Volume 93, numéro 3, septembre 2017
Sommaire (6 articles)
Articles
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SYMPOSIUM SUR LA FISCALITÉ
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LES ENJEUX D’EFFICIENCE ET LA FISCALITÉ
Jean-Denis Garon et Alain Paquet
p. 297–337
RésuméFR :
Cet article passe principalement en revue différentes questions liées aux impacts de la fiscalité sur l’efficience et discute de propositions clés de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise (CEFQ). Tout en faisant référence à des propositions de réformes majeures à l’étranger, à l’aide d’une recension de la littérature, il présente les grands principes économiques sur lesquels doit reposer une révision du système fiscal. Il fait notamment ressortir le rôle des taux effectifs marginaux d’imposition et différents aspects à considérer lors d’une restructuration d’une taxe sur la consommation. Ceux-ci incluent le mode de prélèvement fiscal qui peut différer d’un prélèvement d’une taxe indirecte sur la valeur ajoutée, de la pertinence ou non d’appliquer un taux uniforme, etc. D’autres questions sont aussi abordées telles que les taxes sur les revenus du travail et du capital, de même que la taxation environnementale.
En Grande-Bretagne en 1978, le rapport Meade faisait émerger plusieurs idées importantes telles que : privilégier la taxation du revenu dépensé (consommation) à un taux uniforme pour détaxer l’épargne, réduire les taux de taxation statutaire sur le revenu, abolir des échappatoires fiscales et réformer l’imposition sur les héritages. En 2011, le rapport Mirrlees s’est concentré sur la réduction des effets distortifs de la fiscalité au Royaume-Uni en maintenant les recettes du gouvernement constantes et en affectant le moins possible la redistribution des revenus. Le rapport recommande un impôt sur le revenu progressif et transparent sur le revenu des particuliers. Par ailleurs, quant à l’impôt sur les rendements du capital, le système fiscal devrait être neutre en évitant d’influencer le calendrier et la nature des investissements.
Des éléments de théories viennent appuyer les arguments de Meade et Mirrlees. Le modèle néoclassique canonique permet de tirer plusieurs conclusions quant aux effets de la fiscalité sur l’efficacité économique. Notamment, il est préférable que les taux marginaux de taxation varient peu à travers le temps, car de trop grandes variations pousseront les ménages à modifier leurs décisions intertemporelles quant à leur consommation et leur travail à travers le temps, occasionnant ainsi des pertes sèches dans l’économie. Les taxes sur le revenu du travail et sur la consommation vont impacter sur les choix de consommation et de travail des ménages. Les taxes sur le revenu du capital ont à la fois des impacts sur la capacité de production future et les choix intertemporels des ménages.
Plusieurs considérations doivent être prises en compte pour analyser la taxation des rendements du capital, qui tendent à décourager l’investissement privé. Premièrement, le gouvernement doit être intertemporellement cohérent, notamment si on veut éviter le recours à une taxe confiscatoire sur l’ensemble du revenu du capital. Deuxièmement, une taxe sur les rendements du capital est une taxe sur la consommation future. Troisièmement, pour des biens intermédiaires produits en situation de concurrence imparfaite, tout comme le mark-up inhérent au pouvoir de marché des firmes, l’impact d’une taxe sur revenu du capital sur l’investissement peut être accentué. Des considérations similaires s’appliquent également à l’investissement en capital humain. Par ailleurs, en présence d’agents hétérogènes soumis à des risques spécifiques non diversifiables, une taxe sur les rendements du capital pourrait être optimale afin d’éviter une épargne excessive.
Les agents économiques peuvent être très sensibles à une hausse de la taxation des revenus du travail. Selon les cas, elle peut les pousser à réduire le nombre d’heures travaillées (à la marge intensive), à quitter le marché de l’emploi (à la marge extensive), à rechercher des formes de rémunération du travail non imposées ou moins imposées, voire à adopter des stratagèmes d’évitement fiscal, ou carrément se tourner vers l’économie clandestine. Tout en reconnaissant l’existence d’un débat sur l’ampleur empirique de chacun de ces effets, plusieurs travaux récents suggèrent que les impacts macroéconomiques sur les marges intensive et extensive peuvent être plus importants qu’on le pensait, surtout en fonction de l’âge et de la situation familiale des ménages. En outre, un impact négatif significatif de l’imposition des revenus du travail se ferait sentir sur l’accumulation de capital humain.
