Je m’adapte aux circonstances et aux personnes à qui je m’adresse : jeunes du secondaire, jeunes adultes du collégial et de l’université, aspirants acteurs des écoles de théâtre, chaque groupe issu d’un contexte différent commande à l’enseignant une posture et une attitude particulières. Adaptation : c’est le mot-clé. Tout en n’oubliant jamais qu’on reçoit beaucoup de ceux à qui on enseigne. Cette ouverture m’est nécessaire dans l’élaboration de stratégies pédagogiques adaptées au groupe du moment. Je le répète, je me vois comme un facilitateur, rôle que j’ai développé en utilisant les Cycles REPÈre (REssources, Partitions, Évaluactions, représentation). Le mot le dit : il s’agit pour moi de faciliter le travail de création de la façon la plus limpide possible; ce que le mot « facilitateur » ne révèle pas, par contre, c’est que le pédagogue doit toujours garder à l’esprit que l’art est unique et personnel à chaque individu. En bref, bien que l’enseignement repose sur des bases à transmettre, l’enseignement de l’art doit reconnaître et respecter en l’élève, l’apprenti, une façon de percevoir le monde qui lui est propre. Je transmets certes mes connaissances, mais je veille à ce que chaque individu découvre que sa richesse créatrice vient de sa propre unicité. Il faut savoir reconnaître ses limites! C’est la raison pour laquelle le facilitateur, surtout dans un contexte scolaire, doit être capable de bien repérer les talents de chacun. Dans une création, tous n’ont pas des talents égaux ni de même nature. L’un des axiomes des Cycles Repère est qu’il n’y a pas de démocratie en art. J’élabore cet axiome dans mon livre sur les Cycles Repère – à paraître. Le facilitateur doit avoir la capacité de reconnaître rapidement les habiletés, les forces créatrices des individus impliqués dans un projet afin d’en maximiser les impacts au sein de son groupe de création. Il doit aussi connaître les failles de ces mêmes individus et faire en sorte d’y remédier au moyen d’exercices pratiques qui aiguisent et développent le sens de la spatialisation par exemple, ou l’audace, ou encore la confiance en soi. En résumé, on doit respecter l’individu qu’on a devant soi et qui est notre élève, le respecter dans le but de développer son unicité, et en même temps lui donner des outils pour améliorer, selon notre perspective biaisée bien entendu, sa pratique du théâtre. J’en profite ici pour mettre l’accent sur un sujet qui me préoccupe. Même s’ils ne sont pas des « acteurs », les futurs enseignants en art dramatique doivent avoir des bases solides en ce qui a trait au jeu. Il leur faut apprendre à distinguer le vrai du faux, l’authentique du chimique; être en mesure de déceler la justesse d’une réaction, la dose d’humanité nécessaire à la vérité du personnage, la pertinence d’une situation dramatique. Ce sont des notions que j’essaie de leur inculquer, tout en les invitant à voir beaucoup de théâtre et en leur citant des performances d’acteur particulièrement remarquables qu’ils sont susceptibles de voir et de revoir au cinéma par exemple. J’insiste cependant sur un point qui pourrait vous sembler en contradiction avec ce qui précède : la force d’un professeur en art dramatique est de croire, et de faire croire, que tout le monde peut jouer. Tous ne peuvent accéder au statut du grand acteur ou de l’actrice d’exception, mais si, en tant qu’enseignant, vous ne croyez pas à cette possibilité du jeu pour chacun de vos étudiants, vous vous sentirez vite limité dans vos interventions. C’est la raison pour laquelle il est si important pour le pédagogue de savoir distinguer le jeu vrai du jeu fabriqué. Ce qui …
Parties annexes
Bibliographie
- COCTEAU, Jean (1999 [1919]), « Discours du grand sommeil », Oeuvres poétiques complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade ».
- HALPRIN, Lawrence (1976 [1970]), The RSVP Cycles Creative Processes in the Human Environment, New York, Doubleday.
- VALÉRY, Paul (1960 [1896]), « La soirée avec monsieur Teste », Oeuvres, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », vol. 2, p. 9-75.