Résumés
Résumé
Cette contribution a pour ambition de démêler les fils entre olympisme, paralympisme et deaflympisme en relation avec la participation sociale des sourds dans le sport, en prenant appui sur les premiers Jeux internationaux silencieux d’été de Paris en août 1924 et les derniers Deaflympics d’hiver en Turquie en mars 2024, sachant que les dirigeants sourds sportifs historiques, ceux de the International Committee of Sports for the Deaf (ICSD) luttent depuis une quarantaine d’années pour ne pas être intégrés au mouvement paralympique et à the International Paralympic Committee (IPC). En effet, les sourds sportifs refusent toujours leur statut de personnes en situation de handicap. Tout au contraire, et si leur niveau sportif le permet comme à Paris en juillet et août 2024, sept sportifs sourds ont participé aux compétitions et aux Jeux olympiques pour montrer à la communauté entendante internationale toute la normalité dont les sourds sont porteurs lorsqu’ils pratiquent les sports et l’éducation physique.
Pour les sourds sportifs de l’ICSD, la surdité ne se résume pas à une perte auditive physiologique et évaluable avec des appareils, mais à une façon d’être au monde originale qui renvoie à un style de vie, à une identité propre, à une culture particulière et à une langue, la langue des signes (LS), qui prend naissance et se construit au cours d’expériences au sein de la communauté des sourds et notamment dans les clubs sportifs sourds. Être sourd sportif apparaît alors comme une construction sociale. On ne naîtrait pas sourd, on le deviendrait et ce, à différents moments de sa vie et à différentes occasions dans le cadre d’un processus qui se construirait dans un rapport à l’autre, à l’altérité. L’identité sourde sportive serait alors donnée par son appartenance à un club sportif, un club dit sourd au sein duquel, le sourd pratique un sport organisé par les sourds pour les sourds, un sport qui existe depuis près de cent-cinquante ans et qui souhaiterait poursuivre sa tâche alors qu’il est en danger de disparition si celui-ci se diluait dans le parasport ou le paralympisme comme certains sourds le souhaitent aujourd’hui afin de bénéficier de tous les avantages et les aides que procurerait ce rattachement en termes de suivi parasportif, de préparation physique et de récompenses financières. On assisterait alors à un changement radical de paradigme.
Mots-clés :
- Altérité,
- Culture sourde,
- Deaflympics,
- Deaflympisme,
- Identité sourde,
- International Committee of Sports for the Deaf (ICSD),
- Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024,
- Langue des signes,
- Olympisme,
- International Paralympic Committee (IPC),
- Paralympisme,
- Sportif sourd,
- Sourd sportif
Abstract
This contribution aims at untangling the threads between Olympism, Paralympism and Deaflympism in relation to the social participation of deaf people in sport, drawing on the first International Silent Summer Games in Paris in August 1924 and the last Winter Deaflympics in Turkey in March 2024, knowing that the historical deaf sports leaders, those of the International Committee of Sports for the Deaf (ICSD) have been fighting for forty years not to be integrated into the Paralympic movement and the International Paralympic Committee (IPC). Indeed, deaf athletes still refuse to be regarded as people with disabilities. On the contrary, and if their sporting level allows it, as in Paris in July and August 2024, seven deaf athletes participated in the competitions and the Olympic Games to show the international hearing community all the normality of deaf people when they practice sports and physical education.
For the deaf athletes of the ICSD, deafness is not limited to a physiological hearing loss that can be assessed with devices, but to an original way of being in the world that refers to a lifestyle, a specific identity, a particular culture and a language, sign language (SL), initiated and constructed during experiences within the deaf community and in particular in deaf sports clubs. Being a deaf athlete then appears as a social construction. One was not born deaf but becomes deaf, and this, at different times in one's life and on different occasions within the framework of a process that is constructed in a relationship with the other, with otherness. The deaf sports identity would then be given by its membership in a sports club, a so-called deaf club within which the deaf person practices a sport organized by the deaf for the deaf, a sport that has existed for nearly one hundred and fifty years and is wished to continue its task while it is in danger of disappearing if it were diluted in para-sport or paralympism as some deaf people wish today in order to benefit from all the advantages and aid that this attachment would provide in terms of para-sport monitoring, physical preparation and financial rewards. We would then witness a radical paradigm shift.
Keywords:
- Otherness,
- Deaf Culture,
- Deaflympics,
- Deaflympism,
- Deaf Identity,
- International Committee of Sports for the Deaf (ICSD),
- Paris 2024 Olympic and Paralympic Games,
- Sign Language,
- Olympism,
- International Paralympic Committee (IPC),
- Paralympism,
- Deaf Athlete,
- Athlete Deaf
Parties annexes
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