Résumés
Résumé
L’apprentissage d’une nouvelle langue par l’entremise des tâches suscite l’intérêt de plusieurs chercheurs et a été conceptualisé selon deux orientations, à savoir l’enseignement des langues basé sur les tâches (ELBT) (Task-based language teaching) et l’approche actionnelle. Le présent article vise à décrire dans un premier temps ces deux importantes approches pour voir en quoi elles se recoupent ou non et, dans un deuxième temps, à présenter des options didactiques quant à la façon d’élaborer des tâches pédagogiques qui peuvent répondre aux besoins des apprenants.
Mots-clés :
- Enseignement des langues basé sur les tâches,
- Approche actionnelle,
- Tâches pédagogiques
Corps de l’article
Introduction
La tâche a fait son apparition dans plusieurs programmes d’enseignement comme unité d’enseignement et d’apprentissage. Il s’agit d’avoir recours à des tâches qui placent les apprenants dans des situations de communication reproduisant, à certains degrés, des situations de la vie réelle. Ce faisant, les apprenants d’une langue seconde/additionnelle (L2/Ln) sont engagés dans un processus qui soutient le développement de la langue cible. Malgré les recommandations liées à l’adoption d’un enseignement par la tâche, il n’est pas toujours facile de bien comprendre ce que sous-tend précisément ce type d’enseignement, le concept de « tâche » ayant été défini de différentes façons dans différents contextes par les chercheurs et les didacticiens. En effet, deux approches ayant la tâche au coeur de la conception de l’acquisition d’une nouvelle langue se sont imposées, nommément l’enseignement des langues basé sur la tâche (ELBT) et l’approche actionnelle. Ainsi, dans cet article, nous décrirons ces deux importantes approches pour voir en quoi elles se recoupent ou non, et nous présenterons des options didactiques quant à la façon d’élaborer des tâches pédagogiques qui peuvent répondre aux besoins des apprenants.
L’enseignement des langues basé sur la tâche : un bref aperçu
L’enseignement des langues basé sur la tâche (Task-Based Language Teaching), dont les origines remontent au début des années 1980 (Prabhu, 1987), s’appuie sur l’utilisation de tâches qui permettent aux apprenants de s’engager dans des interactions significatives afin d’accomplir un objectif communicatif commun (Ellis, 2003, 2017; Samuda et Bygate, 2008). En ce sens, l’enseignement des langues basé sur la tâche ne constitue pas nécessairement une rupture par rapport à l’approche communicative. Il s’agit plutôt d’une façon de conceptualiser les préceptes de cette approche : la tâche sert de véhicule d’apprentissage au sein duquel les apprenants doivent interagir et communiquer de façon authentique.
L’ELBT s’appuie sur les théories d’apprentissage et les recherches empiriques du domaine de la didactique L2/Ln, notamment les approches cognitivo-interactionnistes selon lesquelles les interactions sociales jouent un rôle central dans l’apprentissage d’une nouvelle langue (Van den Branden, 2016). Au cours de la réalisation d’une tâche, les apprenants peuvent faire face à des problèmes liés à la communication qui mènent à des rajustements, à une négociation de sens ou de la forme où l’attention des apprenants se centre sur la langue cible. La tâche peut également amener les apprenants à remarquer certaines lacunes dans leur répertoire linguistique, à tester des hypothèses et à enrichir leurs ressources langagières (Swain, 2000). Enfin, pendant l’accomplissement de la tâche, les apprenants sont exposés à un intrant et peuvent recevoir de l’aide pour atteindre leurs objectifs communicatifs de la part de l’enseignant et de leurs pairs (Payant, 2018).
Comme en didactique des langues, les termes de « tâches », d’« activités », de « projets » et d’« exercices » sont souvent utilisés de façon interchangeable, avant d’aller plus loin, il convient de préciser de ce qui est entendu par « tâche » au sein de l’ELBT. De nombreuses définitions ont été proposées (p. ex. Bygate, Skehan, et Swain, 2001; González-Lloret et Ortega, 2015; Long, 1985, 2015; Nunan, 1989; Van den Branden, 2006; J. Willis, 1996), mais l’ensemble des définitions partagent certains éléments : la tâche doit être principalement axée sur le sens, doit comporter un but communicatif identifiable et mesurable, doit tenir compte des besoins des apprenants, doit refléter un langage réel et authentique et doit s’inscrire dans un contexte propice à la réflexion sur l’expérience d’apprentissage (Ellis, 2017). Précisons également que les tâches ne visent pas seulement la langue; elles constituent plutôt une unité qui soutient l’utilisation de la langue dans le cadre d’interactions significatives pour réaliser un objectif non linguistique (Kim, 2015).