D’autre part, en raison de l’interaction et du calcul applicable aux multiples crédits d’impôt existants de différents niveaux de gouvernement, les taux effectifs marginaux d’imposition sur le revenu du travail, notamment au Québec, sont souvent très élevés pour des travailleurs à faibles et moyens revenus, avec des effets désincitatifs vraisemblablement significatifs sur l’emploi. Un bouclier fiscal, dans la foulée d’une des recommandations de la CEFQ, peut compenser, dans une certaine mesure, la non-éligibilité partielle ou totale d’aides gouvernementales survenant avec une hausse du revenu personnel. Cette question mérite que les gouvernements y accordent une attention soutenue.
La réforme proposée par la CEFQ a pour objectif de réduire les distorsions économiques causées par le système fiscal. La CEFQ propose notamment de taxer davantage la consommation et de réduire la taxation des intrants. Elle privilégie la TVQ à taux uniforme en tant que principal moyen de taxer la consommation, tout en préservant des biens détaxés. Pourtant, Boadway et Pestieau (2003) énumèrent des situations où il serait optimal de différencier les taux de taxation sur les biens, même en présence d’un impôt direct linéaire. Par souci d’équité, il est toutefois nécessaire de bonifier le crédit d’impôt pour solidarité pour les ménages à faibles revenus. Ces différentes questions font l’objet d’une réflexion approfondie.
Les taxes environnementales viennent, avant toute chose, corriger les externalités négatives générées par l’activité économique. À l’instar des autres formes de taxation, elles génèrent tout de même des distorsions, qui réduisent l’assiette fiscale. De plus, une littérature émergente sur les changements technologiques « dirigés » montre que la combinaison de taxes sur le carbone et de subventions de recherche pour stimuler l’innovation et le développement de technologies propres peut être socialement optimale, lorsque des technologies propres et polluantes sont en concurrence.
Réformer la fiscalité est une tâche de grande ampleur. De telles réformes affectent le quotidien des citoyens et suscitent des débats et les oppositions de certains groupes et personnes à une telle démarche. Pour augmenter les chances de succès d’une telle entreprise, et notamment sa faisabilité politique, le Québec aurait avantage à s’inspirer d’expériences ailleurs dans le monde. La proposition de réforme fiscale doit se fonder sur la science et sur les bonnes pratiques suggérées à la fois par les enseignements microéconomiques et macroéconomiques de la théorie de la taxation, ainsi que ceux tirés de la recherche empirique. Sans atteindre la perfection, tout en tenant compte des impondérables et des exigences démocratiques, un système fiscal peut être plus performant sur le plan de l’efficacité et de l’équité à la condition qu’un gouvernement fasse preuve de vision, de profondeur, de transparence et de volonté.
EN :
Issues on Efficiency and Taxation. This article mainly reviews various issues related to the impacts of taxation on efficiency and discusses key proposals made by the Québec Taxation Review Committee (QTRC). While referring to major proposals for tax reform from abroad, it presents major economic principles that should underlie a review of the tax system. While offering a survey of the literature, the paper highlights the role of effective marginal tax rates, as well as different issues worth considering if a consumption tax is restructured. These include: how the consumption tax is levied, as it can differ from a usual indirect value-added tax, whether a uniform rate should be applied, etc. The paper also addresses other issues, such as labour and capital income taxation, as well as environmental taxation.
In Britain in 1978, the Meade report brought out several important ideas such as: to favour a taxation of spent income (consumption) at a uniform rate, while detaxing savings to reduce statutory tax rates on income, to abolish tax loopholes and to reform the taxation of inheritances. In 2011, the Mirrlees report focused on reducing the distortive effects of taxation in the UK while maintaining government revenues constant and affecting income redistribution as little as possible. The report recommended a progressive and transparent personal income tax. Furthermore, regarding the taxation on capital income, it advocated that tax system should be neutral, in the sense that neither the timing, nor the nature of investments be impacted.
