permet de réaliser la tâche. Par ailleurs, les moments où les élèves ont ri, représentant une manifestation d’émotions positives, ont été associés à de l’engagement affectif et les marques d’encouragement ou les rappels à l’ordre aux collègues, à de l’engagement social, ces dernières montrant la présence de relations entre les élèves en lien avec la réalisation de la tâche.
Dans le Tableau, 2, un autre extrait d’interactions lors de la tâche est présenté. Ce dernier montre des manifestations d’engagement qui relèvent davantage de l’engagement social, notamment observé quand les participantes collaborent pour placer les photos avant de commencer la tâche ou en cours de tâche.
Ainsi, il nous a été possible, en travaillant à partir de la recherche existante et en identifiant de nouveaux indicateurs d’engagement, de rendre compte d’un fort niveau d’engagement de la part des élèves bien que ces derniers n’adoptaient pas des comportements identifiés dans la littérature à partir de tâches interactives (p. ex., la présence d’autocorrections dans la production orale d’un apprenant, Qiu et Lo, 2017). Afin d’offrir un éventail de possibilités de comportements observables pouvant être associés à l’engagement dans la tâche, nous avons préparé une liste d’exemples d’indicateurs pouvant guider les enseignantes, enseignants dans leur pratique (voir Annexe A). Sans être exhaustive, cette liste pourrait néanmoins servir de point de départ d’observations, et être adaptée selon les contextes et les besoins.
De telles observations peuvent être utiles pour une enseignante, un enseignant afin de rendre compte de la façon dont les élèves s’impliquent dans les activités pédagogiques qui leur sont proposées. À cet effet, de nombreuses études ont été menées afin d’identifier des caractéristiques de tâches qui peuvent mener à un plus grand engagement de la part des élèves. Ces pistes, dont il sera état dans ce qui suit, peuvent guider les enseignantes, enseignants dans la préparation de tâches ayant le potentiel d’engager leurs élèves.
5. Conditions pouvant favoriser l’engagement
La littérature scientifique à ce sujet porte principalement sur les conditions associées au travail en petits groupes plutôt qu’en groupe-classe, le travail en équipe favorisant davantage les comportements d’engagement (Mercer, Talbot et Wang, 2021). En effet, lorsque placés en équipes, les élèves ont davantage l’occasion de mettre en commun leurs ressources linguistiques individuelles et de s’engager activement, par exemple, en formulant ou vérifiant des hypothèses sur la manière dont la Ln fonctionne, en autocorrigeant leur production, ou encore en encourageant leurs pairs à partager leurs idées (Dobao, 2014). Bien que le travail en petits groupes offre potentiellement plus d’occasions pour que des indicateurs d’engagement se manifestent, tout enseignante, enseignant a très certainement observé des comportements de désengagement, ponctuels ou récurrents, lors de travaux en équipe. La littérature scientifique a mis en lumière deux paramètres venant influencer l’engagement des élèves dans cette modalité : la composition des équipes (5.1) et les paramètres des tâches collaboratives (5.2).
5.1 La composition des équipes
La taille du groupe influencerait la quantité et la nature des interactions entre élèves. Par exemple, Dobao (2014) a observé les comportements adoptés lors d’une tâche d’écriture collaborative dans deux conditions : 1) en dyade et 2) en équipe de quatre. Elle a observé que les élèves placés en équipe de quatre se sont davantage engagés cognitivement et socialement, discutant de la langue plus que les élèves placés en dyades. Cette tendance peut s’expliquer par un autre facteur venant influencer les interactions entre pairs : le style collaboratif des élèves (voir Storch 2001; 2002). Lorsqu’un des élèves dans le groupe adopte une attitude largement dominante (c.-à.-d. qui adopte une position autoritaire et qui réalise la tâche plutôt individuellement, négligeant de prendre en compte la contribution des autres membres de l’équipe) ou une largement passive (c.-à.-d. qui adopte une attitude effacée, contribuant minimalement à la réalisation de la tâche, laissant la responsabilité à ses pairs), moins de comportements associés à l’engagement cognitif, social et affectif se manifestent dans le groupe. Dans une dyade, il semblerait plus difficile de se sortir d’une mauvaise dynamique collaborative que dans un groupe de quatre. En revanche, lorsque les partenaires adoptent tous un style largement collaboratif (c.-à.-d. où tous les apprenantes, apprenants prennent part à toutes les étapes de la tâche, apportent des idées pouvant mener à la réalisation de la tâche et invitent les autres membres à prendre part au dialogue), et ce même si leurs niveaux de compétence dans la Ln diffèrent, un très grand engagement, soutenu dans le temps, est observé (de façon moindre, cependant, lorsqu’on place deux élèves plus faibles ensemble, Choi et Iwashita, 2016). Fait intéressant, Dao (2020) a démontré qu’il est possible d’entrainer les élèves à adopter de meilleures stratégies interactionnelles pour réaliser un travail de groupe et que, à la suite de cet entrainement, les élèves adoptent plus de comportements associés à l’engagement cognitif, social et affectif.
