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Au risque d'abuser de la métaphore, on serait tenté de reprendre ici le vieil adage selon lequel " le soleil ne se couche jamais sur l'Empire ". À la différence que, cette fois, les soldats britanniques auront fait place aux saltimbanques qui sévissent, de nos jours, sur toutes les grandes scènes du monde. De Orlando à Macao, de Montréal à Singapour, l'astre lumineux du théâtre québécois, le Cirque du Soleil, n'en finit pas de faire courir les foules partout et d'engranger les profits.
Le parallèle avec l'entreprise coloniale fera certes sourire ceux-là qui connaissent le passé difficile du théâtre canadien à l'ère des tournées anglaises et américaines et sous le régime du grand Trust. Douce revanche que celle du Cirque du Soleil qui, porté par une mondialisation d'un nouveau genre, a su non seulement exporter ses produits de par le monde, mais surtout façonner un modèle de divertissement qui, depuis, fait fortune, pour ne pas dire " système ".
Le dossier que nous présentons dans ce numéro 45 de L'Annuaire théâtral traite du succès planétaire de ce qui a d'abord été une petite compagnie, issue de la région de Charlevoix, vouée au théâtre de rue dans les années 1980. La trajectoire de ses fondateurs (Guy Laliberté et Daniel Gautier) est bien connue ; mais l'on sait moins, en revanche, comment s'est véritablement effectué le passage de l'itinérance sur les routes du Québec à l'ubiquité dont fait preuve l'entreprise milliardaire.
La clé du mystère, s'il en est un, se nomme Las Vegas. Alors que son identité esthétique était déjà acquise, l'on verra, dans les articles qui forment ce dossier, comment la marque de commerce du Cirque s'est patiemment constituée autour d'un pôle économique et d'une conception de la culture comme simulacre permanent. C'est en effet sur le terreau végassien, ville fondée en 1855 (par les Mormons) mais réinventée dans les années 1930 grâce à des lois favorisant l'essor du jeu, que le projet du Cirque du Soleil s'est, pourrait-on dire, concrétisé, ouvrant ainsi la voie à d'autres produits du spectacle mondialisé, notamment celui de Céline Dion qui a longtemps fait la fierté des nombreux Québécois visitant Sin City.
C'est d'ailleurs sous le thème de cette appartenance identitaire paradoxale que s'est élaboré ce dossier. Spécialiste du théâtre, son responsable, Louis Patrick Leroux, interroge aux côtés de ses collaborateurs les liens qui unissent l'entreprise circassienne avec la société dont elle est issue. Comment s'imprime le label Québec sur les spectacles du Cirque du Soleil ? Quelles sont les répercussions de cette activité qui mobilise des centaines d'artisans et d'artistes d'ici sur la vie culturelle québécoise ? Autant de questions qui, pour une revue qui s'intéresse aux affaires du théâtre, ne peuvent être ignorées quand on sait combien l'horizon que dessine le Cirque du Soleil dans le ciel québécois inspire autant les ambitions des uns qu'il drape les autres dans un tissu d'illusions.
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Le présent numéro de L'Annuaire théâtral est, cette fois encore, l'occasion d'un renouvellement au sein de son équipe de direction. Nous sommes très heureux en effet de compter parmi nous un nouveau rédacteur en chef adjoint, responsable de la section " Pratiques et travaux ", en la personne de Sébastien Ruffo. Ce dernier est professeur au Collège militaire royal du Canada (Kingston, Ontario), après avoir enseigné aux universités Queen's, de Bologne et de Montréal. Spécialiste de théâtre et de littérature québécoise, il s'intéresse, entre autres, aux questions de la voix, de la performance, de la réception, de l'éthos et des processus de création. Nous accueillons également une nouvelle collaboratrice, Tanya Déry-Obin, étudiante aux études supérieures à l'Université Concordia à Montréal, qui sera chargée de rédiger la " Revue des revues de langue anglaise ". Nous leur souhaitons la bienvenue.
Un dernier mot, en guise d'hommage, s'adresse enfin à nos collègues de la revue d'études théâtrales Théâtre/Public, associée de longue date au Théâtre Genneviliers, qui décidait récemment de mettre en suspens cette publication après une période intense de relance qui n'a visiblement pas donné les résultats escomptés. Si nous nous réjouissions dans notre dernière livraison du solide appui que nous recevons du CRSH, il en va tout autrement pour nos collègues français qui assistent, depuis quelques années, à un effritement des conditions de la recherche comme de celles entourant la vie artistique et intellectuelle. Théâtre/Public occupait une place centrale dans le paysage théâtral français et européen depuis ses débuts en 1974 et n'a pas manqué de faire aussi sa marque au Québec en proposant des dossiers sur le théâtre d'ici, tout en suivant régulièrement nos auteurs et créateurs scéniques invités sur les scènes du monde. Elle laisse conséquemment un grand vide qui, on l'espère, ne tardera pas trop longtemps à être comblé.