Meade’ and Mirrlees’ arguments can rely on many elements of theory. The canonical neoclassical model leads to several conclusions about the effects of taxation on economic efficiency. In particular, it is preferable that marginal tax rates vary little over time, as large variations will lead households to alter their intertemporal consumption and work decisions, thus causing economic deadweight losses. Taxes on labour income and consumption will impact on the households’ decision about consumption and work. Taxes on capital income have both impacts on future production capacity and the intertemporal choices of households.
Several considerations must be taken into account when analyzing the taxation of capital income, and its detrimental effect on private investment. First, the government must be time consistent, especially to prevent the use of a confiscatory tax on all capital income. Second, a tax on capital income is a tax on future consumption. Third, for intermediate goods produced by imperfect competition, similarly to the markup inherent to the firms’ market power, the impact on investment from a tax on capital income can be exacerbated. Similar considerations also apply to the effect of taxes on human capital investment. Moreover, in the presence of heterogeneous agents who are subjected to idiosyncratic undiversifiable risks, a tax on the return of capital could be optimal to mitigate excessive savings.
Economic agents can be very sensitive to an increase in the taxation of labour income. It may cause them either to reduce the number of hours worked (at the intensive margin), to leave the labour market (at the extensive margin), to seek forms of untaxed or lower-taxed labour compensations, to adopt tax avoidance schemes, or to engage outright in activities in the underground economy. While there is a debate on the empirical magnitude of each of these effects, recent studies suggest that the macroeconomic impacts on the intensive and extensive margins may be greater than previously thought, especially for households and workers of various ages and family situations. Moreover, a significant negative impact of the taxation of labour income would be felt on human capital accumulation.
On the other hand, because of the interaction and working of many existing tax credits at various government levels, the marginal effective tax rate on labour income, particularly in Quebec, is often very high for workers with low and middle income, with likely significant disincentive effects on work. Following recommendations of the QTRC, some tax shield can, to some extent, compensate for the partial or total non-eligibility of individuals to some tax credits when one’s personal income increases. Governments should be keenly aware of this issue.
The QTRC’s proposed reform aims to reduce economic distortions caused by the tax system. In particular, the QTRC suggests to increase consumption taxes and to reduce taxation of inputs. It also favours a higher flat QST rate as a primary means of taxing consumption, while preserving exemptions of some goods. As shown by Boadway and Pestieau (2003), there are situations where differentiated tax rates on consumption would be optimal, even if the government has access to direct linear taxes. For equity reasons, however, it remains necessary to enhance the solidarity tax credit for low-income households. The paper addresses these issues in depth.
Environmental taxes, above all, aim at correcting negative externalities generated by economic activity. Like other forms of taxation, they generate their own distortions that may reduce the tax base. In addition, an emerging literature on directed technological change shows that the combination of carbon taxes and research subsidies to stimulate innovation and the development of clean technologies can be socially optimal when clean and polluting technologies are in competition.
Reforming taxation is a major task. These reforms affect the daily life of citizens and arouse debates and opposition from some groups and persons. To increase the chances of success of such an endeavour, as well as its political feasibility, the Quebec government would do well to draw lessons from experiences elsewhere. A tax reform proposal must be based on science and the best practices supported by the implications of both the micro and macro theories of taxation, as well as from empirical research. While it is not possible to reach perfection, while acknowledging contingencies and democratic requirements, it is possible to design a more performing tax system on the grounds of both efficiency and equity. That is, provided that a government shows vision, depth, transparency and political will.
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TAX REFORM IN QUÉBEC: AN ALTERNATIVE VISION
Robin Boadway et Jean-François Tremblay
p. 339–366
RésuméEN :
Recent evidence indicates that income and wealth inequality have been increasing, while the tax-transfer system has not responded. If anything, progressivity has decreased and capital income has become increasingly sheltered. Arguably, a significant amount of the increase in inequality reflects windfall gains or rents to various taxpayers, both individuals and firms. Recent proposals by the Mirrlees Review, drawing on lessons from optimal tax analysis, include some ways that the tax system can be reformed to tax windfall gains, albeit in a context limited by distribution-neutrality. We propose a tax reform agenda for Québec and Canada that can both improve efficiency and fairness. Our proposals contrast with those of the Québec Taxation Review Committee.
