L’économique en perspective

De la crise financière à la crise de la dette et de l’euro[Notice]

  • Pascal Salin

…plus d’informations

  • Pascal Salin
    Université Paris-Dauphine

La crise financière commencée en 2008 a été très généralement considérée comme une manifestation de l’instabilité chronique du capitalisme, ce qui impliquerait par conséquent que seul l’interventionnisme étatique permettrait de sortir de la crise et d’éviter de nouvelles crises. Mais on a aussi bien souvent affirmé que cette crise était un symptôme de l’immoralité fondamentale du capitalisme, parce que des banquiers avides avaient pris trop de risques afin de maximiser leurs profits. Bien que largement partagées, ces idées sont pourtant radicalement fausses et c’est en fait une leçon toute différente que l’on devrait tirer de la crise récente. La crise est la conséquence de l’interventionnisme étatique et ce sont les États qui sont coupables. Il en résulte évidemment qu’il n’est pas justifié de mettre en oeuvre un renforcement de la réglementation des marchés que l’on appelle d’ailleurs, de manière erronée, une régulation des marchés financiers. Les phénomènes en cause dans l’apparition et le déroulement de la crise sont complexes et nombreux, mais on peut leur trouver à tous une même caractéristique, à savoir qu’ils sont la conséquence d’une insuffisance de capitalisme dans le monde moderne. Plus précisément, il existe un facteur majeur de la crise, à savoir la politique monétaire qui a été menée aux États-Unis et dans le reste du monde au début des années deux mille. Mais les autres facteurs – qui relèvent aussi de l’interventionnisme étatique – n’auraient pas pu jouer leur rôle si la politique monétaire n’avait pas été aussi déstabilisante. La cause essentielle de la crise récente provient en effet de l’extraordinaire variabilité de la politique monétaire américaine au cours des années récentes. Or, celle-ci est bien évidemment décidée par des autorités publiques et non déterminée par le marché. C’est ainsi que la Fed a fait passer son taux directeur de 6,5 % en 2000 à 1,75 % fin 2001 et 1 % en 2003. Il y eut ensuite une lente remontée à partir de 2004 jusqu’à atteindre 4,5 % en 2006. Pendant toute la période de bas taux d’intérêt et de crédit facile, le monde a été submergé de liquidités, d’autant plus que la plupart des banques centrales ont conduit des politiques monétaires à peu près aussi expansionnistes. Afin de profiter de cette magnifique occasion de profits faciles, les établissements financiers ont accordé des crédits à des emprunteurs de moins en moins fiables, comme l’a montré la crise des subprimes, c’est-à-dire des crédits accordés à des emprunteurs qui ne remplissaient pas les meilleurs critères de solvabilité. Lorsque l’on est revenu à des taux d’intérêt plus normaux, les excès du passé sont apparus au grand jour : ce fut l’éclatement de la « bulle financière ». Il est peut-être alors utile en ce point de la démonstration de faire quelques remarques concernant la théorie économique. En effet, les commentateurs ont généralement souligné que la crise donnait raison à John Maynard Keynes contre Milton Friedman, ce qui est d’ailleurs tout à fait contestable. En effet, Keynes a fort peu expliqué les causes des crises économiques et, s’il l’a fait, c’est pour dénoncer ce qui lui apparaissait comme un excès d’épargne. Or, c’est exactement le contraire qui s’est produit puisque, ainsi que nous le soulignons ci-dessous, c’est l’insuffisance d’épargne volontaire qui a été à la racine de la crise. Keynes s’est surtout intéressé aux politiques à mettre en oeuvre dans le cas où il existe une récession économique et ses prescriptions sont d’ailleurs plus que contestables, elles sont dangereuses, ainsi que nous le verrons. Milton Friedman, pour sa part, s’est surtout intéressé au lien qui existe entre la création monétaire et l’inflation, ce qui est légitime. …

Parties annexes