Si les tâches sont principalement axées sur le sens, elles peuvent être ciblées ou non ciblées (Ellis, 2009). Une tâche ciblée vise a priori une structure linguistique particulière (Ellis, 2003), par exemple une tâche qui exige d’un apprenant de donner des conseils pour profiter de l’hiver à Montréal où un enseignement du subjonctif est prévu (Michaud et Ammar, soumis). Une tâche non ciblée ne vise pas de structure particulière et laisse libre cours aux apprenants pour réaliser la tâche avec leurs propres moyens. Par exemple, les apprenants pourraient créer un nouveau jeu en élaborant les règles et en construisant le matériel. Même si aucune structure ne fait l’objet d’un enseignement particulier, il est possible que les apprenants utilisent par exemple des structures impératives.
Cette typologie fait écho à une distinction entre une version faible et une version forte de l’ELBT. La version faible de l’ELBT (également appelé l’enseignement des langues soutenu ou appuyé par la tâche) a recours aux tâches de façon ponctuelle dans le cadre d’un plan de cours où les objectifs d’apprentissage sont axés sur les structures grammaticales et qui sont souvent enseignées de façon isolée. La tâche a donc pour objectif la mise en pratique d’une forme langagière prédéterminée, mais contextualisée. La version forte consiste à proposer à un groupe d’apprenants donnés des tâches spécialement conçues pour répondre à des besoins particuliers cernés par l’entremise d’une analyse de besoins (Long, 2015). Une fois déterminés, ces besoins sont transposés en tâche cible et ces dernières seront didactisées en tâches pédagogiques. Dans la version forte de l’ELBT, l’enseignement de la forme est réactif. Dit autrement, aucun élément linguistique n’est enseigné de façon proactive. Il s’agit plutôt d’attirer l’attention des apprenants à des éléments linguistiques « qui surgissent naturellement dans une leçon dont le but est principalement axé sur le sens ou la communication. Ce changement temporaire du centre de l’attention est provoqué par un problème de compréhension ou de production de la part des élèves » (Long, 2000, p. 185, traduction libre).
Malgré les recommandations de Long (2015) à l’égard d’une version forte de l’ELBT selon laquelle un curriculum par la tâche ne comprendrait que des tâches non ciblées, Van den Branden (2016) fait remarquer qu’il n’existe pratiquement aucun programme de ce genre dans le monde. Il semblerait effectivement hasardeux pour les enseignants de ne prévoir aucun enseignement de la forme a priori de façon à soutenir l’apprentissage de certaines structures pouvant être difficiles pour des apprenants. Ellis (2018) préconise plutôt un curriculum modulaire qui comprendrait des tâches ciblées et non ciblées. La progression des apprentissages se ferait par la tâche, mais une liste de formes langagières pourrait être établie dès le départ. Dans de nombreux contextes, les enseignants souscrivent à la version faible de l’ELBT puisque celle-ci permet un arrimage entre l’utilisation de tâches et de l’enseignement explicite de la forme.
Approche actionnelle
L’approche actionnelle a été introduite à la fin des années 1990 par des didacticiens européens qui souhaitaient concevoir un cadre unifié d’enseignement et d’apprentissage des langues secondes. En 2001, le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) a présenté aux chercheurs et aux enseignants des descripteurs concernant les langues communément enseignées à travers l’Europe. Ces descripteurs indiquent ce que les apprenants peuvent faire à différents niveaux de maîtrise de la langue, ce qui permet aux enseignants et aux évaluateurs de disposer de jalons uniformes et cohérents quant aux compétences des apprenants à travers l’Europe. Ces jalons font état d’une description des objectifs d’apprentissage, des contenus à explorer et des perspectives d’enseignement et d’apprentissage. L’accent est mis sur les quatre compétences (expression orale, compréhension orale, expression écrite, compréhension écrite) ainsi que sur deux nouvelles composantes, à savoir l’interaction et la médiation. Ces descripteurs sont maintenant utilisés bien au-delà du contexte européen, ce qui témoigne de leur caractère fiable et valide, mais n’ont pas de liens directs avec une méthodologie d’enseignement particulière.