In our view, there is a strong case for taxing capital income as part of redistribution policy, in part because capital income includes unexpected gains, or rents, that accrue disproportionately to high-income persons. Our preferred treatment of capital income at the personal level would include the following. First, strict limits on tax sheltering should be maintained to ensure that some capital income is taxable for high-income persons. Contribution limits should be more generous for RRSPs than for TFSAs given that unexpected returns are taxed under the former but exempted under the latter. Second, capital gains on housing, above some lifetime exemption level, should be taxed. Third, a tax on large inheritances should be introduced to reduce the intergenerational transmission of wealth inequality and promote equality of opportunity.
At the corporate level, we recommend a fundamental change in the role that the system is meant to play. The current system, which is designed to serve as a withholding device for the personal tax by taxing shareholder income at source, should be replaced by a cash-flow tax system, or equivalently a rent-based corporate tax. This recommendation is motivated by the fact that the corporate tax on normal risk-adjusted return is largely shifted to labour given the high degree of international capital mobility. Moreover, the withholding role of the corporate tax has become unnecessary given that most capital income is now sheltered from the personal tax. Among the different cash-flow equivalent taxes available, the allowance for corporate equity tax would be the easiest to implement. It would simply involve adding a deduction for the cost of equity finance at the risk-free interest rate in addition to the deductions for interest and depreciation that currently exist. The adoption of a cash-flow equivalent tax would mitigate the disincentives for investment, innovation and growth that the current system imposes. As well, it would eliminate the incentive to finance investment by debt.
In addition, we argue that the integration of the personal and corporate income taxes has become largely unnecessary. Therefore, we recommend eliminating the dividend tax credit and the preferential treatment of capital gains. Doing so would also offset the revenue cost of adopting a rent-based corporate tax.
The same tax base should apply to incorporated and unincorporated businesses. The small business deduction should be maintained, given that it compensates for the imperfect refundability of tax losses for bankrupt firms. However, cumulative lifetime limits should be adopted so firms are not rewarded for staying small.
Increased income inequality calls for more progressivity of the tax system both at the top and bottom of the income distribution. This could be achieved by adding a new tax bracket for the top decile of taxpayers and making all tax credits refundable.
To maintain some harmonization, these reforms should ideally be adopted by both orders of government. However, several proposals could be adopted unilaterally by the Québec government with relatively little difficulty.
FR :
Une vision alternative de réforme fiscale pour le Québec. – L’évidence empirique récente indique que les inégalités de revenu et de richesse ont augmenté sans être compensées par des changements au système d’imposition et de transferts aux particuliers. La progressivité du système fiscal est limitée et les abris fiscaux s’appliquant aux revenus du capital se sont accentués. Une partie importante des inégalités croissantes sont le résultat de rentes économiques à divers contribuables, particuliers ou entreprises. Le récent rapport Mirrlees, qui s’appuie sur l’état des connaissances en matière de fiscalité optimale, a proposé un certain nombre de réformes fiscales visant l’imposition des rentes, quoique dans un contexte de neutralité distributive. Nous proposons un programme de réformes fiscales pour le Québec et le Canada qui peut à la fois améliorer l’efficacité et l’équité. Plusieurs de nos propositions diffèrent de façon importante de celles de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise.
À notre avis, la taxation des revenus du capital demeure très pertinente. Elle constitue un complément aux politiques de redistribution, notamment parce que les revenus du capital incluent des rentes économiques bénéficiant de façon disproportionnée aux individus à revenus élevés. Au niveau de l’imposition des particuliers, nous privilégions un système de taxation des revenus du capital comportant les éléments suivants. Premièrement, les abris fiscaux tels que le régime enregistré d’épargne retraite (REER) et les comptes d’épargne libre d’impôts (CÉLI) devraient être limités de façon à s’assurer qu’une partie importante des revenus de capital des individus à revenus élevés soit imposable. Il est préférable que les plafonds de contribution soient plus généreux pour le REER que pour les CELI étant donné que les gains inattendus et les rentes économiques sont imposables dans le cadre du REER mais ne le sont pas dans le cadre des CELI. Deuxièmement, les gains en capital sur les résidences principales, au-delà d’une exonération cumulative maximale, devraient être imposables. Troisièmement, un impôt sur les successions, qui surpassent un seuil d’exonération relativement élevé, devrait être introduit de façon à réduire la transmission des inégalités de richesse entre générations et de favoriser l’égalité des opportunités.
