Les activités déployées en classe de langues secondes (L2) se sont considérablement complexifiées au cours des 50 dernières années, passant d’exercices linguistiques structurés à des activités communicatives semi-structurées. Aujourd’hui, nous observons davantage l’intégration de tâches communicatives complexes et authentiques qui ressemblent à celles qui font partie de la vie quotidienne. Une telle déstructuration des pratiques de l’enseignement des L2 s’est produite parallèlement à une prise de conscience de la complexité de la langue en tant qu’objet et de ses processus d’apprentissage. En effet, les courants structuro-béhavioristes popularisés lors des années 1960 ont donné naissance à des méthodes traditionnelles rigides (p. ex. audio oral) qui concevaient la langue comme un système de règles pouvant être déconstruit et transmis aux apprenants par le biais d’exercices structurels et répétitifs. L’apprentissage était considéré comme linéaire, hautement structuré et simple : récompenser un bon comportement linguistique, en dissuader un mauvais, et voilà ! Dans les années 1970, des modèles cognitifs d’apprentissage et des conceptualisations complexifiantes du langage en tant qu’outil utilisé pour effectuer des actes de parole ont donné lieu à des approches d’enseignement qui visaient le développement de compétences communicatives (p. ex. linguistiques, discursives, sociolinguistiques et stratégiques). Ces approches favorisaient l’utilisation d’activités communicatives axées sur le sens. Si ces approches étaient certainement plus dynamiques que les approches structuro-béhavioristes, elles tendaient néanmoins à s’articuler autour de structures linguistiques fonctionnelles (p. ex., actes de paroles) et mettaient de l’avant les dialogues scriptés, contrôlés et souvent inauthentiques. De nos jours, le langage est considéré comme outil utilisé pour interagir non seulement avec l’environnement social externe, mais aussi avec l’environnement cognitif et émotionnel interne. En effet, la langue, siège de l’identité et de l’expérience subjective, sert à penser, à sentir, à planifier et à agir. Son apprentissage n’est plus considéré comme un processus cognitif linéaire, mais plutôt dynamique, influencé par un nombre incalculable de facteurs (p. ex. linguistiques, cognitifs, de personnalité, émotionnels, motivationnels, sociaux et environnementaux). Dans cette optique, l’apprentissage des langues doit être holistique, continu et dynamique, et doit se faire par le biais d’expériences significatives qui dépassent les murs de la salle de classe (Ellis, 2017). En effet, structurer l’enseignement des langues secondes autour de l’accomplissement de tâches authentiques reconnait une telle complexité. Aujourd’hui, la tâche pédagogique joue un role central dans les salles de classe de toutes les langues. En ce qui concerne l’enseignement et l’apprentissage du français langue seconde (FLS) par les tâches pédagogiques, le contexte canadien est particulièrement riche. Pour guider nos pratiques, nous avons l’occasion de puiser dans les théories et les pratiques des chercheurs anglo-saxons travaillant dans le cadre de l’enseignement des langues basé sur les tâches (ELBT) (Ellis, 2017; Kim, 2015; Van den Branden, 2016), et des chercheurs travaillant principalement en FLS dans le contexte du Cadre européen commun de référence (CECR) et de l’approche actionnelle (Piccardo, 2014; Purren, 2009). Le fait de travailler dans un contexte intégrant ces deux paradigmes présente de nombreux avantages pour les enseignants et leurs apprenants, mais peut brouiller les pistes pour ceux qui cherchent à développer des tâches qui s’appuient sur les assises théoriques de ces différentes approches. Ce numéro thématique vise à porter un regard critique sur les approches mises en oeuvre qui font appel à l’utilisation des tâches, à établir des distinctions entre ces deux cadres et à présenter des idées de tâches pédagogiques authentiques. Nous rassemblons ainsi les voix d’enseignants chevronnés, de chercheurs expérimentés et de chercheurs émergents pour vous inciter à réfléchir davantage aux questions suivantes : quelles sont les approches par les tâches; qu’est-ce qu’une tâche; quelle est la différence entre une prétâche et une tâche; comment les …
Parties annexes
Bibliographie
- ELLIS, R. (2003). Task-Based Language Learning and Teaching. Oxford : Oxford University Press.
- ELLIS, R. (2017). « Position paper: Moving task-based language teaching forward ». Language Teaching, vol. 50, no. 04, pp. 507–526. https://doi.org/10.1017/S0261444817000179
- KIM, Y. (2015). « The role of tasks as vehicles for language learning in classroom interaction ». Dans N. MARKEE (dir.), The Handbook of Classroom Discourse and Interaction. Hoboken, NJ : John Wiley et Sons, Inc, pp. 163–181.
- PICCARDO, E. (2014). Du communicatif à l’actionnel : un cheminement de recherche. Service des programmes d’études Canada. Document Téléaccessible à l’adresse Http://www.Curriculum.Org/Fsl/Wp-Content/Uploads/2014/09/Du-Communicatifàl’actionnelUncheminementderecherche.Pdf.
- PRABHU, N. S. (1987). Second Language Pedagogy. Oxford : Oxford University Press.
- PUREN, C. (2009). « La nouvelle perspective actionnelle et ses implications sur la conception des manuels de langue ». Dans l’approche actionnelle dans l’enseignement des langues. Onze articles pour mieux comprendre et faire le point. Paris: Éditions Maison des langues, pp. 119–137.
- VAN DEN BRANDEN, K. (2016). « Task-based language teaching ». Dans G. HALL (dir.), The Routledge Handbook of English Language Teaching. New York : Routledge, pp. 238–252.
- WILLIS, J. (1996). A Framework for Task-Based Learning. Essex, England : Longman.