La publication du CECRL s’accompagne d’une transition de l’approche communicative, l’approche dominante en Europe, vers une approche actionnelle (Piccardo, 2014). L’approche communicative, qui a toujours cours dans de nombreux contextes à travers le monde (Mason et Payant, 2018), se fonde sur le principe que les activités communicatives préparent les apprenants aux interactions de la vie réelle. Les activités traditionnelles qui visent l’acquisition de structures de façon isolée laissent leur place à des activités interactives qui mettent l’accent sur le sens (p. ex., jeux de rôle, entrevues), accordant une place plus importante à l’aisance qu’à la précision. Le CECRL poursuit la réflexion sur le rôle de l’apprentissage d’une langue en conceptualisant la salle de classe et l’apprenant respectivement en tant qu’espace social et qu’acteur social. L’aspect « social » de la salle de classe et du rôle de l’apprenant constitue l’une des distinctions les plus importantes entre une approche actionnelle et l’ELBT. Puren (2009) explique que les apprenants « sont considérés, dans leurs activités d’apprenants dans l’espace et le temps même de leur apprentissage, comme des acteurs sociaux à part entière » (p. 123). En tant qu’acteur social, l’apprenant est invité à participer à des tâches de la vie réelle et non pas des tâches qui simulent la vie réelle ou des tâches linguistiques.
L’apprentissage d’une nouvelle langue, de ce point de vue, contribue également au développement d’une communauté européenne plurilingue. L’objectif est de permettre aux Européens de « communiquer entre eux par-delà les frontières linguistiques et culturelles » (Conseil de l’Europe, 2001, p. 9). Le plurilinguisme et une approche plurilingue mettent de l’avant l’ensemble du répertoire linguistique d’une personne, et les frontières entre les langues et les cultures s’estompent. À mesure que les apprenants accroissent leurs connaissances linguistiques et culturelles, ils forgent une compétence linguistique qui repose sur un ensemble de connaissances et d’expériences linguistiques qui contribuent à leur possibilité de communication. Ces compétences permettent à l’apprenant « de développer une personnalité plus riche et plus complexe et d’accroître sa capacité à apprendre d’autres langues étrangères et à s’ouvrir à des expériences culturelles nouvelles. » (Conseil de l’Europe, 2001, p. 40)
Le développement des compétences se fait par l’entremise de tâches, soit « toute visée actionnelle que l’acteur se représente comme devant parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé » (Conseil de l’Europe, 2001, p. 16). Cette définition très large de la tâche peut comprendre un certain nombre d’activités.
Une tâche, comme le définit le CECRL, n’est pas foncièrement de nature langagière et peut comprendre des activités où la langue ne joue pas un rôle central : « Il peut s’agir tout aussi bien, suivant cette définition, de déplacer une armoire, d’écrire un livre, d’emporter la décision dans la négociation d’un contrat, de faire une partie de cartes, de commander un repas dans un restaurant, de traduire un texte en langue étrangère ou de préparer en groupe un journal de classe » (Conseil de l’Europe, 2001, p. 16). Il s’agit en fait d’une définition très semblable à celle de Long (1985) qui affirme qu’une tâche « comprend des centaines de choses que les gens font, entre autres, dans leur vie quotidienne, au travail et dans les loisirs. » (p. 89, traduction libre)
Soulignons que le CECRL ne prescrit aucune méthodologie d’opérationnalisation des tâches en salle de classe : « La fonction du Cadre européen commun de référence n’est pas de prescrire les objectifs que ses utilisateurs devraient poursuivre ni les méthodes qu’ils devraient utiliser » (p. 4). Le CECRL invite plutôt les enseignants à réfléchir à une série de questions concernant la façon de mettre en oeuvre un enseignement par la tâche. En outre, contrairement aux tenants de l’ELBT, le CECRL ne souscrit pas à des approches théoriques particulières : le Cadre « n’est rattaché de manière irrévocable et exclusive à aucune des théories ou pratiques concurrentes de la linguistique ou des sciences de l’éducation. » (p. 13)
ELBT et approche actionnelle : convergences et divergences
Ces deux approches ont cours, mais dans de différents contextes. L’ELBT qui a été grandement influencé par des chercheurs anglo-saxons est adopté, entre autres, par des didacticiens en Amérique, en Europe, et en Asie oeuvrant auprès d’apprenants de l’anglais, du français, de l’espagnol, du chinois et du coréen. L’approche actionnelle est principalement adoptée en Europe et, plus récemment, dans le contexte canadien (p. ex., au Québec, en Ontario). Ces deux approches partagent certains éléments, dont le fait d’engager les apprenants ou les utilisateurs d’une langue dans des situations d’apprentissage actives qui visent à leur permettre d’acquérir des connaissances s’appliquant à leur vie réelle tout en s’appuyant sur leurs connaissances générales (c.-à-d., expérience sociale et apprentissage formel). Pour ces deux approches, l’apprentissage d’une langue ne vise pas l’apprentissage de structures de façon décontextualisée : il doit être engageant et pertinent.