Nous recommandons un changement fondamental au rôle joué par le système d’imposition des entreprises. À notre avis, le système actuel, qui agit principalement comme mécanisme de retenue à la source de façon à éviter que les actionnaires puissent reporter ultérieurement le paiement d’impôt sur les profits, devrait être remplacé par un impôt sur les flux monétaires des entreprises, ou de façon équivalente, un impôt sur les rentes économiques. Cette recommandation est notamment justifiée par le fait que l’incidence de l’impôt qui s’applique sur le rendement normal du capital ajusté pour le niveau de risque est supportée en grande partie par la main-d’oeuvre étant donné la forte mobilité internationale des capitaux. De plus, le mécanisme de retenue à la source que constitue le système d’imposition actuel n’est plus requis dans la mesure où une proportion élevée des revenus du capital bénéficie d’abris fiscaux. Plusieurs types d’impôts sur les flux monétaires des entreprises, ou sur les rentes économiques, sont équivalents. Parmi ceux-ci, le système qui consiste à accorder une déduction fiscale pour fonds propres au taux d’intérêt exempt de prime de risque, en plus des déductions pour paiements d’intérêts et pour amortissement, pourrait être mis en place sans difficulté. L’adoption d’un impôt sur les rentes économiques permettrait d’atténuer les effets dissuasifs du système actuel sur l’investissement, l’innovation et la croissance. L’incitation à financer les investissements par emprunts serait également éliminée.
De plus, nous croyons que les mesures d’intégration des systèmes d’imposition des particuliers et des entreprises ne sont plus nécessaires. Ainsi, nous recommandons l’abolition du crédit d’impôt pour dividendes et de la déduction pour gain en capital. Ces mesures permettront également de compenser l’effet de l’adoption d’une déduction fiscale pour fonds propres sur les revenus du gouvernement.
Les entreprises incorporées et non incorporées devraient être imposées de la même façon. La déduction pour petite entreprise devrait être maintenue. Elle permet notamment de compenser pour le traitement fiscal asymétrique des profits et des pertes, particulièrement dans le cas des entreprises qui déclarent faillite. Cependant, une limite cumulative à vie devrait être introduite, ce qui permettrait d’atténuer l’effet dissuasif sur la croissance des petites entreprises.
La croissance des inégalités justifie un niveau accru de progressivité dans le système d’imposition des particuliers, autant au bas qu’au haut de la distribution des revenus. Pour ce faire, nous proposons d’ajouter un palier d’imposition s’appliquant au décile supérieur des revenus et de rendre remboursables tous les crédits d’impôts.
Pour assurer l’harmonisation des systèmes d’imposition, il serait préférable que les réformes proposées soient adoptées par les deux ordres de gouvernement. Cependant, plusieurs d’entre elles pourraient aisément être mise en place unilatéralement par le gouvernement du Québec.
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Réforme fiscale : quel rôle pour les modèles d’équilibre général calculable?
André Lemelin et Luc Savard
p. 367–403
RésuméFR :
Dans cet article, nous présentons les deux outils les plus utilisés pour analyser l’impact de réformes fiscales à savoir le coût marginal des fonds publics (CMFP) en équilibre partiel et les modèles d’équilibre général calculable (MEGC). Nous nous attardons ensuite aux MEGC et nous discutons leurs forces et faiblesses comme outils d’analyse économique. Puis, nous examinons quels comportements d’agents économiques sont principalement affectés par des réformes fiscales et comment ils peuvent être pris en compte dans les MEGC. Finalement, nous passons en revue un échantillon d’applications de modèles EGC appliqués à l’évaluation de l’impact de réformes fiscales sur l’efficacité et l’équité. Nous concluons avec quelques remarques sur la pertinence de la littérature quant aux politiques et nous formulons des recommandations sur la façon d’utiliser les modèles EGC pour apporter une contribution valide aux débats autour de réformes fiscales.
