L’Annuaire théâtral
Revue québécoise d’études théâtrales
Numéro 53-54, printemps–automne 2013 Mémoires vives : théories, pratiques et politiques du répertoire au XXe siècle Sous la direction de Jeanne Bovet et Yves Jubinville
Sommaire (16 articles)
Mot des directrices
Présentation
Le répertoire en question
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Édition et répertoire national au Québec
Lucie Robert
p. 15–28
RésuméFR :
L’édition théâtrale ne conserve à la mémoire qu’une partie de la représentation. Elle suppose un travail d’écriture, c’est-à-dire de mise en forme de la parole, et elle engage l’auteur dramatique à se concevoir comme un écrivain. Enfin, elle fixe le texte de manière à peu près définitive. Quels seraient les principes qui, au Québec, ont engagé l’édition de certains textes dramatiques et pas des autres? L’édition est-elle parvenue à constituer un véritable répertoire dramatique à la disposition des troupes, ou répond-elle d’abord à d’autres impératifs (littéraires, politiques ou pédagogiques)? A-t-elle contribué à la consécration de l’auteur dramatique comme écrivain et à la formation d’un « Parnasse des auteurs dramatiques » (Bourqui, Caldicott et Forestier, Le Parnasse du théâtre, 2007)? Enfin, y a-t-il vraiment au Québec un répertoire national? Telles sont les questions qui seront ici soulevées.
EN :
The publication of a dramatic text retains only part of the memory of the dramatic performance. Publishing supposes a writing process, that is, a shaping of words, and it invites the dramatic author to conceive of himself as a writer. Moreover, a published play offers a nearly definitive version of the text. In Quebec, what principles have led publishers to privilege some dramatic texts rather than others? Has the publication of certain plays succeeded in forming an authentic dramatic repertoire available to acting troupes, or has it been primarily concerned with imperatives of a literary, political or pedagogical nature? Has it contributed to the consecration of the playwright as a writer and to the formation of a “Parnassus of playwrights”? Finally, is there truly a national dramatic repertoire in Quebec? This article attempts to answer these questions.
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De la place des spectateurs dans les mouvements de répertoire
Marie-Madeleine Mervant-Roux
p. 29–42
RésuméFR :
L’étude du répertoire privilégié par les théâtres d’amateurs et des processus selon lesquels celui-ci se constitue conduit à dissocier d’une façon générale la pratique du repertorium (de la liste), dont la fonction est d’abord la structuration du temps collectif sur des critères partagés, et celle de la sélection esthétique, censée déterminer l’inventaire des grandes oeuvres. Elle invite à examiner le rôle des spectateurs ordinaires dans la définition des choix officiellement effectués par les spécialistes de l’art théâtral.
EN :
The study of the repertoire privileged by amateur theatres and the processes by which this repertoire is constructed leads us to dissociate the practice of repertorium (of the list), whose function is primarily the organization of collective time based on shared criteria, from that of aesthetic selection, which is supposed to determine the inventory of the great works. It invites us to examine the role of the average spectator in defining the choices officially made by theatrical art specialists.
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Le(s) répertoire(s) du théâtre populaire : des rapports protéiformes à l’idée de nation
Marion Denizot
p. 43–62
RésuméFR :
Le mouvement du théâtre populaire naît, en France, au tournant des XIXe et XXe siècles, en réaction à un état du théâtre jugé décadent car soumis aux contraintes mercantiles et destiné en priorité au divertissement de la bourgeoisie. Après la période des « pionniers », marquée par les figures de Romain Rolland, Maurice Pottecher, Jacques Copeau ou Firmin Gémier, s’épanouit après la Seconde Guerre mondiale une seconde génération, représentée par Jean Vilar et les hommes de la décentralisation (Jean Dasté, André Clavé, Guy Parigot, Hubert Gignoux, Maurice Sarrazin…). Si ces artistes partagent une conception du peuple sensiblement similaire (le peuple entendu dans le sens de populus, et non comme plebs), leur rapport au répertoire diffère, entre la volonté des pionniers de fonder un nouveau répertoire et celle des héritiers de promouvoir la diffusion des chefs-d’oeuvre de l’humanité, c’est-à-dire d’un répertoire que l’on a pu qualifier de « classique », qu’il soit français ou étranger. Pourtant, au-delà de ces différences, l’article se propose de montrer comment le répertoire du théâtre populaire engage deux fonctions de la culture : une fonction intégratrice au sein d’une nation constituée par une langue commune et une fonction éducatrice au sein d’une société industrielle.
