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Rêver le théâtre[Notice]

  • Jeanne Bovet

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  • Jeanne Bovet
    Université de Montréal

Le théâtre est un art du concret, ancré dans la matérialité de la scène et de la perception sensible. Il est en même temps le lieu de toutes les projections et de toutes les illusions. Jouant à divers degrés du brouillage et du passage entre réalité et fiction, il constitue un champ propice à l’interrogation des rapports entre le réel et le rêve. La dramaturgie baroque a fait de cette interrogation un thème apparenté à celui du théâtre lui-même, « ce fantasme sans assises » (La tempête), en la mettant au service d’enjeux tantôt romanesques (Le songe d’une nuit d’été), tantôt métaphysiques (La vie est un songe). Se définissant essentiellement, selon le mot de Pierre Quillard, comme « un prétexte au rêve », le théâtre symboliste a sondé la scène mentale de l’invisible, de la suggestion, de l’intuition, du présage. Théoriquement hostiles au théâtre, dont ils rejetaient les conventions sclérosées, les surréalistes y ont pourtant aussi transposé à leur tour ce que Freud appelait « l’autre scène », celle de l’inconscient, marquée par le rêve et le fantasme. Le présent dossier rend compte de ce double mouvement de sape et d’appropriation. S’inscrivant dans le prolongement de récentes études sur la scène surréaliste, il ouvre la réflexion aux rapports entre le théâtre et les autres arts du spectacle : ballet, concert, cinéma, marionnette. Rassemblés par les soins de Sophie Bastien, les articles qui constituent le dossier offrent ainsi des perspectives variées et stimulantes sur l’histoire et l’intermédialité de la scène surréaliste. Ils sont complétés par un texte inédit du regretté Michel Corvin qui, revenant plus spécifiquement au théâtre, s’intéresse à l’apport du surréalisme au théâtre contemporain. Le rêve trouve aussi une place privilégiée dans la section « Recherche-création » de ce numéro, sous la plume du chercheur-créateur Florent Siaud. Intitulée « Dans la fabrique des songes », généreusement illustrée de croquis, de maquettes et de photos, cette contribution présente la réflexion conjointe du metteur en scène et de ses proches collaborateurs sur leur processus de création. Réunis au sein de la compagnie franco-québécoise Les songes turbulents, Florent Siaud et ses collaborateurs fondent en effet une bonne partie de leur travail sur cette « rêverie commune » qui permet l’émergence et le développement des idées dans un processus dialogique dynamique : une coordination des imaginaires guidée à la fois par le cadre d’une démarche et par l’ouverture à l’imprévu. C’est avec un rare mélange de limpidité et de sensibilité que Florent Siaud parvient dans ce texte à rendre compte de la mouvante complexité du processus de création et du travail à la fois idéel et matériel du metteur en scène. Deux notes de lecture complètent ce numéro : la première, consacrée à l’ouvrage de Jane Koustas sur Robert Lepage et la scène torontoise, est signée par Nicole Nolette; la seconde, consacrée à l’ouvrage collectif dirigé par Marie-Thérèse Lefebvre sur les chroniques des arts de la scène à Montréal durant l’entre-deux-guerres, est signée par Karine Cellard. Rêver le théâtre, c’est aussi rêver cette revue que vous tenez entre vos mains. Il s’agit d’un rêve collectif, impossible à réaliser sans le concours de nombreux collaborateurs et partenaires. Les auteurs et responsables de numéros, bien sûr, qui fournissent avec leurs articles et dossiers la matière dont ce rêve est fait. Les évaluateurs dont l’expertise attentive et impartiale est indispensable à la bonne tenue d’une revue scientifique. La Société québécoise d’études théâtrales dont nous apprécions infiniment le soutien, ainsi que le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada dont la subvention renouvelée nous permet de continuer de publier et …