L’objectif de ce numéro spécial est d’offrir une série de contributions de synthèse ayant pour ambition de comprendre, dans ses dimensions positive et normative, le processus électoral. D’une certaine façon, les élections sont aux politologues ce que les marchés sont aux économistes. Comprendre les institutions électorales, leur influence sur les comportements des principaux acteurs (offre et demande de politiques publiques) et les enjeux de possibles réformes est de première importance aussi bien pour les politologues que pour les économistes. Ce numéro spécial s’efforce de combiner les traditions intellectuelles propres à la science économique et à la science politique. Toutes les méthodes scientifiques pour aborder utilement ces questions sont les bienvenues tant il est vrai qu’elles se fertilisent mutuellement : méthodes descriptives, empiriques et statistiques, théoriques et expérimentales. Dans sa dimension méthodologique, ce numéro spécial souhaite rendre justice à cette diversité. Après un article introductif destiné à présenter les principaux systèmes électoraux qui sont actuellement en usage à travers le monde, le numéro spécial comporte trois parties. La première partie contient deux contributions portant sur le comportement de vote des électeurs, et donc sur la demande de politiques publiques. La deuxième partie s’articule autour de trois contributions explorant le comportement et le nombre des candidats et partis politiques, et donc sur l’offre de politiques publiques. La troisième partie conclut par deux contributions d’ingénierie électorale visant à déterminer le(s) système(s) électoral(aux) optimal(aux) à la lumière d’un (plusieurs) critère(s) normatif(s). Le numéro spécial est ouvert par un article de Louis Massicotte dont l’objet est d’offrir une présentation ordonnée des principaux systèmes électoraux qui sont actuellement en usage à travers le monde. Cette contribution invite le lecteur à prendre connaissance de la diversité des systèmes électoraux. Identifier un système électoral à l’aide de quelques indices/propriétés est une entreprise compliquée mais utile. Rae (1967) propose une classification des systèmes électoraux, qui se base sur trois ensembles de variables : (1) le nombre de candidats à élire (district magnitude); (2) la forme du bulletin de vote (ballot structure); et (3) la transformation des bulletins de vote en candidat(s) élu(s) (allocation rule). En combinant ces trois ensembles de variables, il est possible de construire une quasi-infinité de systèmes électoraux. Concernant le nombre de candidats à élire, on peut avoir un système uninominal, ayant pour vocation d’élire une personne à une fonction (par exemple, le président de la nation dans le cas d’un régime présidentiel), ou, alternativement, un système plurinominal, ayant pour vocation d’élire plusieurs personnes (par exemple, une assemblée législative). Parmi les systèmes plurinominaux, on peut faire varier le nombre de sièges à pourvoir et le nombre de circonscriptions électorales. Par exemple, on peut avoir une seule circonscription qui couvre l’ensemble du pays (comme c’est le cas en Israël et aux Pays-Bas) ou, alternativement, diviser le pays en plusieurs circonscriptions qui élisent chacune un seul ou plusieurs candidats, avec des circonscriptions qui élisent toutes un même nombre de candidat(s) ou des circonscriptions qui élisent des nombres différents de candidats. Concernant les bulletins de vote possibles, il en existe une variété quasiment infinie. On peut demander à chaque électeur de voter pour un candidat ou une liste de candidats, de voter pour plusieurs candidats (sur une même liste ou sur des listes différentes, auquel cas on parle de panachage), d’allouer un ensemble de scores entre les différents candidats, avec la possibilité de cumuler ces scores sur un même candidat ou encore la possibilité de ne pas donner tous les scores dont dispose l’électeur (ce que l’on appelle l’abstention partielle), de fournir un classement complet ou partiel des candidats, de choisir entre …
Parties annexes
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