EN :
The popular theatre movement was born in France at the turn of the 19th and 20th centuries in reaction to a state of theatre deemed decadent insofar as it bowed to commercial pressures and aimed primarily to entertain bourgeois audiences. Following the period of the “pioneers” marked by the figures of Romain Rolland, Maurice Pottecher, Jacques Copeau or Firmin Gémier, a second generation came to the fore after World War II, which was represented by Jean Vilar and the advocates of decentralization (Jean Dasté, André Clavé, Guy Parigot, Hubert Gignoux, Maurice Sarrazin…). Although these artists shared a fundamentally similar conception of the people (“the people” understood in the sense of populus and not as plebs), their relationship to repertoire differed: whereas the pioneers wanted to develop a new repertoire, the heirs sought to promote the distribution of humanity’s masterpieces, that is, works that could be characterized as “classical” whether they were French or foreign. Beyond these differences, however, this article attempts to convey how popular theatre repertoire engages two functions of culture: an integrative function within a nation that shares a common language and an educative function within an industrial society.
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Les Belles-Soeurs au présent : prolégomènes à l’étude d’un lieu de mémoire québécois
Yves Jubinville
p. 63–72
RésuméFR :
Texte du répertoire, oeuvre classique, chef-d’oeuvre ou repère culturel. La terminologie utilisée pour parler de l’oeuvre-phare de Michel Tremblay, Les Belles-Soeurs, n’a cessé de s’élargir. Elle témoignerait de la pluralité de ses significations et des usages multiples dont l’oeuvre a été l’objet dans les champs esthétique (théâtral), social et culturel. Cette réalité plaide en faveur d’un modèle d’interprétation qui ne soit pas limité à celui que pratique habituellement l’historien du théâtre. Car au-delà de l’oeuvre littéraire et dramatique, Les Belles-Soeurs représente un objet dense et complexe qui commande en effet une enquête capable de prendre en compte le phénomène dans sa globalité. À la fois texte de théâtre, événement scénique, culturel et politique, fait social et fait de langage, la pièce de Tremblay, considérée sous l’angle des échos qu’elle produit dans la trame des événements et des discours qui façonnent la société québécoise, correspond parfaitement à la définition du « lieu de mémoire » développée par Pierre Nora. Cet article jette les bases d’une enquête envisagée dans la suite des travaux devant conduire à une édition critique des Belles-Soeurs. La théorie des « lieux de mémoire » y est discutée à la lumière des enjeux spécifiques au contexte québécois dans le but de saisir la pièce de Tremblay au croisement de plusieurs domaines discursifs et de régimes de temporalité.
EN :
Repertoire text, classical work, masterpiece or cultural benchmark: the terminology used to discuss Michel Tremblay’s most celebrated play, Les Belles-Soeurs, continues to expand, an apparent testimony to the plurality of its meanings and the multiple uses it has undergone in the aesthetic (theatrical), social and cultural realm. This fact calls for an interpretative model that differs from that usually employed by historians of the theatre. For beyond its literary and dramatic significance, Les Belles-Soeurs represents a dense and complex phenomenon that indeed warrants further investigation. At once a theatrical text, a staged, cultural and political event, a social fact and a language fact, Tremblay’s play, when one considers the echoes it produces in the web of events and discourses shaping Quebec society, corresponds perfectly to Pierre Nora’s definition of a “lieu de mémoire”. This article provides the basis for a study following the completion of a critical edition of Les Belles-Soeurs. The theory of “lieux de mémoire” is discussed in the light of issues specific to the Quebec context and with a view to understanding Tremblay’s play in terms of intersecting discursive domains and regimes of temporality.
L’entrée au répertoire : jeux et enjeux du classement
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L’impermanence est-elle soluble dans le répertoire?
Frédéric Maurin
p. 75–90
RésuméFR :
À partir de démarches récentes, mais aussi de pratiques plus anciennes, cet article interroge la notion de répertoire en étendant son acception dramatique d’usage à une application scénique. Au théâtre, comme à l’opéra, en danse et dans la performance, il est des gestes artistiques et des processus créateurs qui, étroitement liés aux notions voisines de reprise, de variation, de citation et, désormais, de reenactment, permettent de valider l’hypothèse que ne revient pas au seul texte l’apanage de se constituer en mémoire – une mémoire vive, susceptible d’être ranimée et rejouée, c’est-à-dire interprétée.
