Delsarte est un homme du XIXe siècle : il naît en 1811 et meurt en 1871 à la suite du conflit franco-prussien. Il aura d’abord et avant tout été enseignant, pendant pratiquement quarante ans. Il se sera intéressé à la voix – il était d’abord chanteur –, puis à ce qu’il appelait le « langage articulé » (ce qui relève de l’énonciation vocale), enfin il accordera une importance toute particulière au corps scénique. Ce que l’histoire retient de Delsarte, c’est d’ailleurs le corps. À même son Cours d’Esthétique appliquée Delsarte énonce son système relatif aux arts (peinture, sculpture), à la musique, au chant et au théâtre, théories par lesquelles il désire embrasser les principes fondateurs de tout art. Son Cours, divisé en deux parties (l’une à caractère théorique (Esthétique), l’autre visant l’application de la première (Appliquée) connaît un succès auprès d’un public éclectique : chanteurs, orateurs, peintres, musiciens, acteurs, prêcheurs, avocats, aristocrates, etc. Originaires de toute l’Europe, ils viennent assister aux leçons du maître. À la fin de sa carrière, Delsarte reçoit un élève des États-Unis, James Steele Morrison MacKaye (1842-1894). Rapidement, tous deux se lient d’amitié. Lorsque MacKaye retourne aux États-Unis, il entreprend une campagne visant à populariser la pensée delsartienne en sol états-unien. Le 21 mars 1871, il prononce une première conférence à Boston. Plus de deux cents personnes y assistent. Par la suite, d’autres conférences ont lieu à Boston et à New York. Dès 1871, il y a engouement aux États-Unis, voire fascination pour Delsarte, et, au cours des années suivantes, le Delsarte craze s’implante en terre d’Amérique (on diffuse alors l’enseignement du maître français à toutes les sauces : les lois d’expression scéniques, bien sûr, mais aussi des exercices de respiration, de relaxation, de rythmique, des leçons de grâce féminine. On entretient les élèves au sujet de la santé, de la maladie et du vieillissement. Une compagnie de New York propose même un corset Delsarte). Au cours du XXe siècle, l’enseignement delsartien intéressera de nombreux pédagogues et praticiens, que ce soit au cinéma, au théâtre ou à la danse. Chez Delsarte, le corps constitue un lieu d’émergence propice à l’élaboration de principes expressifs où la prédominance des puissances de l’être compose une libre création de formes, soit un art qui se déduit de l’organisme. L’article d’Elena Randi s’intéresse d’abord à Delsarte, puis à la fortune de ses travaux. Randi situe les activités de Genevieve Stebbins, l’une des figures dominantes du mouvement delsartiste aux États-Unis. En 1881, Stebbins se rend en Europe étudier Delsarte ; elle popularise ensuite le système delsartien dans les milieux de l’entraînement physique et celui de l’expression non verbale (statue-posing). Une filiation s’établit entre Stebbins, Ruth St. Denis et la Denishawn School, école à partir de laquelle est issue Martha Graham, laquelle participe aux innovations du langage gestuel et chorégraphique de la danse moderne. Enfin, les études de Delsarte participent à la dynamique du geste expressif et ouvrent la voie à la pratique pédagogique d’Émile Jaques-Dalcroze et celle de Rudolf von Laban. L’activité de Dalcroze et de Laban favorise l’essor de nouvelles orientations en danse. Une telle intégration s’inscrit entre autre dans l’entreprise chorégraphique et pédagogique de Mary Wigman. Notre article s’intéresse à la « séméiotique » delsartienne, souci de systématisation du langage corporel emprunté au réseau différentiel de classification du langage mimique des XVIIe et XVIIIe siècles français. Dans le cadre de son Cours d’Esthétique appliquée, Delsarte propose, à partir d’une rigoureuse observation de gestes et d’attitudes, une classification de la part externe du langage corporel. Mais, à la …
Pratiques & travaux
François Delsarte et la fortune de ses travaux[Notice]
- Benoît Gauthier
Diffusion numérique : 7 juin 2012
Un document de la revue L’Annuaire théâtral
Numéro 49, printemps 2011, p. 153–155
Héritages et filiations du théâtre populaire
Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, Société québécoise d’études théâtrales (SQET) et Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), 2011