Alors que les réflexions didactiques du CECRL portent principalement sur le rôle que l’apprenant joue dans son apprentissage en tant qu’acteur social engagé dans des tâches réelles, le courant de recherche de l’ELBT s’intéresse surtout aux caractéristiques des tâches qui soutiennent l’apprentissage des langues. Au sein de ce courant, toute une gamme de programmes de recherches se penchent sur des questions théoriques et empiriques, en contexte de laboratoire et en salle de classe, sur des variables qui favorisent des aspects particuliers de la langue, principalement sous l’angle de la complexité langagière, de la précision langagière, de l’aisance langagière, du vocabulaire et de la pragmatique (East, 2012; Taguchi et Kim, 2018; Wenn et Ahmadian, 2019). À partir de ces recherches, les didacticiens de l’ELBT proposent des méthodologies d’enseignement qui peuvent être appliquées en salle de classe alors que le CERCL n’ose se prononcer sur ces méthodologies laissant le soin aux enseignants de rendre leur enseignement « actionnel » selon leur propre analyse des besoins de leurs élèves.
En somme, dans ces deux approches, la tâche joue un rôle central dans la démarche didactique. Malgré certaines différences, l’ELBT et l’approche actionnelle apportent des regards différents sur des phénomènes semblables. Les enseignants, chercheurs et didacticiens peuvent donc orienter leurs interventions selon les facteurs et les variables qui siéent le mieux leurs besoins et leurs postures épistémologiques.
Après avoir exposé les principes théoriques de l’enseignement par la tâche, nous présentons en deuxième partie de l’article des options méthodologiques permettant de transformer la tâche en séquence didactique. Comme nous l’avons mentionné, étant donné que le CECRL ne fournit pas d’indications précises quant au déploiement d’une tâche en contexte pédagogique, les propositions suivantes découlent des travaux faits dans le domaine de l’ELBT.
Tâches en salle de classe
Au sein du domaine de l’ELBT, de nombreuses recherches ont porté sur les caractéristiques de la tâche et sur les variables liées à la mise en oeuvre de la tâche pour améliorer les possibilités d’apprentissage de la langue (Guichon et Nicolaev, 2009; Payant, 2019; Van Thienen, 2009). Dans cette approche, contrairement à l’approche actionnelle, l’objectif est d’opérationnaliser les tâches de façon à maximiser les possibilités d’apprentissage et de guider les enseignants à travers le processus de développement de tâches pédagogiques.
Conception et types de tâches
Plusieurs didacticiens ont proposé des typologies de type de tâche. Par exemple, Prabhu (1987) a été l’un des premiers à distinguer trois types de tâches, à savoir des tâches d’échange d’informations, des tâches de confrontation d’opinions et des tâches de raisonnement. Dans le cadre d’une tâche d’échange d’information, chaque apprenant dispose d’informations que les autres n’ont pas. Pour accomplir la tâche, les apprenants doivent s’échanger des informations de façon à avoir en main l’ensemble des informations. Par exemple, deux apprenants pourraient chacun avoir des horaires de trains différents qu’ils doivent compléter en se posant des questions. La tâche de confrontation d’opinions s’apparente à un débat au cours duquel les apprenants doivent s’échanger des informations sur lesquelles ils ne sont pas d’accord. Il s’agit normalement d’un sujet controversé où il faut faire valoir différents points de vue. Par exemple, il pourrait s’agir d’une tâche où une entreprise doit congédier un employé et les apprenants doivent s’entendre sur la personne qui doit être renvoyée. Une tâche de raisonnement consiste à amener les apprenants à présenter des éléments à partir desquels ils devront déduire des informations pour accomplir la tâche. Il pourrait s’agir d’une tâche où plusieurs horaires de personnes différentes sont présentés aux apprenants et où ceux-ci doivent trouver le moment opportun auquel ces personnes pourraient se rencontrer pour une réunion.