EN :
This article draws on both recent approaches and earlier practices to explore the notion of repertoire by extending its customary dramatic meaning and applying it to the stage. In the theatre as in opera, in dance and in performance, artistic gestures and creative processes closely linked to related notions of repetition, variation, quotation and, henceforth, reenactment support the hypothesis that the text is not the sole source for memory – a living memory that can be revived and replayed, that is, interpreted.
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La mémoire de la tradition spectaculaire dans le théâtre québécois
Hervé Guay
p. 91–104
RésuméFR :
L’auteur s’emploie dans cet article à appliquer à la scène québécoise le concept de ghosting, emprunté à Herbert Blau puis étendu par Marvin Carlson à l’ensemble de l’activité théâtrale, en repérant un peu partout dans cette tradition spectaculaire des traces du phénomène. Cette présence fantomatique de la tradition est d’abord décelable dans les textes, le plus souvent sur un mode parodique, ensuite dans le jeu des acteurs, avec tous les risques que cela comporte dans un petit marché comme le Québec, puis par la citation de productions célèbres ou de leurs propres spectacles par certains metteurs en scène. L’article se termine par un examen des lieux hantés par la présence fantomatique d’artistes de la scène, nouvelle preuve de la capacité du théâtre québécois de transmettre par des moyens proprement scéniques une mémoire de sa tradition.
EN :
This article aims to apply ghosting – a concept borrowed from Herbert Blau and extended by Marvin Carlson to theatrical activity as a whole – to the Quebec stage by pinpointing traces of the phenomenon throughout the tradition of spectacle. The ghostly presence of tradition can first be noted in texts (most often as a parody), then in actors’ performances (with all the risks this entails in a small market like Quebec), and in certain directors’ quoting of well-known productions or else of their own. The article concludes by studying the venues haunted by the presence of stage artists as new evidence of Quebec theatre’s capacity to convey, thanks to specifically theatrical methods, a memory of its tradition.
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Le naturalisme détourné : le Wooster Group face au répertoire classique
Katia Arfara
p. 105–117
RésuméFR :
Cet article est focalisé sur deux performances devenues emblématiques du travail du Wooster Group sur le répertoire, Brace up! (1991), d’après Les trois soeurs d’Anton Tchekhov, et Hamlet (2006). Il examine plus particulièrement la déstructuration de la tradition naturaliste qui a dominé la longue histoire scénique de ces « classiques » par une approche intermédiale du répertoire qui restaure un regard critique sur les esthétiques dominantes tout en maintenant la composition scénique ouverte à d’innombrables possibilités.
EN :
This article focuses on two performances that have become emblematic of the Wooster Group’s work on the repertoire: Brace up! (1991), based on Anton Chekhov’s Three Sisters, and Hamlet (2006). More specifically, the article examines the deconstruction of the naturalist tradition that dominated the long stage history of these “classics”, thanks to an intermedial approach to the repertoire, which takes a further critical look at the prevailing aesthetics while maintaining a stage composition that is open to innumerable possibilities.
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Denis Marleau met en scène Othello : une oeuvre de répertoire dans le « contre-répertoire » d’UBU
Florent Siaud
p. 119–136
RésuméFR :
Réputé pour son exploration des avant-gardes historiques, ses adaptations de récits ou son goût pour les créations, Denis Marleau a constitué au fil de l’histoire de sa compagnie de création Ubu un répertoire iconoclaste dans les marges du grand répertoire institutionnel. Durant l’automne 2007, il délaisse provisoirement les chemins inexplorés de la transposition générique ou des oeuvres rares pour aborder Othello de Shakespeare au Centre national des Arts d’Ottawa puis à l’Usine C de Montréal. Confrontation d’une pièce canonique avec un répertoire individuel à l’identité fortement marquée, cette rencontre a débouché sur un processus de mise à nu radical.
EN :
Known for his exploration of historic avant-gardes, narrative adaptations and penchant for creation, Denis Marleau has built throughout the history of his Ubu Compagnie de Création an iconoclastic repertoire on the margins of canonical repertoire. In autumn 2007, he temporarily left the unexplored paths of generic transposition and rare masterworks to focus on Shakespeare’s Othello at the National Arts Centre in Ottawa, then at Usine C in Montreal. Confronting such a canonical play with his strongly individual repertoire gave rise to a process of radical reexamination.
