Résumés
Résumé
Cet article propose une analyse de la manière dont la notion de subjectivité est travaillée par les femmes qui ont tenu, entre 1976 et 1978, la revue féministe Les Têtes de pioche. Pour les radicales qui y écrivent, engager sa subjectivité consiste d’abord à raconter son expérience et à exposer son point de vue particulier parce que « la vie privée est politique », que l’expérience vécue produit une forme de savoir sur la société et que la conjonction de tous les singuliers révèle les communs. Les féministes entrent ainsi dans l’action en tant que mouvements et identités à la fois situées, subjectives et collectives, en réfléchissant à la manière dont il leur faut articuler les intérêts communs et les singularités de chacune. Toutefois, la fin des Têtes de pioche est marquée par des conflits qui révèlent la difficulté inhérente à ces partis pris militants : entre gauchistes et radicales ou entre hétérosexuelles et lesbiennes, le dialogue paraît parfois irréconciliable. L’expérience singulière et la vie privée de chacune entrent en opposition avec la nécessité d’une lutte politique commune de telle sorte que la mise en scène des subjectivités finit par prendre toute la place : les « subjectivités engagées » se prennent aussi, parfois, à leur propre piège.
Abstract
This article offers an analysis of the way in which the notion of subjectivity is worked on by the women who ran the feminist journal Les Têtes de pioche between 1976 and 1978. For the radicals who wrote in it, engaging one’s subjectivity consists first of all in telling one’s experience and putting forward one’s particular point of view – because “the private is political,” one’s experience produces a form of knowledge about society, and the conjunction of all the singulars reveals the common. Feminists thus enter into action as movements and situated, subjective and collective identities, while reflecting on how they need to articulate common interests and the singularities of each woman. However, the end of Les Têtes de pioche is marked by conflicts that reveal the difficulty inherent in these militant committed stances: between leftists and radicals, or between heterosexuals and lesbians, the dialogue sometimes seems irreconcilable. The singular experience and private life of each woman clash with the need for a common political struggle, and performing subjectivities ends up leaving them the whole stage: the “committed subjectivities” also sometimes get caught in their own trap.
Parties annexes
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