Économie expérimentale : comportements individuels, stratégiques et sociaux – Introduction[Notice]

  • Nicolas Jacquemet et
  • Olivier L’Haridon

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Les 25 dernières années ont vu se populariser un renouveau des méthodes empiriques dans de nombreux domaines de l’analyse économique. Parmi celles-ci une place de plus en plus importante a été accordée à l’emploi de méthodes expérimentales, notamment comme outil empirique privilégié d’étude des nouvelles perspectives offertes par l’économie comportementale. L’élargissement des méthodes empiriques qui a suivi ce mouvement, l’accumulation de nombre de résultats significatifs a conduit L’Actualité économique à proposer un panorama de cette littérature, non seulement pour en présenter les prémisses et en tirer un bilan intermédiaire mais également pour en présenter les perspectives. Au sens strict, les méthodes d’économie expérimentale emploient les principes de la méthode expérimentale, inspirée des sciences naturelles, pour évaluer les prédictions des modèles économiques en se concentrant plus particulièrement sur les comportements individuels. Les piliers sur lesquels s’appuie cette méthode sont traditionnellement au nombre de trois. Le premier pilier est constitué par le contrôle de l’environnement dans lequel se font les choix individuels. Dans une expérience de laboratoire, le chercheur essaye de contrôler le plus possible le contexte dans lequel les agents économique prennent leurs décisions, afin d’isoler l’effet d’un traitement particulier. Typiquement, la méthode expérimentale permet de spécifier de manière fine et précise les institutions d’échanges et la forme des interactions sociales, les modes de présentation des choix et les échelles de réponse afin de contrôler au mieux l’environnement de choix. Le deuxième pilier est le contrôle de l’assignation aléatoire des participants dans différents traitements. Ce deuxième pilier est fondamental pour l’identification des effets de traitements et l’évaluation empirique sous-jacente qui en est espérée. Le troisième pilier, le plus contesté, repose sur la présence d’incitations monétaires assurant que les choix effectués en laboratoire sont associés à de réelles conséquences économiques. Le fait d’avoir pour matière première les comportements individuels a conduit l’économie expérimentale à être un instrument de premier plan mobilisé par l’économie comportementale. Cette dernière a pour objet l’étude des comportements économiques en envisageant une version enrichie de leurs déterminants. Loin de se limiter à l’intérêt personnel et à la rationalité instrumentale des agents économiques, l’économie comportementale cherche à intégrer des éléments de psychologie cognitive, de psychologie sociale et des facteurs émotionnels dans les explications des comportements et des interactions économiques. La discipline cherche également à évaluer l’impact de cette vision enrichie des comportements sur l’allocation de ressources, la fixation des prix et le bien-être des agents. Du fait de la focalisation sur les comportements individuels, l’économie expérimentale a naturellement accompagné ce mouvement d’élargissement de l’étude du comportement au-delà de l’homo oeconomicus. Le retournement d’opinion des économistes à propos de la pertinence de la méthode expérimentale est un fait marquant de la fin du XXe siècle. L’article introductif à ce numéro, proposé par Annie Cot et Samuel Ferey retrace ainsi l’évolution de l’économie expérimentale en analysant celle-ci au travers de trois périodes marquantes de son histoire : premiers pas, consolidation, extension. Cet article montre notamment comment l’économie expérimentale doit une grande partie de sa réussite à sa capacité à générer une nouvelle classe de faits économiques. En effet, chaque période de développement de l’économie expérimentale a donné lieu soit à une impulsion, soit à une accumulation de résultats qui ont légitimé, aux yeux de la communauté des économistes, l’importance des faits économiques recueillis dans les expériences de laboratoire. Par exemple, la période de premiers pas, bien que marquée par des propositions isolées comme celle de Allais et de son fameux paradoxe mettant en question l’utilité espérée, des premières expériences de Chamberlin ou Smith sur l’équilibre de marché ou de Flood et Dresher sur l’équilibre de Nash, ont …