Les répertoires en concurrence
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Jean-Louis Roux et la mise en scène du répertoire européen : ouverture sur le présent, clôture du passé
Sylvain Schryburt
p. 139–153
RésuméFR :
L’analyse se situe autour de 1968, année charnière qui a vu, entre autres, la création des Belles-Soeurs de Michel Tremblay et l’émergence du « nouveau » théâtre québécois. Prenant l’envers de cette vague de fond du répertoire national, cet article s’intéresse plutôt à l’un des principaux opposants désignés du devenir théâtral québécois : le Théâtre du Nouveau Monde, alors sous la direction récente de Jean-Louis Roux (1966-1982). Trois études de cas (Pygmalion, Tartuffe et Le soir des rois) viennent approfondir le projet scénique du metteur en scène Roux. Ce projet est fondé sur des relectures du répertoire européen qui entrent en dialogue avec les débats sociaux de l’heure tout en s’inscrivant paradoxalement dans une histoire avortée du théâtre au Québec, dont Roux cherche à redresser la mémoire.
EN :
This analysis focuses on the period around 1968, a pivotal year that witnessed, among other things, the creation of Michel Tremblay’s Belles-Soeurs and the emergence of the “new” Quebec theatre. The author highlights the reverse side of this tidal wave in the national repertoire by examining one of Quebec theatre’s main designated opponents of innovation: the Théâtre du Nouveau Monde, at that time under the recent direction of Jean-Louis Roux (1966-1982). Three case studies (Pygmalion, Tartuffe and Le soir des rois) serve to deepen understanding of Roux’s stage project. The project was based on re-readings of the European repertoire that entered into a dialogue with the social debates of the day while participating, paradoxically, in an aborted history of Quebec theatre, whose memory Roux sought to put right.
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Caribéanisation du répertoire européen : Shakespeare revisité par les dramaturges caribéens
Stéphanie Bérard
p. 155–165
RésuméFR :
En 2005, en Martinique, José Exélis adapte Othello en Iago tandis que Yoshvani Medina transporte Roméo et Juliette au début du XXe siècle pendant le carnaval de Saint-Pierre. La reterritorialisation des tragédies shakespeariennes dans l’univers caribéen manifeste un esprit d’indépendance, d’invention, mais aussi de subversion et de contestation. Les deux dramaturges se réapproprient les codes dramatiques occidentaux, les désarticulent pour les réarticuler à la langue, à l’histoire et à la culture du monde créole afin de révéler les conflits sous-jacents de la société martiniquaise actuelle, héritière de la colonisation et tributaire des préjugés raciaux et sociaux.
EN :
In Martinique in 2005, José Exélis wrote and produced an adaptation of Othello entitled Iago, while Yoshvani Medina transported Romeo and Juliet to early 20th century Saint-Pierre during carnival time. The reterritorialization of Shakespearian tragedies to the Caribbean world demonstrates not only a spirit of independence and invention, but also one of subversion and protest by Caribbean playwrights. The two playwrights discussed here reappropriate Western theatrical conventions, break them down and reshape them within the context of Creole language, history and culture. The purpose is to highlight the underlying conflicts of contemporary Martinique society, which continues to suffer from colonialism and its legacy of racism and social discrimination.
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Faut-il oublier la création pour accéder au répertoire?
Hélène Beauchamp
p. 167–185
RésuméFR :
L’idée d’un répertoire théâtral au Québec est intimement liée à l’existence d’une dramaturgie nationale réclamée par l’auteur et metteur en scène Gratien Gélinas dès 1940. Il ouvre son théâtre de la Comédie canadienne en 1958 avec Un simple soldat de Marcel Dubé, autre auteur fondateur. À compter des années 1960, leurs pièces sont reprises et qualifiées désormais de « classiques ». Ma proposition est à l’effet qu’un répertoire est institué quand les pièces, ayant été reprises, quittent leurs premiers interprètes et gagnent en autonomie grâce à l’irrévérence et à la résistance de nouveaux metteurs en scène. Ces « classiques » sont alors traversés par d’autres imaginaires et produits selon des modes différents.