EN :
In this paper, we present two of the methods most frequently used to analyze the impact of fiscal reform: the partial-equilibrium marginal cost of public funds (MCPF) approach, and computable general equilibrium (CGE) modelling. We then focus on CGE models, discussing their strengths and weaknesses as tools for economic analysis. Next we examine which behaviors of economic agents are mainly affected by fiscal reforms, and how these can be handled in CGE models. Finally, we review a sample of CGE models applied to the evaluation of impacts on efficiency and equity. We conclude with remarks on the policy-relevance of the literature, and recommendations on how to use CGE models to make a valid contribution to debates around fiscal reform.
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Fiscalité des entreprises et paradis fiscaux : une étude sur données canadiennes
Julien Martin et Cristian Stratica
p. 405–439
RésuméFR :
Le recours à l’évitement fiscal est un phénomène largement documenté dans la littérature économique et comptable, quoique peu d’études traitent de l’évitement fiscal des multinationales canadiennes. Cet article dresse un portrait de l’évolution de l’imposition des entreprises canadiennes et de leur recours aux paradis fiscaux. Une évaluation des pertes associées au recours aux paradis fiscaux est proposée.
Les multinationales utilisent différentes méthodes pour réduire, voire se soustraire à la fiscalité. Elles peuvent, entre autres, déplacer leur endettement vers des pays à taux d’imposition élevés.
Elles peuvent aussi ajuster les prix de transferts, qui sont les prix imputés dans les transactions avec leurs filiales étrangères, de manière à transférer des profits vers des pays où le système de taxation est plus avantageux. Enfin, les multinationales ont également la possibilité de délocaliser leurs activités en faveur des juridictions à faible imposition.
La littérature suggère que les entreprises canadiennes entretiennent des relations étroites avec les juridictions à faible imposition. Collins et Shackelford (1995) ont calculé que les entreprises canadiennes ont un taux d’imposition effectif inférieur à celui des États-Unis, du Japon et du Royaume-Uni. Arnold et Wilson (2014) montrent que les autorités du Canada sont réticentes à l’idée d’adopter des mesures restrictives afin de ne pas désavantager les entreprises canadiennes vis-à-vis de ses concurrents internationaux. Hejazi (2007) met en évidence l’importance croissante des paradis fiscaux dans les investissements directs canadiens à l’étranger. Mintz et Smart (2004) montrent que les entreprises canadiennes procèdent à l’évitement fiscal entre les provinces en transférant leurs bénéfices vers des provinces ou des territoires à faible fiscalité.
Différentes sources de données microéconomiques et macroéconomiques sont mobilisées. Il ressort de cette étude que le taux d’imposition effectif des entreprises canadiennes se situe largement en deçà du taux d’imposition statutaire et qu’il n’a cessé de décroître au cours des 35 dernières années. La tendance baissière du taux d’imposition s’observe pour les petites et pour les grandes entreprises. Cependant, les niveaux et l’évolution des taux d’imposition effectifs sont assez hétérogènes entre secteurs d’activité. Les données montrent ensuite que la part des bénéfices générés à l’étranger par les entreprises canadiennes a plus que doublé au cours des 30 dernières années. Par ailleurs, les paradis fiscaux abritent environ 25 % des investissements canadiens à l’étranger.
EN :
Business Taxes and Tax Havens : A Study with Canadian Data. Tax avoidance is a well-documented phenomenon in the economic and accounting literature, although few studies have focused on tax avoidance of Canadian multinationals. This article portrays the evolution of taxation of Canadian corporations and their use of tax havens. An assessment of the losses associated with the use of tax havens is proposed.
Multinational companies use different methods to reduce or evade taxation. They can, among other things, shift the allocation of debt to countries with higher tax rates. They can also adjust transfer prices, which are the prices charged in transactions with foreign affiliates, in ways to transfer profits to countries where the tax system is more advantageous. Finally, multinationals also can relocate their activities in low-tax jurisdictions.
The literature suggests that Canadian companies have close relationships with low-tax jurisdictions. Collins and Shackelford (1995) find that Canadian companies have a lower effective tax rate than the US, Japan and the United Kingdom. Arnold and Wilson (2014) show that Canadian authorities are reluctant to adopt restrictive measures in order not to penalize Canadian companies vis-à-vis competition from abroad. Hejazi (2007) highlights the growing importance of tax havens in Canadian direct foreign investments. Smart and Mintz (2004) argue that Canadian companies avoid taxes by transferring their profits to more accommodating provinces or territories.
