Le numéro 43 d’Études théâtrales, intitulé « Théâtres du pouvoir, théâtres du quotidien », propose, tel que le sous-titre du dossier l’indique, un « retour sur les dramaturgies des années 1970 ». Armelle Talbot et son équipe interrogent le mouvement qui, en 1973, s’est autoproclamé « théâtre du quotidien » et qui était composé de Michel Deutsch, de Claudine Fiévet, de Michèle Foucher et de Jean-Paul Wenzel – quatre jeunes artistes français désireux « d’arrimer le théâtre à la réalité la plus contemporaine » (p. 11). Plus précisément, c’est cette volonté de mettre en scène le quotidien – celle-là même ayant motivé les pratiques scéniques au Québec à la même époque, pratiques désignées par des appellations similaires – qui est auscultée par la douzaine de collaborateurs qui, faut-il le mentionner, ne signent pas leurs textes – il faut probablement voir là un clin d’oeil à la période étudiées, qui désirait résolument s’inscrire sous le signe du collectif. Ainsi, le geste plutôt paradoxal « de promotion de l’ordinaire de gens sans histoire au rang d’objet théâtre digne d’être représenté » et, subséquemment, « le choix d’en faire le lieu politique d’une micro-analyse des dispositifs de pouvoir » (p. 13) permet-il aux collaborateurs de convoquer Michel Foucault pour leur détermination d’un phénomène sémantiquement réversible, à savoir le pouvoir du spectacle et le spectacle du pouvoir, avec comme résultats le décloisonnement du pouvoir et la politisation du quotidien. En outre, grâce à Bertolt Brecht et quelques-uns de ses contemporains allemands (Ödön von Horváth, Marieluise Fleisser, Karl Valentin), les auteurs des articles révèlent, ou rappellent, des pratiques plurielles – ce qu’annonçait déjà le titre du dossier – à travers une approche historique puis dramaturgique. Au final, cet examen des rapports entre le théâtre et le réel aura permis d’interroger des paradigmes tels que l’intime, le réalisme et l’altérité ; bref, de concevoir la représentation, alors que « le quotidien fait émerger une nouvelle économie de la visibilité » (p. 137). Si le numéro double (44-45) d’Études théâtrales s’inscrit en quelque sorte dans la voie ouverte par la parution précédente, soit en interrogeant les « marges du répertoire » – et, par la même occasion, les processus de légitimation des différentes formes de pratiques artistiques –, il se veut cependant plus ambitieux. En effet, les responsables du dossier (Tiphaine Karsenti et Martial Poirson) ont choisi pour objet d’étude rien de moins que les « Mémoires de l’oubli » de l’Antiquité à nos jours. Divisé en quatre parties (« Formes codées, théâtralités oubliées », « Les classiques à l’envers : petits oublis pour grands auteurs », « Le poids de l’histoire : exclus d’un jour, exclus de toujours » et « Marginalité au carré : voix régionales, voix minoritaires »), le dossier pose la question toujours très actuelle du répertoire (en témoigne la tenue récente de colloques portant sur cette thématique), bien qu’elle s’appuie souvent, selon Karsenti et Poirson, sur des « problématiques désuètes » (p. 7). Le dossier se penche notamment sur les metteurs en scène et, de façon plus générale, les praticiens de la scène, « agents oubliés de l’amnésie culturelle » (p. 15) qui opèrent, par leurs choix et leurs travaux, une redéfinition des limites du répertoire. Les responsables du dossier citent d’ailleurs Gilles Deleuze et Félix Guattari afin de suggérer le traitement d’une « mise en scène en mineur » (p. 10) pour décrire, entre autres choses, les pratiques d’Antoine Vitez, cela en s’appuyant sur l’approche de Roland Barthes et des tenants de la nouvelle critique qui ont revendiqué, à partir des années 1960, le droit à la lecture …
Études théâtrales, no 43, 2008 ; nos 44-55, 2009Jeu : revue de théâtre, nos 130 à 132, 2009Revue d’histoire du théâtre, nos 1 à 3, 2009Théâtre/Public, nos 192 à 194, 2009[Notice]
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Sylvain Lavoie
Université de Montréal