Corps de l’article
Résumé
Comment conduire la transformation du secteur médico-social tout en se référant à une approche interactionniste du handicap? Comment mettre en place des logiques de parcours, des dispositifs innovants qui soient respectueux des droits des personnes, qui favorisent leur expression, leur participation?
C’est à ces questions que nous tentons de répondre dans cet ouvrage. À partir de nos travaux respectifs, nous proposons une réponse à double entrée. Tout d’abord, nous traitons de la notion d’autodétermination. Nous montrons comment son usage permet de valoriser les choix et décisions des personnes en situation de handicap dans la construction de leur accompagnement. Nous interrogeons la façon dont cette autodétermination interagit avec l’environnement et identifions les enjeux qui en découlent. L’autodétermination n’émerge pas de la simple volonté de quelques personnes. Il ne suffit pas de se former à l’autodétermination pour la mettre en oeuvre. Cette mise en oeuvre ne peut prendre sens que dans des environnements favorables, dans la prise en compte des limitations des acteurs produites par cet environnement.
Si la première entrée est du côté de l’individu, de son autodétermination, la seconde est du côté du collectif. Cette seconde entrée nous amènera à questionner la notion de désinstitutionnalisation, souvent réduite à tort à la fermeture d’établissements spécialisés. Nous montrons que la désinstitutionnalisation est un processus indispensable à toute innovation, à toute transformation organisationnelle. En nous appuyant sur les travaux de Castoriadis et son approche processuelle de l’institution, entre autres, nous définissons la désinstitutionnalisation comme le travail de remise en cause des croyances et représentations qui fondent l’action collective au sein d’une organisation.
Ainsi, la dynamique de transformation de l’offre médico-sociale masque mal l’immobilisme institutionnel du secteur : la difficulté à remettre en cause les croyances qui l’ont fondé. En premier lieu de ces croyances, le travail sur l’autodétermination révèle une prédominance des logiques de protection de la part des associations, des accompagnants. La notion de risque n’y est pas discutée, pas réfléchie alors même qu’elle est centrale dans la perspective d’un accompagnement qui conduirait vers davantage d’autodétermination.
Penser la « dignité du risque » serait une manière, selon nous, de mettre à distance les logiques de protection qui dominent ces organisations. Le refus du risque, tel que nous l’avons observé, repose sur une représentation négative des personnes accompagnées, définies par leurs incapacités, leurs déficiences. Nous qualifions ces représentations de présomption d’incompétence. La transformation de l’offre médico-sociale, si elle ne permet pas la remise en cause de ces représentations, n’aboutira qu’à des changements cosmétiques, des modifications organisationnelles. La nécessaire transformation du secteur est du côté de notre façon de nous représenter ces personnes, du côté de l’institutionnalisation de ces représentations incapacitantes qui obèrent la participation sociale des personnes en situation de handicap.