5.2 Paramètres des tâches collaboratives proposées
Les chercheuses, chercheurs ont manipulé certains paramètres de réalisation des tâches, comme les contenus proposés, les contraintes imposées et le type de tâche, afin d’en observer l’effet sur la quantité et la qualité de l’engagement des élèves. Il a été remarqué, de manière générale, que les élèves font preuve de plus d’engagement dans les tâches avec lesquelles ils sont déjà familiers (Xu et Qiu, 2021), ou avec lesquelles le contenu langagier pour les réaliser est connu (Qiu et Lo, 2017). Par ailleurs, Lambert, Philp et Nakamura (2017) ont demandé à des élèves de prendre part à une tâche de narration dans deux conditions imposant des contraintes différentes quant au contenu. Certains élèves devaient raconter une histoire à partir d’une série de quatre images, alors que les autres élèves ont reçu une feuille avec quatre cases vides avec la consigne d’inventer une histoire drôle. Ce sont les élèves du deuxième groupe qui ont montré le plus de comportements associés à l’engagement cognitif, social et affectif, montrant qu’il peut être avantageux de donner, aux élèves, la possibilité de faire des choix quant aux contenus des tâches et des ressources langagières à mobiliser. Limiter les contraintes imposées aux élèves peut également être proposé dans un autre type de tâche, soit la tâche de consensus (decision-making task). À cet effet, Phung, Nakamura et Reinders (2021) ont proposé deux conditions de réalisation d’une tâche de consensus : dans la première (+ contraintes), les élèves devaient arriver à un consensus à partir d’options proposées dans les consignes, alors que dans la deuxième (- contraintes), ils devaient le faire en générant eux-mêmes les options sur lesquelles ils devaient s’entendre. Les élèves du deuxième groupe ont montré plus d’engagement dans la tâche que les élèves du deuxième groupe. Enfin, le type de tâche peut également influencer l’engagement des élèves, tel qu’observé par Wang (2019) qui rapporte qu’une tâche de consensus (avec ou sans contrainte) amènerait plus d’engagement qu’une tâche d’opinion (avec ou sans contrainte).
En somme, pour susciter davantage de comportements associés à l’engagement cognitif, social et affectif, les enseignantes, enseignants peuvent notamment tenter d’augmenter le nombre de moments de classe où les élèves seront placés en sous-groupes, en insistant auprès d’eux sur les bienfaits d’adopter un style interactionnel collaboratif pendant ces périodes (c.-à.-d., en proposant des idées et en encourageant la participation de toutes, tous). Parmi ces moments en sous-groupes, la littérature indique qu’il pourrait être gagnant de miser sur des tâches d’apprentissage non seulement qui sont relativement familières tant sur le plan linguistique que sur la connaissance des procédures de réalisation de la tâche, mais qui donnent également l’occasion aux élèves de puiser dans l’ensemble de leurs ressources linguistiques pour les réaliser. Les enseignantes, enseignants gagneraient également à proposer des tâches comportant différentes finalités (p. ex., faire la narration d’une histoire, donner son opinion sur un enjeu). Bien que la littérature commence à peine à explorer l’effet du type de tâche sur la quantité et la qualité de l’engagement des élèves, on observe présentement que la tâche de consensus en serait une qui serait particulièrement utile pour encourager un engagement soutenu des apprenantes, apprenants.
6. Conclusion
L’engagement dans la tâche, un concept qui permet de réunir sous un même construit des dimensions reconnues comme essentielles dans l’apprentissage d’une Ln en contexte guidé (Philp et Duchesne, 2016), offre des pistes d’observations intéressantes des comportements adoptés par les apprenantes, apprenants lorsqu’impliqués dans des tâches pédagogiques. Si l’observation systématique des élèves n’est ni possible, ni nécessaire, un certain recul de la part de l’enseignante, enseignant peut cependant être souhaitable à certains moments clés afin, d’une part, de mieux observer l’engagement des élèves et, d’autre part, de se questionner sur ce qui freine ou ce qui encourage leur engagement à travers différents types de tâches. En effet, si l’engagement d’un élève dans ses apprentissages relève certes de sa responsabilité individuelle, il n’en demeure pas moins que l’enseignante, enseignant, de par ses propositions pédagogiques, a une part de responsabilité importante dans la modulation de cet engagement.
Parties annexes
Annexe
ANNEXE A
Bibliographie
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