Willis (1996) a également présenté une typologie de six tâches : tâche d’énumération, tâche de hiérarchisation, tâche de comparaison, tâche de résolution de problème, tâche de partage d’expériences personnelles et tâche de création. La tâche d’énumération s’apparente à une tâche de remue-méninges au cours de laquelle les apprenants émettent des idées sur un sujet donné en fonction de leurs connaissances et de leurs expériences. Par exemple, il pourrait s’agir d’une tâche où des apprenants doivent énumérer les meilleures qualités qu’un patron pourrait avoir. À la différence des tâches d’énumération, une tâche de hiérarchisation consiste à analyser une liste d’éléments et à déterminer un ordre de priorité selon des critères préétablis. Par exemple, les apprenants peuvent avoir à établir une liste d’éléments qui va des éléments les plus importants et à ceux qui le sont moins. Les éléments peuvent être fournis aux apprenants ou ceux-ci peuvent devoir fournir les éléments et ensuite établir l’ordre de priorité. Une deuxième étape collaborative peut être ajoutée à ce genre de tâche : après avoir établi une liste de priorité individuelle, les apprenants peuvent confronter leur liste à celles d’autres étudiants et devoir s’entendre sur une liste commune. Par exemple, les apprenants pourraient devoir s’entendre sur les cinq meilleurs endroits où boire un café dans une ville. Une tâche de comparaison est une tâche au cours de laquelle les apprenants doivent comparer des éléments dont ils disposent et trouver des ressemblances ou des différences. Un exemple classique est la tâche « Trouver les différences » où deux photos presque identiques sont remises aux apprenants et, en se posant des questions, ils doivent identifier les différences entre les images. Cependant, on peut aller au-delà de comparer des images et demander aux étudiants de trouver des informations contradictoires dans deux types de textes écrits ou oraux. La tâche de résolution de problème fait appel à un raisonnement intellectuel où des apprenants doivent analyser une situation complexe pour trouver une solution à un problème ou à une question. Il pourrait s’agir d’une tâche dans laquelle des apprenants doivent émettre des hypothèses ou s’entendre sur une solution en soupesant le pour ou le contre. La tâche de partage d’expériences personnelles est une tâche où les apprenants sont invités à faire part d’expériences personnelles. En ce sens, elle s’apparente davantage à des discussions informelles entre amis. En revanche, comme Willis (1996) le souligne, ces tâches peuvent être moins engageantes que celles qui comportent des buts plus précis. La tâche de création est une tâche de plus grande ampleur qui peut prendre la forme d’un projet comportant plusieurs étapes. Cette tâche peut également inclure des éléments provenant d’autres tâches, comme l’énumération et la catégorisation. En outre, les résultats de ce genre de tâches peuvent dépasser les murs de la classe et prennent souvent la forme de projet. Par exemple, la création d’un blogue ou d’une vidéo affichée sur YouTube. Cette dernière demande à l’apprenant de contribuer de façon authentique, et celui-ci devient ainsi un acteur social.
Pour chacun de ces types de tâches, rappelons qu’il est possible de cibler ou non une structure langagière. Par exemple, l’annexe A présente une tâche d’échange de l’information. Au cours de cet échange, les apprenants doivent se poser une série de questions pour résoudre la tâche. Il est donc possible de prévoir un enseignement de la forme interrogative pendant la tâche. Cependant, cette même tâche pourrait être non ciblée si les apprenants réussissent à résoudre la tâche sans se poser de questions en utilisant d’autres façons d’échanger des informations, par exemple en utilisant la forme affirmative. Ainsi, il est important de surveiller les discussions et de faire des rappels ponctuels si les apprenants évitent les structures ciblées.
Pour aider les enseignants à concevoir leurs propres tâches, Ellis (2003) a proposé un cadre de référence qui regroupe le type d’intrant que les apprenants reçoivent, la façon dont l’information est présentée aux apprenants, les procédures et les résultats attendus. Le tableau 1 dresse une liste de tâches typiques avec des exemples de leurs caractéristiques et pourrait guider les enseignants à développer et à adapter des tâches pédagogiques.