EN :
The idea of a theatrical repertoire in Quebec is closely linked to the existence of a national dramaturgy called for by the author and director Gratien Gélinas in 1940. Gélinas opened his theatre, la Comédie canadienne, in 1958 with Un simple soldat by Marcel Dubé, another founding author. Their plays were revived from the 1960s on, and henceforth described as “classical”. I propose that a repertoire is created when plays, after being revived, depart from the interpretation of the original performers and acquire autonomy thanks to the irreverence and resistance of new directors. These “classics” are then reworked by other imaginations and produced in different ways.
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Le théâtre de Claudel : création vivante d’un répertoire
Françoise Dubor
p. 187–200
RésuméFR :
Paul Claudel, réputé auteur dramatique et poète catholique, est entré dans le répertoire sous la catégorisation de son obédience religieuse. Il y a là un malentendu qui entrave sa réception : son oeuvre n’est pas le lieu d’expression de ses convictions religieuses, en revanche elle tend à redéfinir les bases mêmes du théâtre dramatique, dans un mouvement novateur qu’il est temps de reconnaître. C’est ce qu’ont fait des hommes de théâtre comme Antoine Vitez ou Valère Novarina. Il faudrait que le public, profane et savant, en prenne à son tour la mesure.
EN :
Paul Claudel, renowned Catholic playwright and poet, entered into the repertoire under the category of his religious faith. Herein lies a misunderstanding that interfered with his reception: Claudel’s work is not the place for the expression of religious convictions; rather, it tends to redefine the very bases of dramatic theatre within an innovative movement that should now be acknowledged. This has been done by theatre artists like Antoine Vitez or Valère Novarina. The time has come for the audience, laypersons and scholars alike, to acknowledge it as well.
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Poétique de la mémoire fragmentée : fondement d’un répertoire des dramaturgies contemporaines d’Afrique noire francophone
Dominique Traoré
p. 201–213
RésuméFR :
Dans le contexte africain où les institutions de formation et de production en matière d’art sont rarissimes, la notion de répertoire reste problématique. Les répertoires théâtraux s’établissent autrement que par des paradigmes liés aux instances de consécration. Ainsi, nous regroupons les théâtres de la post-indépendance (1989-2015) autour de ce que nous appelons la poétique de la mémoire fragmentée. Il s’agit d’une écriture de la dislocation des catégories dramatiques en phase avec les défis idéologiques des auteurs de l’exil, héritiers de la mondialisation culturelle. Sur cette base, nous classons ces théâtres dans le répertoire des dramaturgies de la dépossession de soi.
EN :
In Africa, where institutes for art education and production are few and far between, the notion of repertoire remains problematic. Theatrical repertoires are established by means other than paradigms designed by authorities in the field. Thus, post-independence theatre (1989-2015) shares what we call the poetics of fragmented memory. Writing of this kind involves the dislocation of dramatic categories in line with the ideological challenges of the authors of exile, heirs to cultural globalization. In consequence, we place these theatres within the dramatic repertoire of self-dispossession.
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Cosmopolitisme et nationalisme dans le théâtre d’Edmond Picard : les enjeux identitaires du répertoire théâtral en Belgique francophone à la fin du XIXe siècle
Cécile Vanderpelen-Diagre
p. 215–227
RésuméFR :
À la fin du XIXe siècle, des tentatives sont lancées pour remettre en question la mainmise de la France sur le répertoire, la direction et les troupes du théâtre francophone belge. Edmond Picard (1836-1924), avocat, mécène, écrivain et homme politique influent, tente de faire pression sur la ville de Bruxelles pour qu’elle impose à son principal théâtre parlé, le Théâtre royal du Parc, un répertoire qui s’ouvre aux auteurs étrangers et belges. Nationaliser le théâtre passe par les pièces de Tolstoï, Ibsen, Maeterlinck et Picard, qui reposent sur des propositions dramaturgiques éloignées du vaudeville français.
EN :
In the late 19th century, attempts were made to challenge France’s monopoly of the repertoire, management and acting troupes of the Belgian francophone theatre. Edmond Picard (1836-1924), lawyer, patron of the arts, writer and politician of influence, pressured the City of Brussels to oblige the Théâtre royal du Parc to adopt a repertoire open to foreign and Belgian authors. Nationalizing theatre was to be achieved through the plays of Tolstoy, Ibsen, Maeterlink and Picard, plays based on dramaturgical propositions that were a far cry from French vaudeville.