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Anticipations, bruits et sentiments[Notice]

  • Alain Guay

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  • Alain Guay
    Université du Québec à Montréal
    CIRPÉE
    CIREQ

Il existe une longue tradition en macroéconomie remontant à Pigou (1926) et Keynes (1936) selon laquelle les variations d’anticipations peuvent être importantes pour la compréhension des cycles économiques. Depuis une dizaine années, on assiste à un renouveau d’intérêt de ces sources possibles du cycle, et de façon plus marquée, depuis la Grande Récession. Les variations d’anticipations comme sources des cycles économiques ont été récemment conceptualisées de trois façons. Une première façon est de considérer ces variations comme provenant d’un changement d’anticipations par rapport aux fondamentaux de l’économie. Beaudry et Portier (2006) proposent les news shocks, que l’on peut traduire par des chocs de nouvelles, comme facteur explicatif des cycles économiques. Ces chocs proviendraient d’un changement des anticipations des agents économiques par rapport à la productivité des facteurs dans l’économie. Bien entendu, des chocs de nouvelles peuvent également provenir de changements d’anticipations de la politique fiscale, la politique monétaire ou tout autre variable fondamentale de l’économie (voir par exemple Schmitt-Grohé et Uribe, 2012, ou Leeper, Walker et Wang, 2013). Une autre source de variations d’anticipations proviendrait de vagues de pessimisme et d’optimisme qui ne sont pas provoquées par un changement de perception de l’état des fondamentaux mais par des problèmes d’information et de coordination. La modélisation récente de ces variations d’anticipations prend la forme de variations de « sentiments » dans un contexte d’anticipations rationnelles et d’équilibre unique chez Angeletos et La’O (2013) et également dans un contexte d’anticipations rationnelles mais d’équilibres multiples chez Benhabib, Wang et Wen (2015). Une dernière catégorie de variations d’anticipations comme source des cycles économiques peut-être considérée comme provenant d’erreurs d’anticipations par rapport aux fondamentaux (voir, entre autres, Beaudry et Portier, 2014 et Forni et al., 2013). Par exemple, les agents économiques peuvent anticiper une hausse de la productivité future des facteurs de production qui crée une expansion économique aujourd’hui. Lorsque les agents réalisent que cette hausse n’est pas réalisée, cela peut alors produire une récession. La quantification de l’importance des ces chocs d’anticipations comme source des cycles économiques pose des problèmes spécifiques. Depuis le début des années quatre-vingt, l’importance des sources potentielles des cycles économiques est évaluée à l’aide de représentations vectorielles autorégressives (VAR) structurelles. En présence de chocs de variations d’anticipations, les VAR structurelles sur les variables observables ne permettent pas toujours de retrouver les chocs structurels à partir des innovations du VAR. En particulier, on peut se retrouver dans un contexte de représentation dite « non fondamentale ». Dans ce cas, la dynamique conjointe des variables observables incluses dans le VAR comporte une partie moyenne mobile avec des racines à l’intérieur du cercle unité qui ne peut être approximée par un VAR. Une représentation vectorielle autorégressive ne peut donc pas servir à l’identification de ces chocs d’anticipations et à l’estimation adéquate de la dynamique engendrée par ces chocs sur les variables macroéconomiques. En présence de chocs reposant sur des changements d’anticipations, il existe deux sources possibles pouvant créer un problème de représentation non fondamentale. La première source résulte des chocs de nouvelles. On peut montrer qu’en général, les innovations du VAR ne permettent pas de récupérer les chocs structurels. Le problème provient d’un ensemble d’information trop limité de l’économètre. La deuxième source apparaît en présence d’un problème d’information; l’agent économique n’observe pas parfaitement le choc. Dans ce cas, l’agent ne peut identifier correctement les chocs structurels, il fait face à un problème d’extraction de signal. A fortiori, l’économètre ne pourra pas non plus identifier ces chocs. Une solution apparaît naturelle pour résoudre le problème de représentation fondamentale en présence de chocs de nouvelles. Cette solution consiste à augmenter l’ensemble d’information …

Parties annexes