De nombreuses options d’opérationnalisation de la tâche sont possibles et nous invitons les personnes qui souhaitent développer des tâches à s’appuyer sur le cadre de références présenté dans le tableau 1 et à consulter des études empiriques qui décrivent ou partagent le matériel didactique utilisé (p. ex., Michaud et Ammar, soumis).
Méthodologies d’enseignement
Dans l’ELBT, un cadre d’enseignement à trois volets, prétâche, tâche et post-tâche, a été proposé par de nombreux didacticiens (p. ex., Ellis et Shintani, 2014; Van den Branden, 2016; J. Willis, 1996). À la prétâche, l’enseignant peut modéliser la tâche de façon à permettre aux apprenants de comprendre ce qui est attendu d’eux. Il est également possible de faire une activité de vocabulaire utile à la réalisation de la tâche, de faire un remue-méninges et de permettre aux apprenants de planifier les étapes qu’ils auront à faire pour accomplir la tâche. La phase de la tâche permet la réalisation à proprement parler de la tâche où les apprenants déploient leurs propres ressources pour atteindre les objectifs de la tâche. Enfin, à la post-tâche, les apprenants sont invités à présenter leurs résultats, à commenter le travail d’autres apprenants et à réfléchir à leur apprentissage. À cette étape, il est également possible de répéter la tâche sous des conditions plus ou moins semblables.
Une question que se posent les enseignants concerne la place d’un enseignement de la forme au sein d’une tâche (East, 2012, 2015, 2017). Selon qu’il s’agit d’une tâche ciblée ou non, différentes options sont possibles. Dans le cas de tâches non ciblées, l’attention à la forme devrait se faire sous forme de rétroaction corrective en réaction à une question ou à une erreur de la part des apprenants (Long, 2015), étape qui comporte une interruption minimale de la réalisation de la tâche.
Dans le cas d’une tâche ciblée, il est possible de faire une référence explicite à certaines formes langagières à divers moments au cours de la tâche. D’après la théorie de l’acquisition des compétences (DeKeyser, 2015), il conviendrait d’enseigner une forme langagière particulière au début d’une tâche, que les apprenants pourraient par la suite mettre en pratique de façon contextualisée pendant la réalisation de la tâche.
Si Long (2015) conçoit un enseignement de la forme pendant la tâche comme il est mentionné ci-dessus, selon Willis et Willis (2007), les enseignants devraient prévoir un enseignement de la forme explicite à la fin de la séquence par la tâche. Cette recommandation s’appuie sur deux justifications. La première est qu’un enseignement de la forme au début de la tâche pourrait faire en sorte que les apprenants perdent de vue l’objectif communicatif de la tâche et voient cette dernière comme un exercice grammatical. La deuxième est que la tâche pourrait amener les apprenants à remarquer une lacune dans leur répertoire linguistique et ceux-ci pourraient être plus réceptifs à vouloir combler cette lacune. Michaud et Ammar (soumis) ont étudié l’incidence du moment de procéder à un enseignement de la forme dans le cadre d’une tâche. Les résultats indiquent que, dans le cas d’apprenants moins avancés, il vaut mieux effectuer l’enseignement de la forme pendant la tâche. Les apprenants ont ainsi eu le temps de mieux comprendre le contexte d’utilisation d’une forme donnée. Dans le cas d’apprenants possédant déjà certaines connaissances sur une forme, il convient de commencer la tâche par l’enseignement de la notion puisqu’ils saisissent déjà le contexte d’utilisation de cette forme. La tâche leur permet donc de pratiquer l’utilisation de cette forme dès le début.
En résumé, les enseignants ont à leur disposition toute une gamme de types de tâches et d’options qui leur permettent de concevoir différentes tâches selon les besoins de leurs apprenants et leur contexte d’enseignement.
Conclusion
L’article a permis de distinguer deux approches par la tâche communément adoptées dans de nombreux contextes scolaires. Si l’approche actionnelle présente des orientations intéressantes sur le rôle de l’apprenant en tant qu’acteur engagé dans des tâches de la vie réelle, l’enseignement des langues basé sur la tâche vise à développer des connaissances qui enrichiront la compréhension de la façon dont on enseigne et apprend une langue. Les enseignants peuvent donc s’appuyer sur ces deux approches pour nourrir leurs réflexions et permettre la meilleure utilisation de tâches significatives en fonction de leur contexte d’enseignement.
Parties annexes
Annexe
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