Different sources of microeconomic and macroeconomic data are used in this study. It appears that the effective tax rate of Canadian companies is largely below the statutory tax rate and has steadily declined over the past 35 years. The downward trend in the tax rate is observed both for small and large corporations. However, the level and evolution of these effective tax rates differ across sectors. The data show that the share of profits earned abroad by Canadian companies has more than doubled over the past 30 years. Moreover, tax havens are recipients to about 25% of Canadian foreign investments.
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Access to Post-Secondary Education: How does Québec Compare to the Rest of Canada?
Ross Finnie et Richard E. Mueller
p. 441–474
RésuméEN :
This research uses the Youth in Transition Survey, Reading Cohort (“YITS-A”) to analyse access to post-secondary education (PSE) in Québec in comparison to other Canadian provinces and regions. We begin by presenting access rates by region and show that university participation rates in Québec are relatively low, while college rates are high in comparison to other provinces, although these differences are presumably due in part to the cégep system in Québec. We then undertake an econometric analysis which reveals that the effects of parental education on access to PSE are much stronger than the effects of family income, and are relatively uniform across the country. The substantially weaker family income effects (stronger for females than males) figure most importantly for the Atlantic Provinces, but much less elsewhere, including in Québec. We also find that the relationships between test scores from the Programme for International Student Assessment (PISA), which measures academic ‘‘performance’’ and ‘‘ability’’ and even more so high school grades, differ by province, and are generally strongest in Ontario and weakest in Québec, again perhaps in part due to the cégep system which represents a mediating influence between high school performance and university attendance, in particular. Males are much less likely to attend university across the country, but this gap is widest in Quebec. Our analysis of traditionally under-represented and minority groups points to students from rural Québec actually being at no disadvantage in terms of PSE participation, second-generation immigrants doing especially well in comparison to other provinces, but more recent first-generation immigrants not faring nearly so well in Québec. Finally, young Québecers who do not go on to PSE (especially the Francophone majority) are much more likely than other Canadian youths to say that they simply have no aspirations to attend PSE, and to otherwise say they face no barriers to attending PSE. Policy implications are discussed using a fiscal lens.
FR :
Cette recherche utilise l’Enquête auprès des jeunes en transition pour la cohorte lecture (« EJET-A ») afin de comparer le taux de participation aux études postsecondaires (EPS) au Québec à d’autres régions du Canada. En premier lieu, nous présentons les taux d’accès par région et nous découvrons rapidement qu’il y a plusieurs différences importantes, notamment le fait que les taux de participation aux études universitaires au Québec sont faibles, tandis que les taux de participation aux études collégiales sont relativement élevés par rapport aux autres provinces. Par la suite, nous complétons une analyse économétrique qui révèle que le revenu parental à un effet important sur la participation aux EPS dans les provinces de l’Atlantique, mais semble avoir un effet beaucoup plus faible ailleurs, y compris au Québec. En revanche, nous déterminons que le niveau d’éducation des parents à un effet puissant et uniforme sur la participation aux EPS dans l’ensemble du pays. Nous constatons également que la relation entre les notes du secondaire et les résultats aux tests du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), qui mesure les connaissances académiques et les compétences des élèves, diffère selon la région et est généralement la plus forte en Ontario et la plus faible au Québec. Ainsi, le Québec semble avoir un système qui est relativement moins « méritocratique », par exemple, que l’Ontario puisque les connaissances et compétences (tel que mesurées par PISA) sont des déterminants moins importants de la participation aux études universitaires. Nous constatons également que certains groupes sous-représentés ne performent pas aussi bien au Québec. Toutefois, certains, tels que ceux provenant de zones rurales et les immigrants de deuxième génération, performent mieux au Québec en ce qui a trait à la participation aux études universitaires. Les jeunes Québécois sont beaucoup plus susceptibles que les autres jeunes Canadiens à dire qu’ils n’ont pas d’aspirations à des études postsecondaires, et ce particulièrement pour la majorité francophone dans de la province. En somme, ces résultats pourraient être attribués à la présence de cégeps dans la province, propre au système d’éducation québécois, ou à d’autres facteurs culturels qui n’ont pas encore été découverts. Ces deux hypothèses devront être explorées dans le cadre de recherches futures.